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Oui à l'autonomisme NON À l'indépendantisme ! 2/2

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Pourquoi l'Union européenne est-elle de plus en plus détestée ? Précisément parce qu'elle devient jacobine et oligarchique. Elle accomplit en grand avec les États-nations ce que ces mêmes États avaient accompli en petit avec les régions : elle concentre le pouvoir, uniformise les coutumes et favorise une langue unique (hier le français, aujourd'hui l'anglais). Loin d'être un horizon commun de rassemblement pour les peuples qu'elle fédère, elle se transforme en marâtre qui étouffe ses enfants sous une multitude de directives, de recommandations et d'ordonnances. Elle veut décider de tout, par en haut, au lieu de laisser les peuples prendre leurs propres décisions, par en bas. D'où la tentation souverainiste. En redevenant maîtres d'eux-mêmes, les peuples espèrent reconquérir leurs responsabilités perdues. Ils veulent rapprendre à se conduire en adultes.

[Liberté par le bas, union par le haut]

Mais le souverainisme n'est sans doute pas la réponse la plus adéquate à notre situation. Au fond, l'Union européenne nous exaspère à cause de son excès de souveraineté : elle bafoue la volonté des États sous sa coupe. Le fait de transférer cet excès depuis l'échelle continentale jusqu'à l'échelle nationale ne ferait que déplacer le problème. L'heure est venue de rompre avec le centralisme du passé, afin que chaque peuple soit respecté. Sans quoi les nations ne retrouveront leur liberté que pour mieux écraser les régions en-dessous d'elles. Le but premier de l'autonomisme est d'empêcher la confiscation du pouvoir par des administrations lointaines. Cet objectif est légitime. Mais l'indépendantisme y ajoute la séparation, la souveraineté : il se trouve de ce fait confronté à ses propres contradictions. Comment une nouvelle nation, lorsqu'elle aura obtenu son affranchissement, pourra-t-elle refuser à ses régions de s'affranchir à leur tour ? La France souhaite ajuste titre s'arracher à la pesanteur des technocrates bruxellois. Mais elle ne souhaite pas que ses régions réclament leur indépendance pour s'arracher à la pesanteur des technocrates parisiens. Si l'on reconnaît à un peuple le droit de garder la maîtrise de ses affaires, il faut l'accorder à tous les peuples, y compris dans les régions subalternes qui composent les États. Et si l'on veut que l'union continue de prévaloir en dépit de cette autonomie régionale accrue, il faut refuser toute forme trop radicale d'indépendance, y compris vis-à-vis de l'Europe.

La France n'a pas à se laisser déliter de l'intérieur pour cela, paradoxalement, elle ne doit pas renoncer à l'idéal européen. Il y a bien sûr beaucoup de choses à revoir dans le fonctionnement des institutions de Bruxelles : cela peut justifier une politique de blocage, afin d'obtenir la refonte de l'organigramme fédéral. Mais l'idéal européen est nécessaire à l'idéal français. Car à force de balkaniser l'Europe, on balkanisera un jour la France. Les poussées communautaristes s'expriment à tous les niveaux de la société. Partout, des minorités font entendre leur voix; elles se plaignent de l'injustice des puissants et menacent de faire sécession. Tous ces communautarismes minent la cité le séparatisme régional n'en est qu'un des multiples aspects. La seule façon d'enrayer de telles revendications consiste à distinguer l'autonomie de l'indépendance. Nous devons octroyer plus de pouvoir aux peuples, pour ne pas obliger la base à rompre avec le sommet. Nous devons conforter à la fois la liberté par le bas et l'union par le haut. Oui à l'autonomie, non à l'indépendance ! Celui qui aime la France devrait avoir suffisamment de place dans son cœur pour aimer sa région et l'Europe. Celui qui veut rendre sa responsabilité au peuple de France contre la tyrannie bruxelloise devrait aussi renforcer les pouvoirs octroyés aux régions contre la tyrannie parisienne. Mais les militants régionalistes ont tort de sombrer dans le séparatisme. L'esprit patriotique n'a en lui-même rien à voir avec l'amour exclusif et chauvin de la nation, qui restreint le sentiment d'appartenance. De manière naturelle, nous éprouvons à la fois un patriotisme régional, national et continental. Ce sont les souverainistes qui appauvrissent l'identité. Leur patriotisme est borgne.

Entretenons donc le sol nourricier et protégeons les racines de nos arbres centenaires; mais n'empêchons pas ces robustes chênes d'étendre leurs branches vers le soleil. La France a bien des drapeaux. L'Europe en a plus encore. Le véritable combat pour l'identité n'oppose jamais un étendard à un autre. Il oppose ceux qui en portent plusieurs à ceux qui n'en portent qu'un.

Thibault Isabel éléments N°161 Juillet-Août 2016

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