Votre chroniqueur a été amené à répondre aux questions d'une revue québecoise. "Dans les dernières années,commence la revue, quoique le rythme semble avoir diminué depuis la fin officielle de l’État islamique, l’Occident a subi le terrorisme islamique de plein fouet"
Question :"Croyez-vous que ce phénomène soit en train de se résorber ou le terrorisme au nom d’Allah est-il devenu inévitable ?"
Le terrorisme au nom d'Allah, comme vous le définissez, peut disparaître dans les pays occidentaux, si nous nous employons à détruire ses réseaux et à éradiquer son idéologie. Je crois que le général français Lecointre, chef d'État-major des armées, a fort bien formulé une réponse à cette question dans un entretien publié le 12 juillet 2019 sur le site du Monde en soulignant notamment que "nous menons des guerres dans lesquelles on ne signe pas de paix. Les actions contre les chefs de réseau, leurs logisticiens, ont pour but d’imposer une pression, qui, si elle est complétée par des offres de nature politique pour la population, permettra d’arriver à quelque chose. La destruction pour la destruction n’a aucun sens."[1]
Dans les autres pays, je crois difficile d'imaginer que, sur les 57 États membres de l'Organisation de la coopération islamique, aucun parti, aucun dirigeant ne cherche à s'emparer de l'étendard sanglant du djihadisme armé, notamment pour concurrencer un rival musulman plus pacifique ou pour alimenter un conflit avec son voisin, éventuellement désigné pour infidèle par exemple l'Inde pour le Pakistan. N'oublions jamais à cet égard le caractère fractionné et, finalement, historiquement, anarchique de l'islam.
Question : "Au-delà des très médiatisés attentats, l’Islam a-t-il sa place en Occident ?"
On voudrait pouvoir se contenter d'une réplique à la Woody Allen : "La réponse est non, mais rappelez moi la question". L'islam répond lui-même en définissant l'occident comme "dar al harb", le domaine de la guerre.
Question : "Chez certains groupes libéraux, on préconise un Vatican II musulman, une réforme libérale interne. Est-ce là une chimère ? Est-ce même souhaitable ?"
Souhaitable ? La seule chose que l'on pourrait souhaiter vraiment, chrétiennement, aux mahométans serait qu'ils se convertissent au christianisme.
Il existe certes bien évidemment, individuellement, des penseurs de l'islam qui pourraient être assimilés à leurs homologues progressistes qui, au sein de l'Église romaine, ont dominé dans le cadre de Vatican II et qui ont inspiré son désir d'aggiornamento. La liste est plus longue que ce que l'on croit. Son existence même incommode en fait les tenants du politiquement islamiquement correct. Il ne faudrait pas les confondre d'ailleurs avec les 17 ou 19 intéressantes nébuleuses, "tarika", de ce que nous nommons globalement "le" soufisme.
Il existe aussi, bien évidemment d'innombrables musulmans qui n'appartiennent à cette religion que de manière formelle héréditaire puisque la profession de foi, réelle ou supposée, de leurs ascendants, toujours masculins, engage leur descendance pour toujours ou au moins pour sept générations.
Mais, pour l'instant, pour que l'islam soit réformé, il faudrait deux conditions à la fois simultanées et contradictoires
- l'existence d'un califat réformateur. Or, la ré apparition d'une telle institution abolie en Turquie par Mustafa Kemal constitue, en elle-même une revendication, un rêve ou un projet caractéristique des éléments radicaux du monde musulmans.
- il faudrait aussi qu'il soit accepté dans les 57 pays de l'organisation internationale apparue en 1969.
Question :"L’Islamisation de la société est visible, avec l’apparition de symboles comme le voile et la création de mosquées. Selon vous, malgré ce qu’en disent certains imams conciliants, y a-t-il une volonté islamique hégémonique ?"
Baise la main que tu ne peux mordre. Il y a clairement une volonté de marquer la présence de l'islam dans l'espace public, y compris sous des formes en apparence anecdotiques mais visibles comme les différentes formes de voiles. Elle deviendra éventuellement hégémonique en fonction du rapport de force.
Question : "Brièvement, vous liez dans votre dernier ouvrage en date Islam et communisme, quels sont les parallèles à faire entre ces deux idéologies ?"
Mon petit livre La Faucille et le Croissant se borne à évoquer le congrès de Bakou de 1920. La révolution russe, bloquée à l'ouest par toutes les défaites rencontrées en Pologne, le miracle de la Vistule, en Allemagne, en Hongrie, etc. va se reporter vers l'invention des nationalismes musulmans présentés comme révolte supposée légitime des peuples de l'orient, à l'origine des anticolonialismes de ma jeunesse et des antiracismes actuels.
Le parallèle qui me frappe à notre époque est que le vent dévastateur de l'islam, qui se présente comme le sceau de la prophétie, puise son totalitarisme intrinsèque dans cette conviction.
Le parallèle avec l'idée de fin de l'histoire du communisme saute aux yeux. C'est la lutte finale, etc.
Question : "Finalement, vous qui avez été impliqué dans la cause nationaliste durant des décennies, considérez-vous que la question de l’Islam est devenue prioritaire ?"
Oui. À égalité avec la menace de l'impérialisme communiste chinois.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. "L’indicateur de réussite n’est pas le nombre de djihadistes tués"
https://www.insolent.fr/2020/05/a-propos-de-lislam-et-de-loccident.html