Maxime Tandonnet n’est pas exactement le premier venu. Haut fonctionnaire ayant officié aux Affaires étrangères et à l’Intérieur, il a également signé nombre d’essais politiques savants. Histoire de situer le niveau, nous sommes loin de Christophe Castaner ou d’Audrey Pulvar.
Ainsi, dans une tribune publiée par Le FigaroVox du 19 avril dernier, s’alarme-t-il : « Le niveau du personnel politique français baisse dramatiquement. » Constat qu’on ne saurait contredire, au vu de quelques sorties demeurées fameuses. « J’assume parfaitement de mentir pour protéger le Président » (Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement). « Laurent Wauquiez ? Le candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel » (Benjamin Griveaux, lui aussi ancien porte-parole du gouvernement). La liste, évidemment, est loin d’être exhaustive.
Et Maxime Tandonnet de remarquer : « Tenir des propos manifestement inintelligents ou qui relèvent de l’aberration au regard de la tradition démocratique française devient en effet une habitude dans le monde politico-médiatique. » Un état de fait qu’il met sur le compte d’une « chute générale du niveau intellectuel des politiques ».
Résultat : « Ce monde est probablement encore plus touché que la moyenne par le déclin intellectuel. La dévalorisation accélérée de la politique dans l’opinion (80 % des Français en ont une image négative, selon l’enquête annuelle de CEVIPOF) a sans doute pour effet d’en détourner les éléments les plus talentueux. »
À cette analyse pertinente, il est néanmoins possible d’ajouter quelques autres clefs de lecture. La première est que le personnel politique ne reflète que très partiellement l’ensemble de la société française. Où sont les députés paysans, ouvriers et prêtres d’autrefois ? Nulle part, au même titre qu’artisans et patrons de petites entreprises, professions dans lesquelles le bon sens était une vertu communément partagée.
La deuxième, c’est que sous couvert de se concentrer sur la parité et la diversité ethnique, on en vient à négliger des disparités sociales de plus en plus criantes dans la représentation démocratique.
La troisième, c’est que ces élites autoproclamées sont de plus en plus coupées du bas peuple des électeurs ; phénomène encore plus voyant depuis l’accession d’Emmanuel Macron aux plus hautes fonctions. La filière « énarchique » étant un peu passée de mode, bienvenue à ces écoles de commerce dont les élèves, eux aussi élevés hors-sol, forment un inépuisable cheptel de béatitude dans lequel la Macronie fait à loisir son marché.
La quatrième explication, c’est que l’actuelle classe politique est la seule à n’avoir pas connu les affres de la guerre. Ce n’est certes pas sa faute, mais force est de constater qu’elle ignore tout de la dimension tragique de l’Histoire. Elle pense business et flux tendus, voyant dans la France et l’Europe un simple conglomérat d’intérêts ; soit une sorte de holding.
Dans son réquisitoire, Maxime Tandonnet ne cite quasiment pas les cadres du Rassemblement national. Ce n’est peut-être pas par hasard. Certes, la première génération du mouvement lepéniste a été élevée dans le souvenir de la Première Guerre mondiale, avant de connaître les horreurs de la Seconde et celles des conflits de la décolonisation ; ce qui n’est évidemment pas le cas de la nouvelle génération depuis parvenue aux manettes.
Mais eux, au moins, ont connu l’adversité. Rejoindre ce qui était autrefois le « parti des maudits » demande une certaine force de caractère ; s’y maintenir, une indéniable résistance à l’adversité. La preuve par Jordan Bardella, pour ne citer que cette jeune pousse montante, qui ne sait rien des tranchées, du maquis et du djebel, mais qui a grandi à Bobigny, dans les cités de Seine-Saint-Denis. D’où une connaissance de l’immigration ne devant rien aux savantes courbes d’experts, mais qui lui permet d’exprimer haut et fort ce que tant de Français aux origines aussi modestes que la sienne endurent en silence depuis trop d’années.
C’est ça, aussi, faire de la politique ; au sens noble du terme, s’entend.