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Malthus contre les délires du progrès, de la science... et du métissage 2/4

La misère populaire est au cœur du discours de Marx et Engels. Elle l'est aussi dans celui de Malthus. De sorte qu'ils se battent bien dans le même champ clos.

Marx et Engels auront été les ennemis les plus déterminés de Thomas Malthus. Contre lui ils portèrent ce qu'ils tenaient pour la pire des accusations : défenseur de l'aristocratie foncière ! Et il est vrai en effet qu'il considérait la propriété privée comme éthiquement juste, le besoin ne créant aucun droit et la justice n'impliquant pas la distribution égale des biens de consommation.

La chose n'est pas indifférente puisque, aujourd'hui encore, cela reste la charge principale qui lui est portée. Parmi les insultes que Marx déversera sur Malthus, qui n'était pas là pour se défendre, rappelons les plus connues "plagiaire", « sycophante professionnel », « économiste vulgaire », « idéologue de l'aristocratie foncière », « agent de l'aristocratie terrienne », « avocat stipendié », « principal ennemi du peuple ». Une haine qui pourrait en partie s'expliquer par les emprunts que les duettistes firent à ce dernier, notamment concernant sa théorie de la population. Engels en particulier. Dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre en 1844, il insiste sur la fécondité des ouvriers obligés de se marier tôt, l'accroissement de la population britannique, fait souvent référence à « l'armée de réserve des travailleurs inoccupés » et à la surpopulation. Il n'hésite pas à voir une « déclaration de guerre de la bourgeoisie au prolétariat (dans) la loi dépopulation de Malthus et la nouvelle Loi sur les pauvres qui a été conçue en accord avec elle ». Et il faisait référence à la Loi de 1833 réformant celle sur les pauvres de 1601 que Malthus avait longuement étudiée.

La critique de Malthus chez Engels et Marx est viscérale mais superficielle. En réalité, très influencés par les Lumières, ils ne remettent pas en question leur optimisme ahuri et considèrent que la société de progrès pourvoira à toutes les nécessités. L'Angleterre "surpeuplée" pourrait « nourrir une population six fois plus nombreuse. Le capital augmente quotidiennement (...) la science maîtrise les forces de la nature et les met au service de l'homme chaque jour davantage ». Plus loin, encore ceci « La vallée du Mississipi contient suffisamment de terres vides pour nourrir toute la population de l'Europe, un tiers à peine du globe est cultivé et la productivité de ce tiers pourrait être plus que sextuplée si seulement l'on appliquait les progrès déjà réalisés. » Ce qui fait écrire à Engels en 1844 : « L'opposition entre l'excès dépopulation et l'excès de richesse s'évanouit. »

Marx, quant à lui, reprochera surtout à Malthus de retarder la chute du capitalisme et, de ce fait, l'avènement du marxisme. « Toutes ces conclusion », lance-t-il, irascible, dans Le Capital, « découlent bien de la théorie fondamentale de Malthus sur la valeur. Cette théorie, d'ailleurs, s'adaptait de façon remarquable au but poursuivi la glorification de l'état social anglais, avec ses landlords, l'État et l'Église, les pensionnés, les collecteurs d'impôts, les dîmes, la dette publique, les boursicotiers, les bourreaux, les prêtres, les laquais... Malthus veut le développement aussi libre que possible de la production capitaliste, dans la mesure où la misère des classes ouvrières en est la condition, mais il demande que cette production s'adapte en même temps aux besoins de consommation de l'aristocratie et de tout ce qui la complète dans l'Église et l'État, qu'elle serve de base matérielle aux prétentions surannées de ceux qui représentent les intérêts légués par la féodalité et la monarchie absolue. »

Cent ans plus tard, la bile marxiste anti-malthusienne se déverse toujours avec autant de véhémence.

Réaction contre l’optimisme béat

L'Américain John Rohe, auteur de Essai pour le Bicentenaire de Malthus, confirme que le livre aurait d'abord été une réaction contre l'optimisme béat qui prévalait. En affirmant que, non corrigée, la progression exponentielle de la reproduction humaine pourrait être insupportable, Malthus a en réalité émis une hypothèse essentielle pour la survie de l'humanité. Quarante années plus tard, la découvrant, Darwin la reprit à son compte et la compléta par une seconde formule : seul le plus apte survit. Dominique Lecourt, « philosophe de la science » et "climatosceptique" ne tarit pas d'éloges sur lui : « La conception de Darwin est bel et bien (le) socle de toute la biologie contemporaine, de ses innombrables programmes de recherche et de ses puissantes applications jusqu'en pharmacologie. La biologie actuelle est construite autour du concept-clé d'évolution par sélection naturelle, "la descendance avec modification" dont parlait Darwin. » Ainsi on porte aux nues le génie planétaire mais on continue à brûler celui qui l'inspira. Darwin ne fut d'ailleurs pas le seul. Alfred Wallace, dont la théorie de l'évolution basée sur la sélection naturelle l'incita à précipiter la publication de son Origine des Espèces, lui aussi reconnut avoir été ébranlé par la lecture de l'Essai sur le Principe de Population.

La pensée contemporaine n'en reste pas moins profondément imprégnée par la conviction que rien ne saurait limiter le progrès. « La certitude, écrit Rohe, que la croissance perpétuelle sur cette planète finie pourrait se poursuivre éternellement est la posture d'un fou délirant lunatique. C'est néanmoins celle qui gouverne tous nos principes économiques actuels ».

"Nous allons à la famine"

En 1967 paraissait sous ce titre un livre du gourou français des écologistes, le technocrate agronome René Dumont qui reprenait en réalité une série de données parues dans un rapport de 1965 de la FAO - Le Bilan de la dernière décennie, dont il partageait également les conclusions. Certes le développement démographique de la planète passé de 1,8 milliard en 1930 à 2,2 en 1940, pour atteindre 3,3 milliards d'habitants en 1965 - était considérable mais la plupart des productions agricoles avaient durant cette même période progressé de 2,7 % par an en moyenne.

À part le caoutchouc, le coprah, l'huile d'olive et l'avoine, la plupart des productions agricoles avaient progressé plus rapidement que la population. Sauf le riz, le blé, le vin, la laine, le coton et le tabac qui avançaient au même rythme. Mais dans les pays en développement la consommation du blé et du riz explosait, avec pour conséquence la quasi-disparition des stocks de réserve. Ce qui posait de graves interrogations sur l'état des approvisionnements. La situation aujourd'hui n'est guère plus favorable.

On connaît bien les raisons de cette croissance des productions agricoles. La mécanisation renforcée par le gigantisme du machinisme, l'électronique et l'irrigation. La recherche agrobiologique, agrochimique, agromécanique. Mais également la protection, la conservation, l'adaptabilité, la sélection et la création de nouvelles espèces végétales et animales qui, parfois, ont donné des résultats extraordinaires. Toutes "améliorations" qui ont provoqué des ravages irréparables à l'environnement et fait de cette agrochimie industrielle l'ennemie des propres disciples de Dumont.

Le Bilan de la dernière décennie - 1955-65 - de la FAO montre que si la production agricole a considérablement reculé dans le Tiers-Monde depuis la fin de la IIe Guerre mondiale, les États-Unis, croulant sous les excédents, ont transformé des centaines de milliers d'hectares de céréales en zones d'irrigation du coton, du riz, des fruits et des légumes. L'Europe vit sa production céréalière croître de 30 % en dix ans. L’Océanie, essentiellement l'Australie et la Nouvelle-Zélande, par l'association ovins/céréales, produisit beaucoup plus que ne crût sa population. Les pays de l'Europe de l'Est et l'URSS, défrichant des régions entières pour mécaniser leur agriculture, accentuèrent eux aussi la distorsion population/production alimentaire. Dans tous ces pays (excepté ceux recevant une forte immigration), la population recula spectaculairement.

Pendant près d'un demi-siècle, ce sont donc les surplus de l'agriculture ultra productiviste des Blancs qui auront empêché que ne survienne, selon le schéma imaginé par Malthus deux siècles plus tôt, une famine à l'échelle de la planète. Pour la pallier Dumont conseillait le recours à une alimentation non agricole à base de levures et de chimie ! Et la structuration de la production agricole à l'échelle mondiale.

En somme, faire produire davantage par les pays blancs, consolider leur agriculture productiviste et chimique, la déverser sur des marchés mondiaux organisés selon une meilleure répartition de la consommation. Ce à quoi s'efforcent depuis quinze ans les institutions mondialistes du type OMC contre lesquelles les écologistes font semblant de se mobiliser.

Comme son contemporain Jacques-Yves Cousteau, Dumont proposa de limiter la surpopulation en réduisant d'abord la natalité dans les pays où elle est la plus inquiétante. Ce qui ne doit pas être du goût de son sectateur, le vert Yves Cochet, qui souhaiterait, lui, limiter la seule reproduction des Européens, lesquels ont déjà réduit leur natalité à la limite du génocide.

Depuis Dumont, non seulement des millions d'hectares ont été stérilisés mais la déforestation a partout progressé, la surpêche vidé les océans et l'on a pris conscience de l'impossibilité d'irriguer les surfaces indispensables pour nourrir 1,5 milliard d'affamés et 4,5 milliards d'autres qui rêvent de se nourrir comme les 500 millions qui sont gavés. Et des centaines de millions qui viennent se goinfrer à la source.

La « bombe P. »

À suivre

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