Un dégât collatéral de l’épidémie du coronavirus, évaluée ce jour à environ 80 000 personnes infectées dans le monde, est son impact sur les marchés financiers. C’est un révélateur d’une économie fragile fonctionnant sur l’émotion. Si l’économie actuelle, c’est-à-dire la mondialisation, est menacée par le premier virus venu, dont on ne sait finalement que peu de choses, il convient en effet de s’inquiéter. Faut-il voir une corrélation entre l’épicentre chinois du virus, la Chine étant devenue de même un épicentre, sinon le principal épicentre de l’économie mondialisée ? L’avenir le dira. Si un des facteurs d’émotion est la vitesse de propagation, le Covid-19 touchant des pays comme la Corée du Sud, l’Italie, l’Espagne, le Japon, l’Iran ou les Etats-Unis, mais aussi le continent africain, l’autre est d’apprendre qu’il peut être transmis par des personnes ne présentant aucun symptôme.
L’émotionnel accroît le danger potentiel de l’épidémie
Dans cette situation où l’on sent que les individus mondialisés sont gavés depuis des années de séries, films et propos catastrophistes de type collapsologie ou d’appels à ce qu’un virus réduise une surpopulation mondiale qui, contre toutes les évidences démographiques sérieuses, serait responsable de tous les maux de la planète, le monde est émotionnellement au bord d’une panique qui a d’ailleurs commencé en Italie, où des supermarchés sont pris d’assaut. Le plus inquiétant est cependant que la panique émotionnelle gagne actuellement les marchés financiers. Le fait est que les bourses plongent et que plane sur les consciences le souvenir de la crise de 2008. Le Fonds monétaire international (FMI) a averti que la crise « pourrait mettre en péril la reprise » mondiale et a abaissé de 0,4 point sa prévision de croissance pour la Chine en 2020, à 5,6 %. Ce n’est qu’un début, d’après nombre d’économistes de plateaux de télévision. Les Bourses mondiales ont alors cédé à la panique face à l’accélération de l’épidémie : les places de Paris, Francfort, Londres, Madrid et Zurich chutaient de plus de 3 % lundi matin 24 février, tandis que celle de New York baissait mardi de près de 2 %, sa plus forte baisse depuis deux ans, comme la bourse australienne.
Celle de Milan, de plus de 4 %. En Asie, les Bourses chinoises ont terminé la séance de lundi en ordre dispersé, Hong Kong et Shanghai finissant dans le rouge tandis que la Bourse de Shenzhen a clôturé de peu dans le vert. Au Japon, la chute est de 3,3 %. De même, les cours du pétrole viennent de plonger de 4 %. Or, la Chine est le premier consommateur mondial de brut. L’or, valeur refuge, a atteint un nouveau sommet en sept ans, culminant à 1 689,31 dollars, une première depuis fin janvier 2013. Nous ne connaissons pas encore clairement les risques du Covid-19, peut-être gravissimes, mais nous savons déjà combien une récession économique née de l’irrationalité peut être néfaste. De quoi être inquiets, pour le coup, la montée de l’irrationnel n’étant jamais une bonne nouvelle.
Paul Vermeulen
Article paru dans Présent daté du 26 février 2020