Pour mieux comprendre ce qui s’est joué dans la procédure d’impeachment de Donald Trump, une note du CAP de l’ISSEP, rédigée par Anthony Lacoudre, fait le point :
L’impeachment de trop
Le 13 janvier 2021, alors qu’il ne restait plus que six jours avant la fin du mandat de Donald Trump en tant que président des Etats-Unis, la Chambre des Représentants votait le second impeachment de Donald Trump, un peu plus d’an après avoir voté le premier le 18 décembre 2019. Trump devenait alors le troisième président de l’histoire des Etats-Unis à faire l’objet de cette procédure particulière de mise en accusation par la chambre basse du Parlement et le premier président à être mis en accusation à deux reprises.
Le premier impeachment et l’acquittement du 5 février 2020
La première fois, il était reproché au Président de s’être entretenu au téléphone avec le nouveau président de l’Ukraine lors d’un appel téléphonique intervenu au mois d’août 2019, au sujet de potentiels agissements frauduleux en Ukraine de Joe Biden et de son fils Hunter.
Pour les Démocrates, Donald Trump avait franchi une ligne jaune : comment osait-il chercher à obtenir auprès d’un chef d’Etat étranger des informations concernant son opposant potentiel à la prochaine élection présidentielle ? A l’époque, on soulignera qu’il n’était pas du tout évident que Joe Biden emporte les primaires démocrates.
L’intégralité des députés démocrates (majoritaires) de la Chambre des Représentants avait alors voté en faveur de la mise en accusation de Donald Trump alors que l’ensemble des députés républicains votait contre.
Puis, en février 2020, le Sénat acquittait le Président, estimant que les charges d’abus de pouvoir et d’obstruction au Congrès étaient infondées. Seul le sénateur républicain Mitt Romney rejoignait le camp de la gauche en votant contre Trump, coupable selon lui d’abus de pouvoir.
Le second impeachment pour incitation à l’insurrection
Cette fois-ci, il était reproché au Président, à l’occasion de son discours prononcé devant la Maison Blanche (Save America speech), d’avoir incité à l’insurrection lors de la manifestation du 6 janvier 2021 à Washington DC, encourageant la foule à envahir le Capitole.
On se souvient des images choquantes des manifestants forçant les barrages de police et pénétrant dans les locaux du Capitole, interrompant les débats sur le vote des grands électeurs et sur la fraude électorale des élections présidentielles, qui avaient commencé une demi-heure auparavant dans le cadre de la session jointe du Congrès.
Une procédure de mise en accusation bâclée
A la différence de la procédure conduite en 2019, où l’enquête de la Chambre des Représentants avait duré plusieurs mois, aucune enquête n’a été diligentée cette fois-ci. Aucune preuve n’a été produite par l’accusation, personne n’a été appelé à témoigner, la procédure ayant été bâclée, sans que la Maison Blanche ne puisse même présenter ses observations. Cette absence d’enquête était d’autant plus surprenante que l’accusation était grave. En réalité, les Démocrates n’avaient pas le choix, ils se devaient d’adopter cette mise en accusation avant le départ de Donald Trump prévu le 20 janvier 2021.
Après seulement deux heures de débats à la Chambre dans l’après-midi du 13 janvier 2021, 232 députés ont voté en faveur de la mise en accusation, correspondant à l’intégralité des députés démocrates rejoints par dix députés républicains (dont Liz Cheney, la fille de l’ancien vice-président de George Bush Jr). 197 députés républicains votaient contre, 96 % des députés républicains s’opposant donc à cette procédure d’impeachment qu’ils jugeaient totalement infondée, inutile voire néfaste. Le sénateur Lindsey Graham précisait alors : « Aujourd’hui, le Président a été mis en accusation sans aucune preuve. C’est devenu la norme. Faites attention. C’est une attaque contre la présidence à perpétuité ».
De nombreuses questions sans réponses
La Chambre des Représentants ayant décidé de ne pas mener d’enquête, des questions importantes restaient sans réponse.
Par exemple, Donald Trump avait-il réellement eu l’intention de provoquer une insurrection en organisant cette manifestation ? D’ailleurs, quels bénéfices aurait-il pu en tirer ? Une manifestation pacifique n’aurait-elle pas été plus avantageuse pour lui dans l’espoir d’influencer le vote des membres du Congrès qui étaient en train de débattre des fraudes électorales ? Du reste, était-ce vraiment une insurrection armée comme le prétend la gauche ? La plupart des personnes qui ont écouté le discours ne sont pas allées au Capitole, et la plupart de ceux qui s’y sont rendus ne sont pas entrés dans le Capitole ; la plupart de ceux qui y sont entrés n’ont commis aucun crime une fois dans le Capitole, aucune destruction dans les salles et les bureaux, aucune attaque de personne. Les images montrent plutôt des personnes prenant des photos sur place. Qui plus est, seule la police a tiré des coups de feu. Parmi les cinq morts déplorés, trois manifestants ont été piétinés par la foule ou ont subi des crises cardiaques (en dehors du Capitole) et un policier est mort d’une crise cardiaque le lendemain de l’invasion (apparemment sans lien avec l’incident). Et la police a abattu de sang-froid d’une balle dans la gorge une ancienne militaire de 35 ans, qui n’était pas armée, alors qu’elle venait de pénétrer dans l’enceinte du Capitole. On ne sait pas d’ailleurs si une enquête contre le policier en question est en cours.
Les manifestants étaient-ils tous des supporters de Donald Trump, voire des terroristes blancs racistes (white supremacists) comme l’affirment les Démocrates ? Des agitateurs d’extrême-gauche n’avaient-ils pas infiltré les manifestants ? La police avait-elle bien anticipé les possibles débordements ? Pourquoi la maire de Washington DC a-t-elle décliné l’aide de l’armée (National Guard) que lui a pourtant proposée Donald Trump lui-même ? Et pourquoi le chef de la police du Capitole – qui a témoigné sur le fait que ses demandes de renforts sont restées lettres mortes – a-t-il démissionné depuis lors ? Les heurts avec la police du Capitole n’ont-ils pas débuté avant même que Donald Trump ne finisse son discours et alors même que le discours se tenait à plus de deux kilomètres de distance du Capitole ? L’attaque du Capitole n’a-t-elle pas été planifiée plusieurs jours avant le 6 janvier – comme l’a déclaré le FBI – auquel cas il est difficile de l’associer au contenu du discours de Donald Trump ? Et si Donald Trump avait vraiment voulu fomenter une insurrection, ne s’y serait-il pas pris autrement ? On aurait vraisemblablement vu des tanks placés autour du Capitole…
À suivre