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Laïcité, modernité, identité : un sentiment de fin du monde

Chronique de Paysan Savoyard (n°227 – Février 2020)

Depuis plus de vingt ans, les études d’opinion le montrent sans ambiguïté : la grande majorité des Français sont pessimistes. Ils sont même les plus pessimistes du monde occidental. Tous ou presque sentent que l’avenir est sombre. Presque tous sont persuadés que la vie de la génération suivante sera moins favorable que la leur propre. On peut recenser trois causes majeures de cette ambiance sépulcrale.

  • La disparition de la religion chrétienne, facteur de solitude et d’anomie

La religion chrétienne et l’Eglise n’occupent plus désormais en France, et plus généralement dans les sociétés de l’ouest de l’Europe, qu’une place résiduelle. Les républicains, athées et pétris de l’idéologie individualiste des Lumières, sont au pouvoir en France depuis deux-cents ans : la lutte antireligieuse qu’ils mènent sous couvert de laïcité et la propagande anticléricale qu’ils alimentent sans relâche ont eu raison de la religion chrétienne et l’ont marginalisée. La société de consommation mise en place à l’après-guerre est venue renforcer l’individualisme et le matérialisme installés par les républicains. Ayant choisi d’accompagner le mouvement de la modernité et de renoncer à un grand nombre de traditions et de convictions ancestrales, l’Eglise de son côté s’est banalisée : dépourvue désormais de message propre, elle est devenue inutile. Au terme de cette évolution la religion chrétienne, en France et en Europe, est désormais marginale.

Or la religion chrétienne constituait pour les sociétés européennes le principal élément structurant. Elle procurait des croyances communes, facteur d’homogénéité. Elle édictait des règles collectives de comportement, bases de l’ordre social. Elle suscitait des occasions de rassemblements fréquents (messes, cérémonies, fêtes religieuses tout au long de la vie) alimentant un sentiment d’appartenance à la communauté, sous la direction spirituelle des prêtres. Elle rassurait les individus et les entouraient face aux aléas. Elle donnait un sens à la vie de chacun, réduisant d’autant l’angoisse existentielle. En un mot la religion chrétienne constituait un ciment, qui solidifiait la société et soutenait l’individu.

La religion chrétienne a aujourd’hui disparu de la vie quotidienne de la plupart des gens. L’individu est seul. Dépourvu désormais du soutien communautaire. Privé de guide et de direction spirituelle. Il est seul, face notamment à la question du Pourquoi, à laquelle chacun est confronté. Quant à la société, elle est fragilisée, déstructurée, atomisée.

  • La modernité et ses bouleversements permanents, sources d’hébétude et de déstabilisation

Célébrant le culte du progrès et de l’avenir, rejetant le passé et la tradition, la société moderne est en mutation permanente : il y a là pour les individus une source majeure d’inquiétude et de déstabilisation.

Les mutations sont engendrées tout d’abord par le progrès technique, qui paraît sans limite. Le capitalisme, qui est le système économique mis en place par la classe bourgeoise au pouvoir depuis la révolution, entraîne lui aussi, par sa nature-même, une mutation permanente. Le processus de « destruction créatrice » en est le moteur : création permanente de nouveaux besoins ; disparition des activités insuffisamment rentables ; obsolescence programmée ; création ex nihilo d’activités économiques dont on ne pouvait même imaginer l’existence quelques années auparavant, telle que l’économie internet ; disparition brutale de branches d’activités entières ; mondialisation et délocalisation de millions d’emplois… Venant s’ajouter et s’articuler aux mutations techniques, ces mutations décuplent l’incertitude.

Les mutations techniques et économiques entraînent en particulier des bouleversements continuels du monde du travail, qui pèsent sur le moral des individus et les déstabilisent : inquiétude des personnes mises au chômage ; obligation de se reconvertir en cours de carrière ; angoisse et sentiment de dévalorisation des cadres en deuxième partie de carrière, poussés dehors par les plus jeunes ; angoisse des jeunes au moment de choisir une orientation professionnelle, dans un monde toujours plus complexe, toujours plus concurrentiel, toujours plus mondialisé… Il faut signaler également que ce contexte de changement forcené rend impossible la communication entre générations et provoque l’isolement des personnes âgées, dépassées par les mutations continuelles.

La société moderne se caractérise en outre par des chamboulements sociétaux, qui ne cessent là encore de s’accélérer : bouleversement des mœurs, divorce, recul du mariage, bouleversement des normes familiales et parentales, disparition du principe d’autorité… Les possibilités techniques préparent de nouveaux cataclysmes : manipulations génétiques, eugénisme, clonage, transhumanisme…

Ce processus de mutation permanente constitue une rupture absolue avec la société traditionnelle qui, dans la vie quotidienne de la majorité de la population, prévalait encore jusqu’aux années cinquante. Caractérisée par la permanence et la stabilité, la société traditionnelle constituait pour l’individu un cadre rassurant. Elle permettait de mieux supporter l’idée de sa mort personnelle, chacun étant inscrit dans une chaîne séculaire. Les vieux n’étaient pas exclus et les générations pouvaient communiquer, chacun vivant dans un monde identique. Le changement permanent est aujourd’hui une source majeure d’inquiétude et de déstabilisation. Elle nourrit notamment une inquiétude existentielle : De quoi demain sera-t-il fait ? Quel peut-être le sens de la vie individuelle dans un monde en train de disparaître ?

  • L’invasion et la perte d’identité, causes d’abattement et de désarroi

Les cinquante dernières années ont été marquées par l’immigration massive de personnes venues pour la plupart d’Afrique et d’Orient. Ce phénomène, qui ne cesse de s’accélérer, constitue une nouvelle mutation majeure, s’ajoutant à toutes les autres. Elle achève de déstabiliser les peuples européens, confrontés désormais à la perte de leur identité.

Jusqu’aux années soixante, les Européens ne nourrissaient aucun doute quant à cette identité : ils étaient sans discussion possible des peuples de religion chrétienne, de culture gréco-latine, de moeurs européennes et de race blanche. Par-delà leur diversité, ils appartenaient tous à la même civilisation européenne et le territoire de l’Europe était le leur sans conteste.

Les Européens désormais ne savent plus qui ils sont. Il n’est plus question pour eux de se définir comme chrétiens. Il leur est formellement interdit de se percevoir comme Blancs. Or, pouvoir répondre à cette question : « Qui suis-je et qui sommes-nous collectivement ? » constitue une nécessité vitale pour l’équilibre psychologique des individus, pour la cohésion des sociétés, pour la foi commune dans l’avenir.

La plupart des sociétés européennes sont devenues de facto multiculturelles et multiraciales. Cette situation entraîne des tensions sans cesse croissantes entre autochtones et personnes originaires de l’immigration. Plus fondamentalement, les Européens ont désormais le sentiment plus ou moins affirmé qu’ils sont victimes d’une dépossession ; qu’ils ne sont « plus chez eux » ; que dans un nombre de lieux croissant, ils sont devenus « étrangers dans leur propre pays » ; qu’ils sont envahis ; qu’ils sont en passe d’être remplacés. Cette situation est une source majeure de désarroi.

L’angoisse est renforcée par le sentiment de plus en plus partagé que l’invasion en cours, loin d’être fortuite et irrépressible, est au contraire désirée, suscitée et organisée par la classe dirigeante européenne elle-même. Les peuples européens savent maintenant qu’ils n’ont à rien à attendre de leurs dirigeants, ni soutien, ni protection, ni avenir. De façon plus ou moins nette, la plupart des Européens ont conscience désormais que leurs dirigeants les ont trahis.

Même s’il reste diffus et inexprimé, le sentiment dominant est que nos sociétés touchent à leur fin. Il n’y a plus d’avenir. L’avenir a disparu. Notre temps est passé.

Ceux qui nous envahissent n’éprouvent aucun de ces sentiments morbides. Ils sont pleins de certitudes, notamment religieuses. Pleins de confiance dans leur force, celle qui naît du nombre. Pleinement conscients de notre naïveté, de notre faiblesse, de notre pacifisme et de notre lâcheté. Ils savent qu’ils sont en passe de s’emparer de l’Europe. Ils savent qu’ils sont en train de prendre une revanche historique sur ces Européens qui les ont dominés pendant des siècles et qu’ils haïssent.

Vaincues d’avance, nos sociétés envahies refusent à tout prix l’affrontement et la guerre. Déjà défaites, déjà soumises, elles fondent comme à vue d’oeil, au dur soleil de la Méditerranée.

https://leblogdepaysansavoyard.wordpress.com/

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