Renforcé par une crise qui valide nombre de ses postulats politiques, le parti de Marine Le Pen s’impose comme le seul opposant audible depuis le début de la pandémie. Le RN s’active en coulisse sur un projet alternatif pour l’après-coronavirus. Et regarde vers 2022.
En ce mois de janvier finissant, Steve Bannon est saisi par ce genre d’intuition qui lui a permis, il n’y a pas si longtemps, de déceler un président des États-Unis là où le reste du monde moquait un milliardaire fantasque. L’ancien conseiller de Donald Trump décroche son téléphone et s’émeut auprès du Français Jérôme Rivière, député européen du Rassemblement national: « Je ne comprends pas que vous ne parliez pas plus du virus. » L’Américain anticipe une crise sanitaire gravissime, un confinement généralisé, une récession mondiale. Quand Rivière relate sa conversation à la présidente de son parti, il la découvre tout aussi informée et inquiète que Bannon. Depuis mi-janvier, Marine Le Pen absorbe tout ce qu’elle peut sur le virus de Wuhan, se fait traduire des articles de la presse étrangère, alerte ses équipes sur l’imminence d’une crise qui révélera au monde notre extrême fragilité. Rivière jette un œil rétrospectif sur ce qui pour beaucoup relevait à l’époque de l’exagération : « Marine aurait-elle fait mieux qu’Emmanuel Macron ? Ça reste à démontrer, mais on dit que gouverner, c’est prévoir : elle vient de prouver qu’elle savait prévoir. »
Même ceux qui ne lui veulent pas spécialement du bien en conviennent : depuis le début de la crise du coronavirus, Marine Le Pen a opéré un véritable choix tactique sur le plan politique et souvent eu raison avant les autres. Les faits ont justifié a posteriori ses coups de boutoir contre l’exécutif. Dès le 29 janvier, la présidente du RN demande la fermeture des frontières. Le 11 février, elle alerte sur la pénurie de masques à venir – la commande sera passée parle gouvernement… le 3 mars suivant. Au soir du premier tour des élections municipales, elle demande un confinement massif de la population. Le lendemain, le président annonce que les Français doivent rester chez eux pour au moins quinze jours ; elle rétorque que ce sera beaucoup plus long – à l’heure où nous écrivons, ce sera au minimum huit semaines. En pleine “union nationale”, certains jugent ces attaques répétées trop rudes. Peu lui chaut : « Nous sommes dans notre rôle d’opposition en alertant : j’assume cette dimension de pression et de surveillance », martèle Marine Le Pen.
On pourrait dire froidement que la séquence est plutôt bonne pour le Rassemblement national. Partout, les uns et les autres perçoivent dans le coronavirus un révélateur à la fois de l’importance de la nation et de la faillite de l’idéologie mondialiste. La souveraineté revient en grâce, on s’émeut de notre dépendance industrielle. La victoire des idées de Marine Le Pen ?
Livre blanc et livre noir pour terrasser le macronisme
Dans les réunions de travail par visioconférence, ceux qui passent encore un peu de temps virtuel avec la patronne ne décèlent chez elle aucun triomphalisme. « Marine est très intuitive, raconte l’un d’eux, elle sent bien que, politiquement, on ne sera pas forcément les bénéficiaires de cette crise. » L’intéressée confirme : «Ce serait une erreur totale de penser que les défaillances et le manque de vision d’Emmanuel Macron vont apparaître de manière spectaculaire aux yeux des Français, et qu’ils feront le “bon” choix la prochaine fois. » Parce qu’elle sait que « le système est capable de faire semblant » d’avoir tiré les leçons de la crise, elle sait aussi que « l’espoir » né du malheur qui frappe la France nécessitera « un travail intellectuel de fond » pour qu’il débouche sur une vraie remise en cause du logiciel macroniste.
Le parti prépare d’ores et déjà un livre noir et un livre blanc pour tirer les conséquences de la crise. Le premier pour lister les insuffisances et les blocages français dans la gestion de la pandémie; le second pour avancer les solutions du RN : un grand plan de relance économique sera notamment présenté, avec le détail de son financement et les coupes budgétaires nécessaires, ainsi qu’un vaste plan santé pour répondre à la détresse du milieu hospitalier et tourner le dos à des décennies de « gestion purement comptable » de ce secteur clé. En première ligne dans cette étape importante, Jérôme Rivière, dont Marine Le Pen loue l’expérience de chef d’entreprise et la connaissance du milieu entrepreneurial international, mais aussi l’influent conseiller Philippe Olivier et Hervé Juvin, qui a déjà contribué à la rédaction du projet européen du Rassemblement national. Le même travail d’inventaire est lancé pour faire le bilan de l’Union européenne.
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