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Bernard Lugan « Ce ne fut pas une révolution mais un pastiche de révolution. »

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Bernard Lugan ce ne fut pas une révolution mais un pastiche de révolution 1.jpegOn connaît bien Bernard Lugan, l'emblématique africaniste à la moustache rebelle, mais pas l'acteur de l'histoire. Dans Mai 68 vu d'en face (Balland), il nous livre sa vision des événements. Étudiant, il était alors le responsable du service d'ordre de l'Action française en région parisienne.

propos recueillis par Thierry Durolle

Quelle fut la genèse de Mai 68 ?

Si nous voulons comprendre ce qui s'est passé, nous devons revenir à la chronologie. Mai 1968 est un épisode imprévu de l'Histoire qui a pour origine une cristallisation de plus en plus violente entre les divers groupes gauchistes existant ou en gestation, et les militants des mouvements nationalistes, essentiellement Occident et l'Action française. Cette cristallisation s'est faite à partir de 1966, avec une accélération en 1967, et une extrême radicalisation au début de l'année 1968. Le mouvement de Mai 68 naît à la faculté de Nanterre, laboratoire puis incubateur des événements entre le 22 mars, date à laquelle les divers groupes gauchistes, maoïstes, situationnistes et autres, ont entamé la prise de contrôle de la faculté des Lettres, et le 3 mai 1968, date de la fermeture de la faculté. La résistance s'est organisée autour de la FNEF (Fédération nationale des étudiants de France) présidée localement par Didier Gallot assisté de Patrick Buisson, et de l'Action française que je dirigeais, secondé par Alain Sanders. Le mouvement Occident n'avait pas de groupe structuré à Nanterre.

Du 22 mars à la fin du mois d'avril, les bagarres furent incessantes tant à Nanterre qu'à Paris. Puis l'accélération se fit le 26 avril quand le mouvement Occident obtint du doyen Pierre Grapin l'autorisation de tenir une réunion publique à Nanterre le vendredi 3 mai. En réaction, les groupes gauchistes et les « Comités Vietnam de base » de la région parisienne se mobilisèrent en appelant à la mobilisation antifasciste.

Le 28 avril, place Saint-Germain-des-Prés, Roger Holeindre qui dirigeait le Front de soutien au Sud-Vietnam, organisa une exposition de photographies sur les crimes des Vietcong mais, vers midi, alors qu'il était seul dans la salle, plusieurs dizaines de gauchistes membres des Comités Vietnam de base entreprirent de le lyncher puis de le pendre à une rampe d'escalier à l'aide de sa cravate. Il fut sauvé par quelques camarades qui mirent en fuite les assaillants. Cette tentative d'assassinat fit encore monter la tension et le 2 mai, dans l'attente de la descente du mouvement Occident, les gauchistes occupèrent la faculté de Nanterre, la transformant en camp retranché. Un atelier de fabrication de cocktails Molotov fut installé dans le bâtiment de sociologie. Occident maintint son rassemblement auquel l'Action française de Nanterre décida naturellement de se joindre, avec pour mot d'ordre « Rétablir l'ordre à Nanterre ».

Est-ce le début des Événements ?

L'hystérie s'empara du camp gauchiste. Des tranchées furent creusées afin d'entraver la progression d'hypothétiques véhicules ennemis, des guetteurs équipés de lance-pierres, mais aussi d'armes à feu prirent position sur les toits... Toujours le 2 mai, à la Sorbonne, le local de la FGEL (Fédération générale des étudiants en Lettres) fut incendié et tagué d'une croix celtique. Il s'agissait d'une provocation gauchiste permettant de justifier aux yeux de l'administration, la tenue d'un meeting de « résistance

antifasciste » pour le lendemain dans la cour du bâtiment. Le 3 mai, devant le risque réel de massacre, le recteur décida de fermer la faculté de Nanterre. Les gauchistes qui y étaient rassemblés, partirent alors pour la Sorbonne qui devint à partir de ce moment le cœur de l'agitation. Nous évacuons également Nanterre où plus rien ne va se passer jusqu'à la rentrée d'octobre et nous prenons position à Assas, bien décidés à nous opposer physiquement au mouvement. De Nanterre, le bouillonnement s'est donc transféré au Quartier latin.

Vers 15 heures, alors que se tient le meeting gauchiste dans la cour de la Sorbonne, 300 militants d'Occident, de l'Action française, de la Corpo et de divers mouvements nationalistes se rassemblent à la faculté de droit d'Assas. Nous décidons de marcher sur la Sorbonne où nous aurions facilement pu étouffer dans l'œuf le mouvement de Mai 1968. Or, le régime gaulliste en décida autrement. Lui qui avait montré une grande tolérance, pour ne pas dire une totale apathie, face aux provocations gauchistes des derniers mois, décida en effet de faire donner les CRS qui nous bloquèrent à la hauteur de la rue des Écoles.

Puis, vers 16 heures, afin de faire bonne mesure, le recteur de Paris demanda aux forces de l'ordre d'expulser les gauchistes qui occupaient la Sorbonne. Vers 17 heures, plusieurs dizaines de ces derniers furent embarquées pour vérification d'identité. En solidarité, plusieurs centaines de manifestants se rassemblèrent place de la Sorbonne. Vers 18 heures, les premiers heurts éclatèrent avec la police. Mai 68 commençait.

Les étudiants sont donc à l'origine de Mai 68 ?

Il y a eu deux Mai 68, celui des gauchistes à partir du 3 mai, puis celui des syndicats à partir du 13 mai. Le premier n'a jamais été une révolution, mais un gigantesque monôme défouloir. Le second dont on parle moins a failli déboucher sur une révolution à la suite de la grève générale et de ce que les syndicats désignent sous le nom de « convergence des luttes ». La révolution n'a finalement pas eu lieu parce que le Parti communiste a arrêté le mouvement après la réaction gaulliste des 30 et 31 mai. Probablement a-t-il compris qu'une tentative de prise du pouvoir se serait heurtée à une forte résistance et qu'il en serait résulté un régime autoritaire. Mais nous sommes toujours dans le domaine des spéculations.

Mais était-ce vraiment une révolution ?

Ce ne fut pas une révolution mais un pastiche de révolution pas de morts (à l'exception du commissaire Lacroix de la police de Lyon écrasé par un camion lancé sur les forces de l'ordre par les gauchistes, d'un étudiant retrouvé mort sur une barricade à Paris mais sans certitudes sur la cause de son décès, et d'un autre étudiant qui se noya dans la Seine devant les usines Renault de Flins en voulant échapper à la police ; les morts par balles devant l'usine Peugeot de Sochaux le 11 juin ne relèvent pas de la contestation étudiante) et point de prise d'assaut de barricades par des forces de l'ordre interdites d'agir. Des jets de pavés qui blessèrent, souvent très gravement, des dizaines de CRS et de gendarmes répliquant avec des grenades lacrymogènes. Presque toujours à distance car il n'y eut quasiment pas de véritables corps-à-corps. Pas davantage d'arrestations, mais des centaines de conduites au dépôt, suivies dans la quasi-totalité des cas de rapides libérations... À peine quelques gardes à vue... Nous sommes loin de la prise de la Bastille, des Trois Glorieuses ou de la Commune de Paris...

Comment a réagi la Droite radicale ?

Au début, la Droite radicale a eu trois attitudes refus, hésitation ou adhésion au mouvement. La troisième option fut ultra-minoritaire. Occident était au départ partagé alors qu'à l'Action française, nous nous sommes immédiatement engagés contre ceux que nous combattions dans la rue depuis des mois. Pour nous, le combat était la poursuite des très nombreux affrontements contre les bandes gauchistes et le Comité Vietnam qui les fédérait. C'est l'Action française qui a organisé les premières manifestations sur les Champs-Elysées et cela, dès le défilé de Jeanne d'Arc. La fameuse banderole « Non au communisme » qui est régulièrement reprise par les médias et qui est brandie sous l'Arc de Triomphe est une banderole confectionnée à l'Action française et les militants qui la portent sont des militants d'Action française bien connus. Les premiers à nous rejoindre furent les adhérents de l'ACUF (Association des combattants de l'Union française), puis les vétérans de l'association Rhin et Danube, puis une foule de patriotes de plus en plus nombreux.

Ces manifestations se sont tenues quotidiennement jusqu'au 31 mai date à laquelle les foules gaullistes qui jusque-là s'étaient terrées sont sorties sur les Champs-Elysées à l'appel du général De Gaulle. En plus de ces manifestations quotidiennes à Paris, l'Action française a organisé la résistance partout en France, fédérant les nationalistes car elle était la seule force organisée sur tout le territoire. Alors que la presse ne paraissait plus, nous avons réussi le tour de force de sortir une version allégée et quotidienne de L'Action française que nous imprimions dans une imprimerie clandestine et que les gens s'arrachaient car, à l'époque Internet n'existait pas.

Quel bilan faites-vous cinquante ans après ?

« Mai 1968 » a introduit dans notre société un relativisme moral, philosophique, politique, ainsi que cet esprit de dérision qui, aujourd'hui, achèvent de la décomposer. Mais, le plus étonnant est que le mouvement a eu des conséquences insolites par rapport à ses emballements initiaux. Déclenché au cri de « Il est interdit d'interdire », il a engendré le politiquement correct, cette forme la plus achevée de l'interdiction. Porté par la révolte anticapitaliste, il a enfanté le règne de l'Argent-roi, ses leaders constituant très vite le noyau dur de la Gauche caviar. Nourris du refus de l'ordre établi, les enfants de Mai 68 ont produit le phénomène bobo, cette hyper-expression du panurgisme... Clamant la liberté sexuelle, les manifestants de Mai 68 ont obtenu la pornographie, cependant que certains, parmi leurs leaders, allèrent jusqu'à louer la pédophilie à la télévision...

Réfléchir&Agir N°60 Automne 2018

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