Vers 22 heures ce 26 mars, une opposition très dure, au sein du conseil européen qui s'est formalisée au grand jour. Le gouvernement illusionniste siégeant à Rome, annonçait un veto à un projet de conclusions provisoires de la réunion des 27 États Membres.
Bien plus, le même pays, ce peuple frère, durement frappé, relèverait à ce titre d'une solidarité sanitaire. Or, les traités européens, et on peut regretter leur faiblesse, n'ont jamais envisagé un tel domaine. En réalité, le pouvoir politique qui prétend parler son nom demande aujourd'hui la mise en place sous 10 jours d'un dispositif d'ordre monétaire. Ce qui est tout à fait autre chose, et qui ne soignera aucun malade entre Domodossola et Lampedusa.
En fait, cette crise couvait depuis au moins deux semaines. Elle oppose deux groupes de pays. En gros, l'Italie et l'Espagne, soutenues par l'État central parisien, en tout 9 gouvernements sur 27, voudraient faire adopter, pour financer par emprunt leurs plans de réponse aux conséquences du coronavirus, la création d'euro-obligations.
Cette vieille idée remonte à l'époque de Strauss-Kahn. Elle complaît beaucoup aux technocrates français et aux ministres de la citadelle Bercy, Bruno Le Maire en tête. Elle a été catégoriquement rejetée, depuis des années, par un autre groupe conduit par l'Allemagne et les Pays Bas, rejoints par la Finlande et les trois pays baltes. On en retire l'impression d'un choc entre nord et sud du continent, que sais-je encore, entre luthériens et papistes, comme si à Madrid, à Paris ou à Rome le catholicisme était au pouvoir.
Le président du conseil italien Giuseppe Conte n'a fait que reprendre un concept socialiste, en parlant de corona bonds. L'adoption d'un tel un dispositif est jugée totalement contradictoire avec l'illusion d'une monnaie unique durable. Faute d'institutions confédérales réelles, on ne peut imaginer celle-ci possible entre des États pratiquant des politiques budgétaires diamétralement opposées.
Or, beaucoup de bons esprits parisiens trouvent un charme nouveau à cette très ancienne formule qui consiste à surmonter une épreuve sans en faire mesurer les sacrifices. Hélas, les lecteurs de Beau de Loménie ont parfaitement compris que, séculairement, on se trouve ainsi en présence du mode de gouvernement préféré de nos grands habiles. L'Allemagne paiera, disaient-ils en 1919 avec Klotz, ministre des Finances de Clemenceau. Aujourd'hui on tend le même refrain, de manière plus abstraite encore : l'État paiera. Renvoyons ces marchands d'illusion à un discours prononcé par le dernier président de la troisième république. Dans les circonstances dramatiques de juin 1940, il avertissait : "ne demandez pas trop à l'État, il ne vous donne que ce qu'il vous a pris", – message rédigé par Emmanuel Berl. On peut regretter que l'éducation nationale ne fasse pas lire ce texte dans les écoles.
À l'épreuve du coronavirus, on redécouvre ainsi les lois de la pesanteur.
Les deux nouvelles épreuves auxquelles l'Europe concrète, entre le chantage migratoire d'Erdogan et les conséquences de l'épidémie de coronavirus, l'Europe des peuples européens, s'est trouvée confrontée ces dernières semaines a donc remis en question la faiblesse des institutions issues du traité de Maastricht.
Rappelons, avant tout, que cet accord a été négocié en 1991, dans un contexte précis, celui de la dissolution de l'URSS et du bloc soviétique. Il a été consolidé par un certain nombre de dispositions ultérieures, notamment aux traités de Nice en 2001 et de Lisbonne signé en décembre 2007.
Ces documents ont été rédigés par des technocrates français, des personnalités sans aucune légitimité élective comme Jacques Delors et son bras droit Pascal Lamy. Ce dernier a continué par la suite à faire des dégâts. En particulier, directeur général de l'OMC de 2005 à 2013, il s'est révélé incapable de réguler les désastreuses clauses privilégiées accordées à la Chine depuis son adhésion en 2001, ce que nous payons aujourd'hui.
Depuis 30 ans, la philosophie intergouvernementale de ces esprits faux n'a jamais été remise en cause par ceux qui leur ont succédé. Ils ont édifié un accord détaillé et largement obscur, entre États, entre administrations, entre partis subventionnaires, qui se sont révélés depuis lors en décalage grandissant avec les peuples
Ainsi les États signataires de Maastricht entendaient avancer sur la route de ce que l'on appelle faussement construction européenne en évacuant un certain nombre de domaines : défense, régionalisation, identité, protection sociale notamment.
L'illusion du chancelier Kohl consistait à croire que l'union monétaire primerait tout. Dans son esprit, et après la réussite de l'opération d'échange du mark de l'ouest et du mark de l'est, l'euro suffirait à unifier les cœurs. Il permettrait, ou plutôt contraindrait, d'aboutir à une confédération politique.
Cette pensée technocratique ne fonctionne plus. Les traités et les institutions qu'elle a mis en place ont fait leur temps. Il est devenu urgent de tourner la page.
https://www.insolent.fr/2020/03/un-ultimatum-des-illusionnistes.html