Une ascension au service de la France
Henri de La Tour d’Auvergne naît en 1611 dans une illustre famille protestante. Son père, duc de Bouillon et prince souverain de Sedan, lui assure une éducation princière, mais c’est sur le terrain des batailles que le jeune Henri se distingue très tôt. Cependant, il commence sa carrière en 1629, non pas dans les armées du roi de France, mais au service de la Hollande sous les ordres de son oncle le prince Frédéric-Henri d’Orange-Nassau. Néanmoins, ayant par son sang ses entrées à la cour du roi Louis XIII, il se met rapidement en rapport avec le cardinal de Richelieu et prête sa lame à la cause de la France.
Sa carrière militaire s’accélère alors pendant la guerre de Trente Ans où il se forge une réputation de stratège redoutable. En récompense pour sa bravoure, la régente Anne d’Autriche, devenue récemment veuve de Louis XIII, le nomme en 1643 maréchal de France à seulement 32 ans.
L’homme du roi
Quelques années plus tard, Turenne participe à la Fronde, estimant, comme d’autres grands du royaume, qu’il mérite une place dans la gestion du pays. Cependant, face aux défaites, il finit par se ressaisir et prend finalement le parti du jeune Louis XIV contre les princes rebelles, dont le Grand Condé. Réussissant à battre ce dernier lors de la bataille du Faubourg Saint-Antoine en juillet 1652, il obtient le pardon définitif du roi pour sa trahison passée. Après avoir réussi à mettre un terme à la guerre contre l’Espagne en 1659, Turenne est également nommé maréchal général des camps et armées du roi, colonel général de la cavalerie légère, gouverneur du Limousin et ministre d’État. Il est alors à l’apogée de sa gloire.
En 1668, le Roi-Soleil lui confie le commandement de ses armées dans les Flandres. Turenne s’y illustre alors brillamment, mais c’est surtout pendant la guerre de Hollande qu’il atteint le sommet de son art militaire. Dans ce conflit complexe contre une coalition menée par les Provinces-Unies, l’Empire et l’Espagne, Turenne conduit avec maestria la campagne d’Alsace. En 1674, il réalise une audacieuse guerre de mouvement en plein hiver, franchissant les Vosges, déjouant les plans de ses adversaires et reconquérant l’Alsace. Il pousse également une offensive destructrice dans le Palatinat, suivant les ordres du roi de ravager la région pour empêcher les Impériaux de s’y installer durablement. Cette campagne, bien que controversée et dont les séquelles sont encore visibles, aujourd’hui, au château d’Heidelberg, démontre sa volonté implacable d’apporter la gloire et la victoire à la France.
Une fin glorieuse
Malheureusement, le 27 juillet 1675, près de Sasbach, alors qu’il inspecte les lignes ennemies commandées par un certain Raimondo de Montecuccoli, Turenne est atteint par un boulet de canon. Il meurt sur le coup. Avant de trépasser, alors qu’il était à cheval, il aurait déclaré : « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener ! »
Sa disparition plonge l’armée et toute la France dans la stupeur. Madame de Sévigné, la grande épistolaire de son temps, aurait écrit, à propos de la disparition de Turenne, qu’il s’agissait de l’« une des plus fâcheuses pertes qui pût arriver en France ». Même son adversaire Montecuccoli déclara : « Il est mort aujourd'hui un homme qui faisait honneur à l'Homme. »
En hommage à son maréchal tombé au service de la France, Louis XIV lui octroie l’un des honneurs les plus exceptionnels qu’un souverain puisse offrir. Il autorise ainsi son inhumation au sein de la basilique royale de Saint-Denis, aux côtés des rois de France, comme Charles V l’avait jadis fait pour son connétable Bertrand du Guesclin. En 1793, lors de la profanation des tombes royales par les révolutionnaires, le corps de Turenne est exhumé. Sa dépouille, admirablement conservée, est alors épargnée, à la différence des souverains qu’il côtoyait, par respect pour sa stature militaire. Napoléon Bonaparte, fervent admirateur du maréchal, ordonne en 1800 son transfert aux Invalides, panthéon des gloires militaires de la nation, et l'installe face au tombeau d’un autre grand serviteur du Grand Siècle : Vauban. Ironie de l’Histoire ou signe du destin, le boulet de canon qui faucha Turenne, ce 27 juillet 1675, est encore conservé aujourd’hui, à quelques pas de son tombeau, dans les collections du musée de l’Armée.