Qui sème l'éolienne récolte la tempête. De plus en plus de riverains, indisposés par les nuisances sonores et la dégradation des sites imputables à l'installation de ces machines, militent contre leur installation. Non sans arguments.
Dans le village d'Estinnes, en Belgique, il se passe des phénomènes inhabituels ces derniers mois : les enfants se réveillent la nuit; une grand-mère n’arrive pas à trouver le sommeil, affirme entendre un bruit sourd; nombreux sont ceux qui se plaignent de maux de tête et d'insomnies; enfin, un villageois connu par tous comme bon vivant, sombre soudain dans une dépression au point de se voir prescrire des antidépresseurs et des somnifères. Et tout cela, semble-t-il, sans explication.
Si ces événements n’étaient pas réels, ce serait un début parfait pour un film d'horreur. Dans le film, pour on ne sait quelle raison fictive, les villageois s'entretueraient jusqu'à l'arrivée de la cavalerie. Mais c'est ici que la réalité devient encore plus inquiétante que la fiction d'après le reportage réalisé par l’association « vent de raison » et visible sur le site epaw.org, ces comportements seraient liés à l’existence d'un parc d’éoliennes inauguré en 2009 à près de 700 mètres du village en question. Ce parc, directement soutenu par la Commission Européenne, est un des plus grands on-shore en Europe et aligne des éoliennes inédites de 200 mètres de haut, pouvant produire jusqu’à 6 ou 7 MW. La puissance sonore d'une seule éolienne est évaluée à 100 décibels (dB), qui à 400 mètres de distance se réduisent à 45 dB. Quand on compare ces chiffres aux 5 dB maximum tolérés par la réglementation en vigueur sur les bruits de voisinage, on constate que les éoliennes sont à l'origine d'une pollution sonore considérable. Les témoignages la comparent à un puissant bruit de moteur : « comme si un avion planait au-dessus de la maison ».
Dans l'attente des résultats des études, encore en cours, qui pourraient établir le lien entre éoliennes et nuisances sanitaires, la question primordiale est de savoir si le pari éolien tient techniquement, financièrement et écologiquement.
La France possède le deuxième potentiel européen en matière d'énergie éolienne, mais elle n’est qu'au huitième rang dans l’exploitation de cette ressource. Ce retard, pour une fois, ne peut pas être imputé à l'inaction des politiques, qui sont en train de démontrer, par le vote de la loi Grenelle 2, leur attachement parfois démesuré aux énergies renouvelables.
Une électricité chère et vendue à perte
Il existe en effet, concernant les éoliennes, des exigences techniques importantes qui n’ont toujours pas été satisfaites à ce jour. Elles doivent notamment être installées dans des conditions optimales, par exemple le long du littoral ou près des lacs, et ne peuvent toutefois produire que 2000 heures par an en moyenne, soit un quart du temps, ce qui ne suffit pas pour assurer une stabilité. On a pensé à construire les éoliennes off-shore en haute mer, où l'on trouve une meilleure rentabilité et peu de contestations, comme l’a fait le Danemark, champion mondial du chantier éolien. Mais le Danemark est bordé par une mer peu profonde, de sorte que l'installation n’est pas aussi coûteuse qu’elle le serait en France.
Par ailleurs, si la production est supérieure à la demande en énergie, on ne peut pas stocker cette énergie excédentaire, à moins d'engager des investissements excessifs. Parallèlement, si le vent s’arrête, la production s’arrête du même coup; car la production d’énergie éolienne ne répond pas à la demande des consommateurs mais à la force incontrôlable du vent.
Ajoutons que l'investissement dans les éoliennes est un pari risqué : il n'est pas certain que la production soit rentable au regard des coûts d'entretien. Et la rentabilité est d'autant moins probable que l’électricité éolienne est vendue à perte par EDF : celle-ci a l'obligation de la racheter à un prix convenu moyen fixé à 8,4 centimes d'euros par kWh, alors que le coût de production servant de référence s’élève à 7,5 centimes d'euros par kWh. EDF enregistre donc une perte de 0,9 centimes d'euros par kWh enregistrée par EDF.
L'Institut Montaigne, dans une étude de juillet 2008, évalue à 100 euros par an et par foyer le surcoût résultant des éoliennes. En outre les éoliennes, supposées produire une énergie écologique, ne semblent pas répondre à cet objectif. En plus des nuisances sonores et de la défiguration du paysage et des sites, elles seraient responsables du massacre de nombreux oiseaux, évalués à 17000 par an. Et la principale question se posera dans quelques années, quand on devra remplacer les machines devenues vétustes que faire alors de ces géants de fer, pouvant atteindre 200 mètres de long et possédant chacune un aérogénérateur et des turbines, ainsi que de leurs socles constitués de milliers de tonnes de béton armé coulé à grand frais et à grande consommation de pétrole ? En fait de respect de la nature et de l'environnement, on peut se demander si c'est réellement un cadeau que nous nous apprêtons à faire aux générations futures.
Don Quichotte, qui chargeait les moulins à vent, paraîtrait de nos jours beaucoup moins ridicule.
Jean Bayard monde&vie 15 mai 20l0 n°827