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Défense de l'Europe et rôle de la France

6a00d8341c715453ef026bdeaeb8bd200c-320wi.jpgLes 10 et 11 décembre, à Bruxelles, se réunissait le conseil européen des chefs d'États et de gouvernements. Cette Instance esquissée en 1974, sous la présidence Giscard, reste largement entravée, un demi-siècle plus tard par la règle de l'unanimité et du consensus, alors que l'on est passé de 10 États membres à 27.

On attendait donc surtout, de cette session semestrielle, le dénouement des questions du veto de la Hongrie et de la Pologne, et de celle du plan de relance. Sans parler du Brexit. Mais, en fait, bien d'autres problèmes obscurcissent l'horizon de l'Union européenne.

L'un d'entre eux, lancinant, résulte de la radicalisation agressive d'une puissance ayant basculé depuis bientôt 20 ans dans l'islamisme, rampant d'abord, flamboyant et de plus en plus agressif et menaçant : il s'agit de la Turquie dont naguère on imaginait faire un futur membre d'une Europe qu'en fait, et dans toute son histoire, elle a toujours combattue.

En particulier le Conseil européen entendait sanctionner les actions agressives de la Turquie en Méditerranée contre la Grèce et Chypre, du fait de ses travaux d’exploration gazières illégales développés depuis des mois sous protection de la marine de guerre turque.

Sanctions ? Les mesures décidées seront des sanctions individuelles, et des mesures supplémentaires pourront être décidées si la Turquie poursuit ses actions. Cette méthode en elle-même définit les limites de sa propre efficacité. Il a fallu attendre novembre 2019 pour que de telles sanctions désignent deux responsables de la Turkish Petroleum Corporation. Interdits de visas, leurs avoirs dans l’Union européenne ont été gelés. Les dirigeants européens ont confié le soin à Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, de faire un rapport au plus tard en mars 2021 sur l’évolution de la situation, et de proposer alors, si nécessaire, d’étendre les sanctions à de nouveaux noms ou de nouvelles entreprises. On imagine ainsi serrer la vis progressivement.

Tout cela reste quand même bien gentil, bien dans l'esprit du monde de Bisounours où semble se mouvoir la fraction paralysante de nos 27 chefs d'État, et notamment Mme Merkel. L'effet risque fort de se révéler aussi efficace que le soutien à Guaido dans la crise du Venezuela. Dans ce malheureux pays les élections du 6 décembre ont renforcé le pouvoir de l'affreux Maduro à Caracas, malgré ou peut-être à cause des condamnations et sanctions bien-pensantes mondiales. Idem par conséquent à Ankara où l'on se gausse de la pusillanimité de l'interlocuteur collectif européen.

Puisque les décisions y sont prises à l'unanimité, on ne doit pas s'étonner de leur minimalisme alors que c'est toute l'Europe qui se trouve menacée par les pressions sur ses confins.

Or, quelques jours plus tôt, le 6 décembre, au large d'Alexandrie s'est déroulé un incident maritime parfaitement significatif et dont on doit tenir compte : au lieu de cela personne n'a cru bon l'évoquer dans les moyens de la désinformation parisienne. Du côté de la Royale, la frégate Aconit, de garde en Méditerranée orientale, y représentait pourtant le drapeau français. Il s'agissait en l'occurrence de la dixième édition des manœuvres dites Medusa, traditionnellement conjointes entre les trois pays amis de la Méditerranée orientale, Égypte, Chypre et la Grèce. Cette année s'étaient ainsi jointes au rassemblement les flottes françaises et émiratie.

Or, il a fallu qu'un bâtiment turc, le Kemal Reis, étant venu observer d’un peu trop près l’exercice, se soit vu intimer l’ordre de quitter les lieux. Le navire turc a tenté de pénétrer dans les eaux où se déroulait la manœuvre Medusa 10. Il a été dûment averti de quitter la zone, mais a tout d’abord refusé d’obtempérer. Ce n’est qu’après l’intervention d’une frégate égyptienne qu’il a quittée la zone.

Bien que seulement trois États européens sur 27 aient participé activement à cet échange musclé, on peut considérer que c'est bien l'Europe qui se défendait dans une région du monde qui demeure stratégique pour l'ensemble : la Méditerranée orientale. De la même manière au Mali et au Sahel, les 5 000 soldats français déployés dans le cadre de Barkhane versent leur sang, en compagnie de leurs camarades envoyés par les quelques pays qui acceptent d'en partager le fardeau. Nos dirigeants et chefs militaires n'hésitent jamais à le rappeler. Nous devrions prendre cette logique un peu plus au sérieux.

Par exemple l'antique Égypte, que le maréchal Abdel Fattah al-Sissi est parvenu en 2014 à arracher à la menace islamo-terroristes des Frères musulmans de Morsi, représente, désormais, un allié fondamental de la défense de l'Europe en Méditerranée. Ceci repose sur une très ancienne, très authentique, amitié entre nos deux peuples. Des liens séculaires nous unissent, qu'il s'agisse des souvenirs de l'expédition de Bonaparte, des noms de Champollion ou de Mariette, ou du canal de Suez. Leur réactivation lors de la visite à Paris du chef d'État égyptien représente un acquit non négociable de l'intérêt national. Et ceci est aussi concrétisé par d'importants marchés de notre industrie de défense.

C'est à cet aune que l'on doit apprécier les campagnes destructrices de certains groupes de pressions ennemis de cette alliance sous prétexte de considérations douteuses sur le climat politique au Caire : nous nous trouvons une fois de plus en présence des fausses symétries politiquement correctes. Autant de trahisons de l'intérêt français et européen au nom des "immortels principes". Air connu.

On doit donc aussi se féliciter, non seulement du contrat de vente de 18 Rafale à l'armée de l'air grecque mais également de la perspective d'un renforcement au moins égal de l'armée de l'air française, réaffirmée par la ministre de la Défense Florence Parly. Autant de bonnes nouvelles pour l'Europe, en vertu d'initiatives françaises. Le contrat devait être finalisé ces jours-ci avant le 20 décembre

Or c'est bien cette perspective qui a fait, tant soit peu reculer Erdogan et ses agissements provocateurs en direction de l'Europe depuis août, hélas transférés vers le front caucasien, où la présence européenne reste marginale.

Il est donc heureux, même sous la présidence Pinocchio, que l'on s'achemine vers une remise en cause des conceptions de l'Europe mises en œuvre, depuis des décennies, par les technocrates français. Mieux vaut à tout prendre une défense de l'Europe à la carte et empirique que toutes ces tentatives institutionnelles tarabiscotées portées par l'arrogance parisienne : en 1991, le traité de Maastricht rédigé par Jacques Delors et Pascal Lamy ; en 2000, le traité de Nice concocté par Alain Juppé et Jacques Toubon et en 2005 le projet de constitution dont, par la faute de Chirac, les Français eux-mêmes n'en ont pas voulu et dont l'ombre paralyse encore l'union des volontés et des actes pour défendre réellement l'Europe.

JG Malliarakis 

https://www.insolent.fr/2020/12/defense-de-leurope-et-role-de-la-france.html

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