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Les jeunes intellectuels à l'assaut du vieux monde

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Revues, fanzines, web magazines, blogs, cercles, instituts, une véritable offensive culturelle s'est engagée contre l'idéologie libérale-libertaire. Au programme : un retour à l'« archaïque », à ce qui est fondamental et une critique radicale du matérialisme de la société de consommation.

Hypnotisés par Nuit debout, les observateurs médiatiques ignorent qu'ils dansent sur un baril de poudre. Une jeune société officieuse aux idées non conformistes s'est en effet développée « hors institution, dans l'horizontalité des réseaux sociaux, dans les marges de l'establishment », comme l'a identifié Michel Maffesoli.

Plusieurs web magazines connaissent un succès grandissant au rang desquels le site Philitt (<Philitt.fr>), initié en 2013 par Matthieu Giroux. Ses jeunes rédacteurs s'inspirent d'auteurs comme Dostoïevski, Péguy et Bernanos. Ils réalisent des entretiens avec des intellectuels qui nous sont chers : Alain de Benoist, Pierre Le Vigan ou Thibault Isabel. « Ce qui est dangereux, c'est ce grand cadavre mort du monde moderne ». Rien de mieux que d'aller faire un tour sur cet excellent site qui met en valeur cette citation décapante de Péguy ainsi que de se procurer ses deux éditions papier, dont le dernier numéro porte sur le thème de la terre et de l'enracinement (à commander depuis le site et disponible dans certaines librairies indiquées comme Facta au prix de 5 euros).

Dans la même veine se retrouve la toute récente et prometteuse revue littéraire et culturelle Accattone fondée par trois étudiants : Fabrizio Tibuzio-Bugatti, Dante Auditore et Phèdre. Se réclamant de Pier Paolo Pasolini, Accattone combat « l'hédonisme de masse et le pouvoir fascisant de la société de consommation ». Le premier numéro est sorti en novembre 2015 à l'occasion du quarantième anniversaire de la mort de leur maître à penser (<revueaccattone.wordpress.com>).

Initié en 2014 par une quinzaine de rédacteurs, le web magazine Le Comptoir <comptoir.org> fait partie des références de la jeunesse anticonformiste. Son objectif: réhabiliter une authentique pensée socialiste « fondée sur les valeurs traditionnelles du don et de l'entraide ». Ses rédacteurs, dont certains sont nuit-deboutistes (ce qui n'enlève pas l'intérêt de leurs articles), s'inspirent largement de la pensée décroissante et s'entretiennent autant avec Jean-Claude Michéa que Robert Redeker. Financé en partie par des appels aux dons sur les réseaux sociaux, le premier numéro de l'édition papier sera disponible cet été sur le thème « Un autre socialisme est possible ».

Lancée en 2015 dans la foulée du mouvement des Veilleurs, la revue Limite <revuelimite.fr> promeut une « écologie intégrale qui se fonde sur le sens des équilibres et le respect des limites » en s'extrayant des clivages traditionnels. Fondée en 2002, la revue Rébellion d'orientation socialiste révolutionnaire, entend ouvrir ses colonnes « à toutes les voix dissidentes anticapitalistes et anti-mondialistes ». Plus littéraire, mais certainement pas moins dissidente, la belle revue Figures de proues <www.figures-de-proues.eu>), dirigée par Pierre Bagnuls, fustige le règne de la quantité au profit d'une vision spirituelle du monde et de l'homme en réunissant des anthologies de textes fondateurs oubliés.

Des rencontres virtuelles aux rencontres réelles

Ces web magazines et revues diffusent leurs articles sur les réseaux sociaux ce qui leur permet de rassembler autour d'eux toute une communauté déjeunes lecteurs. Ces derniers communiquent virtuellement entre eux et s'échangent des références de livres.

L'horizontalité de ces instruments numériques a permis à des jeunes gens de droite comme de gauche de se découvrir de nombreuses convergences, ce qui était plus difficile quand la diffusion de l'information, assurée exclusivement par les médias et organisations traditionnels, était essentiellement verticale. Les réseaux sociaux ont aussi permis de faciliter l'organisation de diverses réunions par des cercles, instituts ou revues.

Le Cercle Kairos créé en 2015 à Paris en est une illustration. Fondé par trois étudiants en droit, histoire et commerce et souhaitant faire fi des clivages traditionnels, il invite des intervenants aussi différents que la féministe Marie-Jo Bonnet, le décroissant Alain Gras, le communiste Bernard Friot, ou Michel Maffesoli. Ce cercle organise de petites conférences suivies de longs débats dans des cafés. L'occasion pour certaines connaissances virtuelles de se rencontrer réellement. Parmi le public, on y trouve des monarchistes, communistes, nationalistes, anarchistes, souverainistes et autres antilibéraux.

En janvier 2016, de jeunes universitaires ont fondé l’Institut Clisthène à Paris qui se donne pour objectif de « mettre fin aux cycles de Mai-68 et des Lumières ». La philosophe Chantai Delsol a été la première à intervenir, suivi de François Bousquet, venu présenter son essai sur Michel Foucault. Cet institut prometteur prévoit déjà des publications autour de la démocratie directe et la bureaucratie avilissante. À suivre attentivement.

D'autres jeunes cercles de réflexion plutôt souverainistes ou critiques du libéralisme économique attirent la jeunesse anticonformiste. C'est le cas de l'association Contre Courant de Sciences Po Paris, créée en 2014, qui a invité le décroissant Vincent Cheynet ou encore de l'association Critique de la raison européenne, plus orientée vers les questions de souveraineté nationale, née à Sciences Po Paris en 2013 et présente aussi à Strasbourg et à Lyon, qui remet en cause l'Union européenne de Bruxelles en invitant Jacques Sapir ou Pierre Manent.

Paul Matilion éléments N°160 mai-juin 2016

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