Dans l’imaginaire collectif, la chute du mur de Berlin, en 1989, marque la fin du communisme en Europe. S’il est vrai que cet événement eut des conséquences pratiques et symboliques considérables, il reste que c’est plusieurs années auparavant que le système avait commencé à craquer. En 1985, l’accession au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev à Moscou allait changer la donne, puisque cet homme avait compris que, si le régime ne se rénovait pas, ses jours seraient comptés.
Sa tentative de refonder le communisme échouera néanmoins, débouchant sur le démantèlement du système puis, en 1991, sur la mort de l’URSS, prélude à la renaissance de la Russie.
1985-1991 : c’est cette séquence commencée il y a trente ans que raconte Hélène Carrère d’Encausse. Historienne de la Russie, biographe de Catherine II, d’Alexandre II, de Nicolas II et de Lénine, le secrétaire perpétuel de l’Académie française déplore que la fin du totalitarisme communiste soit moins connue que celle de son homologue nazi. Cette hémiplégie s’explique sans doute, comme elle le souligne, par le fait que la décomposition soviétique a été un phénomène complexe et long, contrairement à l’apocalypse hitlérienne de 1945, mais aussi par l’indulgence ou la complicité dont a longtemps bénéficié le communisme en Europe de l’Ouest, en France notamment, beaucoup n’ayant pas intérêt à ce qu’on remue un passé encombrant.
Synthétique, mais précis et documenté, le récit d’Hélène Carrère d’Encausse reconstitue ces années qui ont bouleversé le monde : le drame de Tchernobyl qui révèle l’impuissance du système, la glasnost et la perestroïka, la chute des partis communistes en Europe centrale, la révolte des peuples périphériques de l’empire soviétique, le putsch de Moscou en 1991, puis la difficile entreprise d’Eltsine consistant à sortir le peuple russe de trois quarts de siècle de communisme, afin de lui redonner une place dans le concert international. En replaçant cette période dans le temps long de l’Histoire, l’auteur n’hésite pas à comparer Gorbatchev et Eltsine aux réformateurs qui, depuis Pierre le Grand, ont oeuvré à moderniser la Russie afin d’en faire une puissance européenne.
Jean Sévillia
Six années qui ont changé le monde, 1985-1991. La chute de l’empire soviétique, d’Hélène Carrère d’Encausse, Fayard, 418 p., 22 ¤.
Sources : Le Figaro Magazine (Edition du vendredi 9 octobre 2015)