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Puissance et irresponsabilité des agences de notation financière (texte de 2010)

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Perdre sa note AAA peut coûter très cher à un État - et à sa population. Mais qui décerne les notes ? Regard sur ces agences de notation qui font la pluie et le mauvais temps des peuples.

Apparues aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle dans le sillage des compagnies de chemin de fer, les agences de notation financière sont devenues un élément

Fausse monnaie : les Etats montrent l'exemple.

Incontournable de la finance mondiale. Leur rôle n'est pas d'estimer la valeur d'une entreprise - d'où peut-être certaines confusions -, mais d'évaluer sa solvabilité. Il s’agit d'apprécier son crédit, c'est-à-dire de mesurer le risque de non-remboursement de la dette d'un emprunteur.

Chaque entreprise, ou État souverain, qui passe sous les fourches caudines d'une agence de notation, se voit donc attribuer une note censée résumer son risque d'insolvabilité. Les valeurs parfaitement solvables sont indiquées AAA ou Aaa. En cas de note « D », n’espérez pas en principe revoir votre argent. Entre les deux, existe tout un nuancier de notes, agrémentées d'un + ou d'un avec parfois mise sous surveillance positive ou négative. Jusqu'à BBB-, l’emprunteur relève de la catégorie « investissement », à partir de « BB- », il tombe dans la catégorie spéculative. Bref, toute une palette censée offrir aux investisseurs une précision optimale dans leur prise de risque.

Malheureusement, l'actualité récente montre un certain dévoiement du système et cela, pour diverses raisons.

Tout d'abord, les agences fonctionnent en oligopole, trois agences, Moody's, Standard and Poors et Fitch Ratings se partageant près de 90 % du marché. Toutes sont américaines, même si la petite dernière est à capitaux français. L'absence de concurrence qui en découle n'incite évidemment pas à la recherche éperdue d'efficacité. Ensuite, ces mêmes agences sont rémunérées par les entreprises qu’elles sont censées noter ! Autant dire que le conflit d'intérêt ou le masochisme sont inscrits d office dans la relation contractuelle entre l'agence et son client. D'autant que la notation découle forcément d'une demande de l'entreprise, qui veut être notée pour convaincre d’éventuels investisseurs de sa solvabilité.   

Les États sont pour leur part notés gratuitement, mais d'office, par les agences. Enfin les agences de notation sont devenues en quelque sorte les uniques référents de la finance internationale, avec tous les effets pervers induits. Non seulement le besoin d'informations rapides et accessibles conduit à ignorer l'analyse financière et comptable classiques, mais aussi et surtout, le marché est devenu esclave de ces agences censées faire la pluie et le beau temps. Une dégradation de la note crée un cercle vicieux méfiance des prêteurs éventuels qui réclameront alors un intérêt supplémentaire en guise de prime de risque, renchérissement du coût de l’argent pour l’entreprise - ou l'Etat -, fragilisation accrue de son bilan, nouvelle dégradation de la note conduisant à une nouvelle augmentation du taux d'intérêt auquel l’entreprise victime arrivera à emprunter, etc. Comme, en plus, les agences de notation n’ont vu venir ni les faillites récentes (Enron ou Lehmann Brothers étaient encore notées au plus haut quelques jours avant la faillite…), ni les dernières crises monétaires, elles auront tendance à en remettre ensuite une couche pour rattraper le train en marche. La dégradation excessive fait alors définitivement plonger l'emprunteur qui ne peut plus trouver d'argent, donnant a posteriori raison aux oiseaux de mauvais augure.

Pour conclure, rappelons que ces agences sont le plus souvent à l'origine des produits financiers complexes ou « structurés » venus polluer les marchés. Au moment de noter les banques qui distribuent ces instruments, elles se retrouvent alors juge et partie et ne peuvent renier leur création. Devenus les gardiens du temple de la finance, ces organismes ont acquis une influence sans commune mesure avec leur absence de responsabilité, expliquant sans doute leur extrême rentabilité.

Olivier Bertaux monde&vie 11 décembre 2010  n°836

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