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Garibaldi, héros romantique

Après avoir fait le coup de feu en Amérique du Sud, il devint, toujours les armes à la main, un héros de l’unité italienne. Mais cette figure sur laquelle ont couru tant de mythes doit être regardée avec la distance de l’historien.

     Garibaldi : dans la plupart des villes de France, une artère porte son nom. Mais combien de Français savent qui il fut ? Et combien d’hommes de gauche se souviennent du culte qui fut rendu, au XIXe siècle, à ce révolutionnaire anticlérical, fêté à Montevideo (Uruguay) comme en Italie, où il est resté un héros national ?

     Pierre Milza, professeur émérite à Sciences-Po et spécialiste de l’histoire italienne, publie une biographie où l’empathie pour Garibaldi et ses idées, tangible, n’empêche pas une distance critique vis-à-vis du personnage. Lire ce livre *, c’est plonger dans un tourbillon, tant la vie de l’aventurier fut remplie.

     Tout comme Mazzini, Verdi et Cavour, autres grands artisans de l’unité italienne, Giuseppe Garibaldi naît paradoxalement français, en 1807, Nice, sa ville natale, ayant été annexée sous la Révolution. En 1833, alors qu’il est officier dans la marine sarde, il rencontre Mazzini, chantre d’une République italienne unifiée et fondateur de Giovine Italia (Jeune Italie), mouvement auquel il adhère. Impliqué dans une tentative d’insurrection à Gênes, condamné à mort par contumace, Garibaldi fuit en Amérique du Sud où il passera treize années. De 1837 à 1841, il sert la république du Rio Grande do Sul, en révolte contre l’empereur du Brésil, puis, de 1841 à 1846, défend l’indépendance de l’Uruguay contre l’Argentine. C’est là que, avec des exilés italiens, il constitue son premier bataillon de Chemises rouges, uniforme qui va s’inscrire dans la légende.

Obsessionnellement anticlérical

En 1848-1849, la révolution gagne l’Italie et entraîne le Piémont dans la guerre contre l’Autriche, tandis que le pape Pie IX est chassé de Rome où Mazzini proclame la République. Revenu en Europe, se proclamant « plus patriote que républicain », Garibaldi offre son épée à Charles-Albert de Savoie, monarque constitutionnel qui aspire à réaliser l’unité italienne autour du Piémont-Sardaigne. Après la défaite piémontaise à Custoza, Garibaldi continue la lutte contre les Autrichiens à la tête de 3 000 francs-tireurs, passe en Suisse, puis regagne Nice. A l’issue d’une seconde défaite à Novare, le roi Charles-Albert abdique au profit de son fils Victor-Emmanuel.
     Garibaldi, lui, lève une légion de volontaires pour aider la République romaine contre la coalition de l’Autriche, de la France, de l’Espagne et de Naples, venues au secours du pape. Vainqueur des Français au combat de Janicule, puis des Napolitains à Velletri, Garibaldi se bat jusqu’au bout dans Rome. Quand la ville tombe, il conduit ses hommes, à travers les Apennins, jusqu’à la république de Saint-Marin et tente de rejoindre Venise. C’est à cette époque qu’il est atteint d’une haine inextinguible pour Pie IX et que son anticléricalisme, reconnaît Milza, prend « un caractère quasi obsessionnel ».

     Recherché par toutes les polices, Garibaldi s’exile : New York, Londres, l’Amérique centrale, la Chine. Rentré en Italie en 1854, toujours républicain, il se rallie néanmoins à Victor-Emmanuel II et à son ministre Cavour. En 1859, quand la France et le Piémont affrontent l’Autriche, il forme le corps des chasseurs des Alpes, 5 000 hommes avec lesquels il remporte un combat contre les Autrichiens. Après les victoires de Napoléon III à Magenta et à Solferino, François-Joseph cède la Lombardie au Piémont, mais Victor-Emmanuel doit empêcher Garibaldi, adepte du jusqu’au-boutisme, de soulever la Toscane.

     Au printemps 1860, en revanche, sans le soutien officiel du Piémont mais avec l’accord secret de Cavour, Garibaldi lance la plus célèbre de ses entreprises, l’expédition des Mille, qui vise à arracher la Sicile et l’Italie du Sud aux Bourbons. Avec 1 087 Chemises rouges, l’aventurier débarque à Marsala, se proclame « dictateur » au nom du roi Victor-Emmanuel, occupe Palerme et franchit le détroit de Messine. Le 7 septembre, il entre dans Naples, abandonnée par le roi François II. Une fois encore, Cavour est contraint d’intervenir, craignant que Garibaldi forme une république et qu’il ne marche sur Rome, provoquant une réaction des Français et des Autrichiens. Le Premier ministre sarde envoie alors des troupes qui traversent les Etats pontificaux, dont la petite armée est écrasée, tandis que la souveraineté temporelle du pape est réduite au Latium. Victor-Emmanuel II et Garibaldi paradent côte à côte dans Naples, mais c’est bien le monarque qui sera proclamé roi d’Italie en 1861 qui contrôle la situation.

Elu député français en 1871

Désormais, seules Venise et Rome échappent à la couronne des Savoie. Une nouvelle fois, Garibaldi prend l’initiative, décidant, en 1862, d’envahir les Etats pontificaux. Ce sont les Italiens qui l’arrêtent à Aspromonte, bataille où il est blessé par ses alliés de la veille. Fait prisonnier, amnistié, il se retire dans son île de Caprera, au nord de la Sardaigne.

     Toutes ces péripéties, Pierre Milza les raconte, jusqu’à la participation de Garibaldi à la guerre franco-prussienne de 1870, son élection à l’Assemblée nationale (française) de 1871, ses rapports ambivalents avec la Commune de Paris, son élection finale comme député de Rome, après l’incorporation forcée de la Ville éternelle au royaume d’Italie.
     Au-delà du mythe, quelle aura été la fonction historique de Garibaldi, disparu en 1882 ? « En acceptant le compromis avec la maison de Savoie, explique Pierre Milza, le condottiere a su transformer un climat insurrectionnel en un mouvement fédérateur. Qui peut dire que Cavour aurait pu réussir sans lui à accomplir la construction du pays ? Ou qu’à l’inverse l’unité italienne aurait pu advenir sans l’adhésion populaire ? »

     C’est pourquoi cette figure du Risorgimento sera revendiquée, en Italie, à gauche comme à droite. Avec des surprises. En 1922, Ricciotti Garibaldi, le fils cadet du héros, soutiendra un autre nationaliste italien venu de la gauche : Benito Mussolini.

Jean Sévillia

Garibaldi, de Pierre Milza, Fayard.

https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/garibaldi-heros-romantique/

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