Pas moins de 171 tonnes de procédure, quelque 200 parties civiles, 144 témoins cités, 94 avocats, 5 juges professionnels et près de 50 jours d’audience prévus : 5 ans et 8 mois après les carnages perpétrés au nom d’Allah par les frères Kouachi et Amédy Coulibaly dans les locaux de Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hyper Casher de la porte de Vincennes (17 morts au total), le procès hors normes de leurs 14 complices s’est enfin ouvert mercredi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Un procès qui, contrairement à ce qu’affirment certains médias avec une volonté évidente de minimiser leur responsabilité, est loin de ne concerner que « de petites mains », et dont les Français attendent d’abord qu’il débouche sur des peines exemplaires.
Tous complices à des degrés divers
Rappelons en effet que, parmi ces 14 accusés, figurent notamment Mohammed Belhoucine, qui a écrit la prestation d’allégeance à l’EI de Coulibaly, et l’ex-dealer de l’Essonne passé à l’islamisme Ali Riza Polat, soupçonné, lui, d’avoir eu un rôle central dans les préparatifs des attentats, en particulier la fourniture de l’arsenal utilisé par le trio terroriste. Poursuivis pour « complicité » de crimes terroristes, ils sont passibles de la réclusion criminelle à perpétuité. Parmi les autres accusés, jugés quant à eux pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », on trouve encore Nezar Mickaël Pastor Alwatik et Amar Ramdani, tous deux soupçonnés d’avoir fourni des armes à Coulibaly, avec l’aide de ces deux autres fous d’Allah que sont Saïd Makhlouf et Mohammed-Amine Fares. Autres impliqués dans le volet « armes », les « Belges » Michel Catino et Metin Karasular, ainsi que les « Français » Miguel Martinez (qui a reconnu avoir acheté du matériel et un véhicule pour Coulibaly) et Abdelaziz Abbad. Enfin, dans le volet « logistique », on trouve Willy Prévost, issu de la cité de Grigny, et Chritophe Raumel, seul accusé à comparaître libre sous contrôle judiciaire pour « association de malfaiteurs » simple.
« Une méconnaissance du processus d’élaboration d’un attentat »
Bref, comme le notait très justement Jean-Charles Brisard, président du Centre d’Analyse du Terrorisme, dans un entretien accordé récemment au Figarovox : « qualifier ces individus de “petites mains” ou de “seconds couteaux” comme j’ai pu le lire ici ou là reflète une méconnaissance du processus d’élaboration d’un attentat ». Car, « sans cette chaîne de soutiens, d’assistance et de fourniture de moyens, ces attentats n’auraient sans doute pas pu avoir lieu ». Reste quand même un regret : l’absence dans le box des accusés d’Hayat Boumeddiene, la très virulente compagne de Coulibaly et figure du djihadisme féminin, ainsi que des frères Belhoucine, tous trois partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne. Evoquée par diverses sources, la mort de ces derniers n’a cependant jamais été officiellement confirmée. Quant à Hayat Boumeddiene, un temps donnée morte, elle serait, selon les affirmations d’une « revenante » interrogée par nos services de renseignement, toujours en cavale en Syrie.
Franck Deletraz
Article paru dans Présent daté du 2 septembre 2020