L'échec du scrutin municipal de ce 15 mars, avec un taux d'abstention record de 56 % évalué à 20 heures, ne doit pas être considéré seulement comme une conséquence du coronavirus.
Le discours de 27 minutes du chef de l'État, ce 12 mars, avait à cet égard donné un signal dans plusieurs directions. Bien entendu on doit retenir, et mettre en œuvre, les diverses dispositions d'intérêt général. Elles sont commandées par des avis médicaux objectifs. S'il s'agissait toutefois de simplement nous dire qu'il faut se laver les mains et utiliser un numéro vert, 5 minutes auraient amplement suffi. Et, là encore, la démarche hésitante de ce mauvais cavalier n'a échappé à personne.
Au-delà donc de ces circonstances, où il s'agit de faire preuve de cohésion sociale et nationale, on ne peut que s'interroger, au-delà même de la personne, de plus en plus fragile, du président lui-même, sur le sens de sa fonction et sur sa place dans nos institutions.
Sans s'arrêter au seul résultat des municipales, en ce premier tour et au sortir d'une campagne en demi-teinte, tout indique désormais, en effet, le délitement du pouvoir présidentiel.
Le 13 mars, l'éditorialiste du Point, journal appartenant à la famille Pinault, ironisait pour exprimer son désarroi : "Coronavirus : avec Macron, le PS tient enfin son candidat à la présidentielle", tant le fond de son discours transpirait ce mélange d'étatisme et de fausses bonnes intentions, affichées et verbeuses, auxquelles la gauche ordinairement et par nature, excelle.
Sur un tel terrain, le parti socialiste, depuis qu'il est atteint de "prolophobie", terme inventé par ses propres communicants, ressentait cruellement le besoin d'un nouveau souffle. L'aurait-il trouvé ? Pas sûr que ce soit le meilleur.
Certes le scénario existe encore, toujours possible, d'un match retour du scrutin de 2017. Mais, même dans une telle hypothèse, même en admettant que le sortant se trouverait alors immanquablement réélu, personne ne pourra plus ni dire, ni se risquer à considérer que son programme y soit pour quelque chose et qu'il engagerait les Français.
Personne ne pourrait dès lors nier qu'il s'agirait d'une élection par défaut comme celle qui se profile aux États-Unis en cas d'une nomination de Joe Biden comme candidat du parti démocrate. Face à de nullissimes adversaires, disqualifiés on ne sait trop pourquoi en tant que "populistes", pouah quelle horreur, les bons élèves du système ne bénéficient eux-mêmes d'aucune "popularité".
Les bulletins à leur nom ne signifient plus rien d'autre que la volonté majoritaire d'empêcher la chienlit et l'incompétence d'envahir un peu plus les palais nationaux, déjà suffisamment endommagés.
Or, ceci intervient après plus de 60 ans de cinquième république. Nous nous sommes habitués à considérer comme solide cette constitution : elle avait déjà été révisée pourtant 24 fois en un demi-siècle, de 1958 à 2008.
Les plus acharnés à la réviser se sont recrutés d'ailleurs dans les rangs des héritiers de ce parti gaulliste, qui changea lui-même tant de fois de noms, au gré des ralliements successifs de certains centristes, de certains modérés, de certains libéraux, s'appelant UNR (58-62), puis UNR-UDT (62-67) UDVe (67-68) puis UDR (68-76), puis RPR (1977-2002), puis UMP (2002-2015) et maintenant LR.
Le gaullisme se voulait au-dessus des partis.
Après quelques années de pouvoir ses communicants inventèrent de s'appeler "la majorité", confrontée elle-même à "des" oppositions, entachées d'un pluriel de division. Et l'on voit, sans surprise, revenir cet élément de langage dans le discours du pouvoir. Quant au parti lui-même il recourt de plus en plus à une étiquette "de droite", plus agréable à l'oreille que le sigle "LR".
Quand, en 1967, l'UNR-UDT devint l'Union des démocrates pour la Cinquième République (UD-Ve) commença l'ascension de gens comme Jacques Baumel qui définira, un jour de Congrès, la ligne du parti dans un mouvement rhétorique inoubliable : "la cinquième république c'est le mouvement et l'Union des démocrates pour la Cinquième République c'est le mouvement dans le mouvement".
Sauf le ridicule du personnage, Héraclite l'Obscur, à 3 000 ans de distance eût sans doute admiré une telle philosophie du changement perpétuel, lui qui notait que la seule chose qui ne change pas, c'est le changement.
Le déclin, au contraire, conduit à sa propore fin. Nos institutions s'en rapprochent.
https://www.insolent.fr/2020/03/ineluctable-declin-de-la-cinquieme-republique.html