Ce 22 juillet, Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, était attendu à Beyrouth. Sa venue s'inscrit dans une situation particulièrement dramatique pour ce pays autrefois charmant, héritier des Phéniciens de l'Antiquité, et dont la refondation comme État moderne remonte au mandat français de 1920.
Les lecteurs de L'Orient Le Jour, excellent journal francophone, y reçoivent quotidiennement le message selon lequel Paris, non seulement va chercher à sauver les établissements d'enseignement où l'on dispense encore, chose devenue rare dans le monde actuel, la précieuse langue de Molière, mais également, semble-t-il, le pacte pluricommunautaire sur lequel est fondée cette nation elle-même.
Or l'amitié, supposée indéfectible, que la France porte au Liban en tant que tel, se trouve instrumentalisée au travers du message global et des discours précis attribués à notre cher ministre des Affaires étrangères. Celui-ci ne manque pas d'être étiqueté comme ex-socialiste, et comme très laïc, il fait partie, avec la ministre des Armées Florence Parly, des rares membres du gouvernement qui ne passent pas pour ridicules, en dépit de leur provenance.
Ce n'est donc pas lui, en particulier, qui interpelle notre interrogation, mais le propos qu'on lui prête. Citons ici le dernier article en date publié par le quotidien francophone beyrouthin : "Le Drian à Beyrouth appellera pour la énième fois aux réformes"[1].
Il est certain, pour qui suit la situation de ce pays, en proie au marasme financier, à une dégringolade monétaire et aux pressions redoutables du parti chiite Hezbollah, – quand on voit plus généralement combien le Proche Orient actuel, se trouve déchiré entre influences arabes proprement dites, ambitions iraniennes et retour en force de l'impérialisme turc néo-ottoman, ceci sans parler du prétexte permanent de la question d'Israël, – on peut comprendre l'urgence des réformes.
Seulement voilà. Qu'en est-il de la France, et de sa crédibilité en tant que donneuse de leçons ?
En 2019, après quelques toilettages opérés par les vainqueurs de la présidentielle de 2017, – en matière de code du travail essentiellement – le gouvernement siégeant à Paris, ultra-majoritaire à l'Assemblée nationale… disposant de la constitution la plus autoritaire et centraliste de l'Europe des 27… a renoncé par la voix de son ministre des Comptes publics Darmanin, aujourd'hui ministre [controversé] de l'Intérieur… à la réforme fondamentale : celle de l'amaigrissement de l'État.
En 2020, dans le contexte européen, ce même gouvernement s'est impliqué en tête du groupe des pays qui refusaient, dans le cadre du plan dit de relance, à promouvoir les réformes nécessaires à la crédibilité du financement qu'ils demandaient pour vaincre le[2]Covid-19. Les mesures très rigoureuses, et à certains égards plutôt efficaces, infligées au Portugal, à la Grèce, à l'Irlande et à Chypre n'étaient pas bonnes pour le gouvernement de gauche qui sévit en Espagne et pour les ectoplasmes qui gouvernent en ce moment l'Italie. Les thérapies de chocs subis, avec succès, par les anciens satellites du bloc soviétique libérés du communisme il y a 30 ans, restent encore inconcevables aussi pour la France éternelle, dernier pays de l'Est en quelque sorte.
Il faut reparcourir les déclarations d'un Moscovici, incapable ministre de François Hollande à Paris, devenu commissaire donneur de leçons à Bruxelles, s'adressant avec condescendance à son élève Tsipras… lecture édifiante. On devine le rôle que jouera Moscovici à la cour des Comptes. On comprend que l'oligarchie hexagonale ne changera jamais. Elle n'argumente pas, elle "explique".
On sourit de ces médecins qui vous disent : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Ils ont souvent raison.
La médecine des peuples obéit à des règles un peu différentes. On ne commande efficacement que par l'exemple. Les dirigeants parisiens demeurent loin du compte.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. L'Orient Le Jour daté du 22 juillet.
[2] – ou "la", on ne sait plus...
https://www.insolent.fr/2020/07/les-reformes-cest-bon-pour-les-autres.html