Ils sont nombreux, les petits, les obscurs et les sans-grades, qui luttent à main nue contre le coronavirus. Ils font partie, avec le corps hospitalier et médical, de ces braves qui maintiennent la France debout. Ce sont ces oubliés et ces modestes qui gèrent les magasins d’alimentation, transportent les marchandises, nettoient les villes, assurent la sécurité, font respecter la loi. Si ceux-ci venaient à réclamer leur “droit de retrait”, pour protéger leur vie, l’Etat ne tiendrait plus qu’à un fil. Les Français applaudissent avec raison, chaque soir à 20 heures, les médecins et leurs équipes. Mais qui songe vraiment aux caissières, aux éboueurs, aux facteurs, aux policiers et à tous ces anonymes qui n’ont pas rejoint les “planqués”?
Je m’empresse de préciser que je suis moi-même de ces confinés qui résistent en pantoufle, même si je n’ai pas quitté Paris et si je poursuis ma collaboration à CNews en me rendant trois fois par semaine dans les studios de la chaîne. Reste que la France d’en haut, qui s’éventait hier devant ces ploucs de Gilets jaunes en moquant leur patriotisme suspect, est à son tour devenue invisible et silencieuse. L’exode de nombreux citadins vers la France périphérique est venu rehausser encore davantage le courage de cette classe moyenne qui continue à aller travailler chaque matin, le plus souvent sans aucune protection. Le président de la République, qui a déclaré le pays “en guerre” contre le Covid-19, aura à récompenser ces combattants de l’ombre.
Dans l’urgence, il s’agit de protéger une armée en haillons. Il lui faut, comme pour les hôpitaux, des masques, des gants, des tests. Des primes doivent être distribuées. Pourquoi ne pas affecter la somme des contraventions au confinement à ces soldats sans armes ? Les grandes entreprises doivent avoir la décence de renoncer à leurs dividendes. Si rien n’est fait pour eux, ceux qui réclament un confinement total au moins jusqu’à la fin avril auront raison : la vie n’a pas de prix. Mais quel sera alors le solde économique, social, humain ? La gestion de cette crise sanitaire (1100 morts à ce jour en France) doit prendre garde à ne pas aggraver le mal en jetant des familles dans la misère et en poussant des entreprises à la faillite.
L’absurde serait atteint si l’Etat devait être amené à débourser des milliards d’euros en plans de relance et en aides, pour n’avoir su investir à temps dans des protections élémentaires. Lundi, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a appelé ceux “qui n’ont pas d’activité” à rejoindre “dans les champs” les agriculteurs en manque de main d’oeuvre pour des ramassages saisonniers. 80.000 postes sont à pourvoir. Cet appel peut s’entendre, même s’il contredit le : “Restez chez vous” du gouvernement. Il faut au moins nourrir la France. Emmanuel Macron a raison de ne pas fermer la porte au pragmatisme et au cas par cas. Encore faudrait-il qu’il n’utilise pas les volontaires comme de la chaire à canon.
Ivan Rioufol
Texte daté du 26 mars 2020 et repris du blog d’Ivan Rioufol
https://fr.novopress.info/217256/covid-19-la-resistance-de-la-france-den-bas-par-ivan-rioufol/