
par Yann
Même si officiellement aucun traité de paix n’a été signé à Anchorage, il semble que la situation du conflit ukrainien soit tout de même en voie d’amélioration. Je critique souvent Trump sur ce blog notamment sur les questions économiques, mais il est indéniable que son élection a calmé en partie la montée en tension que les néoconservateurs américains et les démocrates provoquaient. Le fait que les deux puissances nucléaires que sont la Russie et les USA se soient mis autour d’une table aurait dû être accueilli avec beaucoup plus d’enthousiasme du côté européen. Mais on voit bien que l’UE et ses petits serviteurs à commencer par notre pathétique président n’ont eu de cesse de vouloir faire capoter cette rencontre. Mais nous reviendrons sur cette question européenne par la suite.
L’économiste Jacques Sapir qui est un grand spécialiste de la Russie a assez bien résumé ce que la Russie a pu tirer de cette rencontre. La normalisation des relations entre les USA et la Russie va par exemple entraîner un retour des discussions entre les pays soumis aux USA et la Russie. C’est d’ailleurs le cas pour la Corée du Sud qui recevra une délégation russe pour le sommet de l’APEC. De la même manière, les sanctions économiques dont on connaît maintenant les effets boomerang surtout pour l’UE devraient progressivement s’estomper. En tout cas, cela devrait être le cas du côté américain. Il faut dire qu’il y avait beaucoup d’hypocrisie dans toutes ces sanctions puisque les USA se permettaient d’importer des produits russes indispensables pour eux pendant qu’ils imposaient aux euro-crétins de bien appliquer ces sanctions. Si les USA arrêtent leurs sanctions contre la Russie, on voit effectivement mal comment l’UE pourrait maintenir les siennes. Mais nous ne sommes pas à l’abri d’un nouvel acte de suicide économique collectif de la part des dirigeants de l’UE. Après tout, ils sont prêts à tout pour rester dans leur bulle idéologique où les sanctions de l’UE font trembler le monde et la Russie.
On apprend également grâce à Jacques Sapir une information tout à fait cocasse. En effet la pauvre nation cubaine qui subit invariablement un embargo grotesque contre elle depuis les années 60 sous prétexte que son régime politique ne plaît pas à Washington pourrait rejoindre les BRICS. Ce serait vraiment un camouflet pour les USA même si le maintien de cet embargo est complètement incompréhensible. Cuba ne représentant aucune menace pour les USA, à moins que l’idée d’avoir un pays communiste mieux géré que le leur à leur porte ne leur fasse peur. Après tout même avec 60 ans d’embargo, Cuba arrive à avoir une espérance de vie supérieure à celle des USA, et une mortalité infantile largement inférieure. Que se passerait-il sans embargo ? À titre personnel je ne comprends vraiment pas son maintien. Pendant la guerre froide et après la crise des missiles de Cuba, on pouvait le comprendre. Il s’agissait d’empêcher des missiles soviétiques d’être à la frontière des USA. À l’image de ce que la Russie a fait contre l’Ukraine, il s’agissait de se protéger contre une menace directe sur ses frontières. Mais aujourd’hui ?
Quoiqu’il en soit il semble qu’effectivement la Russie sorte assez gagnante de ces discussions, mais en même temps c’est tout à fait normal puisqu’elle a gagné sur le terrain militaire. Chose que nos propres dirigeants, que l’on aurait bien du mal à décrire comme élites, ne comprennent pas. Trump n’a simplement pas les moyens de vraiment négocier avec Poutine en dehors de quelques arrangements économiques et commerciaux. Il ne peut pas faire pression militairement, car il n’en a pas les moyens. Un principe de réalité qui apparemment échappe totalement aux Européens qui veulent se lancer à corps perdu dans une guerre contre la Russie dont ils n’ont absolument pas les moyens ni humains ni techniques. Comme le disait très justement Emmanuel Todd, les Européens veulent gagner une guerre seuls contre la Russie, qu’ils ont pourtant perdue avec l’aide des USA. Ce degré d’irréalisme est probablement l’un des résultats des 80 ans d’occupation américaine du continent. Je parle d’occupation parce que les USA traitent depuis longtemps l’Europe comme une colonie même si nous ne voulions pas le voir. Cela a donné des dirigeants qui font semblant de diriger et sur les questions militaires c’est probablement encore plus voyant. Seulement maintenant l’Empire US est en rétractation et les colonies vont devoir reprendre progressivement leur indépendance sans même l’avoir voulu. Le choc actuel de la guerre en Ukraine c’est probablement cela. La prise de conscience que le continent va devoir progressivement redevenir autonome en matière de politique sans tuteur paternaliste au-dessus de lui. C’est d’autant plus vrai que le tutorat américain va devenir de plus en plus coûteux pour les Européens et que continuer dans la direction actuelle de soumission ne pourra produire qu’un appauvrissement général du continent ou une adhésion pure et simple aux USA. Je ne serais pas surpris cependant que certains esprits malades en France veuillent bien faire de la France un simple américain après l’échec de l’UE.
L’UE n’a pas d’avenir sans la guerre
Nous nous acheminons donc petit à petit vers la paix en Ukraine, mais nous sommes obligés de constater que les dirigeants européens qui devraient pourtant se réjouir de la paix sont ceux qui s’y opposent le plus. C’est un paradoxe, car l’UE a payé un bien plus lourd tribut à cette guerre que les USA. On peut même dire que les USA ont ouvertement utilisé le conflit pour piller le continent et leurs vassaux. Et même si officiellement l’on ne sait toujours pas qui a pu détruire le pipeline Nordstream on sait très bien qui avait menacé de le faire et pourquoi. Dans un sens comme je l’avais dit il y a deux ans, ce conflit n’est pas qu’un conflit entre la Russie et l’Ukraine ce fut aussi un conflit entre les USA et leurs satellites. En difficulté sur le reste de la planète, les USA ont pillé leurs vassaux pour compenser. Ils les poussent à un suicide économique et industriel sans précédent.
L’Europe de l’Ouest est donc passée durant ce conflit ukrainien d’un statut de laquais vociférant de l’empire américain à celui de vulgaire colonie à piller sans vergogne. La vitesse à laquelle le continent coule est stupéfiante en réalité. L’Allemagne est désormais en récession et le pays connaît un déclin industriel rapide depuis 2017. Avec au cœur de ce processus la montée en gamme de la Chine. Si l’Europe avait perdu le pouvoir politique et militaire après ses deux suicides collectifs provoqués par l’Allemagne, elle restait jusque-là encore assez prospère. Mais même cela disparaît progressivement. Au déclin démographique, s’ajoute désormais un déclassement absolu du continent sur le plan économique, et ce n’est guère surprenant. La dépossession des nations de leur prérogative politique par le processus de la construction européenne est arrivée à ses objectifs. L’UE devait construire le paradis libéral sur terre sans nation ni frontière, nous y sommes. Sauf que bien évidemment cela ne fonctionne pas mieux que le paradis communiste dans la réalité.
En disloquant ses nations, le continent a paralysé la politique et rendu impossible toute cohérence dans les politiques industrielles et géopolitiques. Faisant du continent une proie désarmée au milieu de nations géantes voraces et agressives. Mais l’illusion européiste continue pourtant chez nos élites. En France, en particulier, la macronie continue ses délires sur la souveraineté européenne, ne comprenant pas le sens de la construction européenne. Celle-ci n’a jamais eu pour but de construire une nation à cette échelle, ce qui de toute manière était voué à l’échec, il s’agissait surtout de dépolitiser l’économie et de mette l’action individuelle et le marché au centre de tout. En ce sens, l’UE a atteint ses objectifs, le seul problème c’est que cela n’a pas apporté la prospérité bien au contraire. Et devant cet échec patent, même l’illusion de l’UE qui pèse plus a disparu avec la grotesque réunion récente entre von der Leyen et Trump. Il ne reste plus qu’à nos idéologues enfermés dans leur bunker que la fuite en avant et la guerre pour ne pas admettre l’échec du projet européen.
La question qui va se poser est «que va-t-il se produire lorsque la victoire russe sera officiellement admise et que la guerre en Ukraine sera terminée» ? Pour Emmanuel Todd les défaites sont souvent suivies de révolte et d’instabilité politique interne. Mais l’UE a déjà une image catastrophique dans la plupart des pays européens sans que pour l’instant les populations ne se révoltent réellement. L’UE continue à s’élargir, elle vient même avec l’aide des élites traîtres de la Bulgarie d’accueillir ce pays au sein de la catastrophique zone euro alors que la grande majorité des Bulgares étaient contre. On ne peut qu’espérer que cette défaite mette fin à la construction européenne qui coule nos pays depuis beaucoup trop longtemps.
source : Le Bondosage