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Les animaux malades de la Dette

6a00d8341c715453ef0240a4faebf4200d-320wiLa préoccupation concrète et quotidienne des Français, en cette période de confinement, se recroqueville d'abord sur leur situation personnelle. Éric Zemmour ajoute, au-delà de la dimension strictement matérielle : "Notre gouvernement nous punit et nous prive de notre liberté individuelle, parce qu’il n’a pas été assez prévoyant. C'est le pouvoir qui devrait se sentir coupable."[1]

Les enquêtes d'opinion confirment la montée d'un tel sentiment. Un sondage IFOP[2]indique qu'en un mois, le nombre de Français qui font confiance au pouvoir actuel pour faire face efficacement à la crise du coronavirus, est passé de 55 % le 20 mars, à 47 % le 2 avril tombant désormais à seulement 38 %.

Jour après jour, changeant d'orientation comme de chemise, les communicants officiels et certains pseudo-savants, ne parlent donc que de cette situation, cherchant à nous bercer de nombrilisme hexagonal, eux qui prétendent combattre le nationalisme. Au moins sont-ils parvenus à guérir les Français de leurs certitudes quant à l'excellence globale et égalitaire de leur système de soins.

Au-delà de l'immédiat impact de la maladie elle-même, et des moyens de la combattre, tout tourne autour de l’endettement généralisé des États.

Or, depuis plusieurs semaines, le gouvernement de Paris menait bataille pour faire financer par la solidarité des autres États européens les conséquences de son impréparation, ainsi que celle des gouvernements socialiste espagnol et de la gauche italienne.

À cet égard, la téléconférence décisive des dirigeants de l'Union européenne ces 9 et 10 avril a frappé une partie des commentateurs par sa dimension conflictuelle. Une contradiction très forte s'est en effet manifestée entre deux groupes de gouvernements. Elle a permis une fois encore, et de plus en plus paradoxalement, aux partisans de l'Europe des États, de stigmatiser la faiblesse des institutions du Vieux Continent qu'ils s'emploient à empêcher de se renforcer depuis bientôt 30 ans. Le désaccord entre deux conceptions, évidemment antagonistes, de la sortie de crise, ne pouvait ainsi être tranché par une règle majoritaire.

L'antagonisme a donc été résolu par les concessions réciproques d'autorités souveraines : les États demandeurs d'un financement par le déficit, et donc par l'emprunt, c'est-à-dire principalement l'Italie et l'Espagne, pourront y recourir, à concurrence de 2 % de leur produit intérieur brut. Au-delà ils devront accepter les réformes, les unes bénéfiques, les autres peut-être excessives que pourront leur imposer les représentants du Mécanisme Européen de Stabilité. Mais, d'une part cette exception ne deviendra pas règle. D'autre part, en bref, le cautionnement des cigales par les fourmis dans le cadre des fameux coronabonds, restera soumis à l'agrément de ces dernières.

Dans un entretien publié par Les Échos le 9 avril, les deux ministres de Bercy, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin considèrent que les besoins de financement de la relance d'après-confinement, ne seront pas de 45 milliards, comme annoncés initialement, mais de 100 milliards, en attendant plus, si les mesures gouvernementales se prolongent[3].

Or, le 18 mars, le même Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics avait osé soutenir que "c'est parce que nos finances publiques étaient saines que nous pouvons dépenser en temps de guerre". Contre-vérité absolue, depuis qu'en 2019 le gouvernement a officiellement renoncé aux économies budgétaires figurant en 2017 dans le programme du vainqueur de l'élection présidentielle et de son parti En Marche, victorieux des élections législatives.

Toute la question qui se pose, pour la France d'aujourd'hui, est donc de comprendre qu'elle a cessé de faire partie des nations financièrement et économiquement fortes, pour rejoindre la cohorte des surendettés, celle des animaux que l'on croit malades de la peste, alors qu'ils souffrent d'abord de la Dette.

Dans la fable de La Fontaine, ils n'en mourraient pas tous, mais tous étaient atteints. Dans l'Europe plurinationale contemporaine les choses se sont quelque peu transformées. La peste bubonique, en effet, se trouve désormais reléguée au musée des horreurs d'un XIVe siècle improbable. On a même oublié ce conseil des chefs d'États et de gouvernement de novembre 2011, où d'un simple ricanement de Merkel et Sarkozy, avaient catapultés vers l'abîme les gouvernements de Silvio Berlusconi et de Georges Papandréou lui-même président de l'Internationale socialiste.

"Ce pelé, ce galeux d'où nous vient tout le mal", le malheureux peuple grec, allait payer très cher, jusqu'en 2019, la volonté des gros États de régenter le continent par technocrates interposés. Pire encore, à partir de 2015 et pendant 4 ans, un gouvernement d'extrême gauche dirigé par Tsipras, sous la houlette de Moscovici, allait s'employer à piétiner son identité nationale.

Tout cela a grandement alimenté le trouble d'une partie des Européens face aux oukases infligés aux pays du sud qualifiés aimablement de PIGS, Portugais, Italiens, Grecs et Espagnols. Par ricochet le mécontentement s'est élargi à l'Europe centrale et à certains Länder allemands. Le beau rêve de MM. Delors et Lamy, confondant communauté culturelle et monnaie unique, s'est retourné contre ses promoteurs.

On a pu stigmatiser, pèle mêle, sous l'étiquette supposée infamante de populistes, tous ceux qui avec des préoccupations fort distinctes et des propositions contradictoires, osaient critiquer les décisions des grands de ce monde : rien n'y a fait.

Le déficit d'enthousiasme est devenu sensible, jusque chez les plus obtus des communicants.

Fini le temps, par conséquent où il suffisait aux bons esprits de pratiquer l'amalgame, d'en appeler à l'antifascisme, voire même de souligner l'ineptie effective d'une partie des critiques, pour imposer leurs vues et leurs solutions préfabriquées.

JG Malliarakis 

Apostilles

[1] sur Cnews le 12 avril

[2] cf. article "Sondage. Coronavirus : la défiance s'installe contre le gouvernement" in Journal du Dimanche du 11 avril.
[3] cf. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire : "Le plan d'urgence révisé à 100 milliards d'euros"

https://www.insolent.fr/2020/04/les-animaux-malades-de-la-dette.html

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