« J’en ai assez d’être le bouc émissaire. » Derrière le sourire, l’exaspération, chez Ursula van der Leyen, commence à percer. Il faut dire que, pour la présidente de la Commission européenne, le virus vire au cauchemar. Le virus, et plus encore le vaccin.
70% des adultes vaccinés dans l’Union européenne, à la fin de l’été. Tel est le projet de la patronne de la Commission européenne en réponse à ses détracteurs, qui accusent haut et fort Bruxelles de n’avoir pas pris la mesure nécessaire de la vaccination. Comme si les oppositions directes aux vaccins ne suffisaient pas !
À ne considérer que la stratégie vaccinale, l'Union européenne peut faire grise mine. C’est sur son territoire, en effet, qu’a été produit, jusqu’ici, le plus grand nombre de doses de vaccin(s). Mais c’est elle qui en a le moins profité. Alors que nombre d'autres pays ont réussi, beaucoup plus largement, cette campagne. Et notamment la Grande-Bretagne.
Aussi Ursula van der Leyen menace-t-elle plus particulièrement de bloquer les exportations hors Europe d’AstraZeneca si le laboratoire ne tient pas ses promesses de livraisons. Or on en est loin. Bruxelles soupçonne même les services du laboratoire d’avoir vendu deux fois les mêmes doses à la Grande-Bretagne et à la Commission européenne et, faute de production suffisante à l’heure actuelle, d’avoir favorisé son pays d’origine. À l’occasion du dernier sommet de Bruxelles, d’aucuns n’hésitaient pas à évoquer un « arbitrage douteux ». Peut-être. Mais pourquoi, faute de pouvoir fournir suffisamment rapidement tout le monde, le laboratoire britannico-suédois ne choisirait-il pas, comme toute entreprise, ses priorités entre ses clients ?
Quoi qu'il en soit, Ursula van der Leyen a prétendu taper du poing sur la table : « Nous voulons voir la réciprocité et la proportionnalité dans les exportations, et nous sommes prêts à utiliser tout outil dont nous avons besoin pour y parvenir ».
À Bruxelles, on est d’autant plus énervé que 29 millions de doses viennent d’être retrouvées sur un site italien dépendant d’AstraZeneca, au terme d’une enquête réclamée par la Commission.
La réaction de Bruxelles s’explique sans doute par l’agacement. D’autant que cette situation, et ses divers aléas, manifestent une fois de plus une certaine incapacité de l'Union européenne face à nombre de ses partenaires politiques.
Plusieurs dirigeants européens ont néanmoins tenu à soutenir Bruxelles dans ce bras de fer Angela Merkel n’avait ainsi pas hésité à soutenir l’approche européenne face aux difficultés de vaccination. Mais, depuis, elle a dit elle-même faire face à une bronca grandissante de ses compatriotes face aux mesures sanitaires, et se fait plus discrète.
Le naïf n’abuse personne
« C’est la fin de la naïveté », a renchéri de son cote Emmanuel Macron. L’expression a de quoi faire rire, et nos compatriotes ne s’en privent pas. Comme si le président de la République voulait nous faire accroire que, jusqu’ici, sa politique sanitaire n’avait eu pour seul but que la santé à défaut du bien-être - des Français.
C'est aller un peu vite sans doute en besogne. Pour en rester à la question d’AstraZeneca, nombre de gens que l’on croise (malheureusement plus au zinc), même parmi les tenants et volontaires de la vaccination, affirment ne pas vouloir de - je cite - « la cochonnerie des Anglais ».
Puisque Macron parle de naïveté, ce serait en effet faire preuve d’une excessive crédulité que de se précipiter sur un produit qu’une dizaine de pays avaient suspendu compte tenu du trop grand nombre de cas d’effets secondaires nuisibles, et que tous n’ont pas réintroduit après l’avis, évidemment positif, de l’Agence européenne du médicament. Il faut dire que les effets secondaires, parfois fort graves, n’ont pas cessé du fait de cet avis pour le moins rapide. Et il ne suffit pas que Castex se fasse piquer avec ledit produit d’AstraZeneca pour rassurer ses compatriotes.
Oh, bien sur il y a d’autres vaccins. Ceux qui sont déjà là. Et ceux qui vont arriver. L’américain Janssen en avril, l’allemand Cure Vac en mai, l’américain Novavax et les Français Valneva et Sanofi d’ici fin 2021.
En attendant, plus le temps passe, plus l'agacement des opposants comme des volontaires pour la vaccination se fait sentir Le vaccin n’est d’ailleurs qu’un élément, à côté du passeport vaccinal ou des mesures dites barrières. En France notamment, le peuple s’interroge, et ce n’est jamais bon pour les gouvernants. Les ministres contaminés respectaient-ils ces mesures ? La question est à double tranchant. Si c’est non, que le gouvernement s’abstienne de faire des remarques aux Français. Si c’est oui, c’est qu’elles ne servent de rien.
Et la liberté, bordel !
On nous a trop rebattu les oreilles avec la fameuse devise pour la réserver quand ça arrange, aux frontispices des mairies et aux manuels d’histoire...
Olivier Figueras Monde&Vie 10 avril 2021