Bien que concurrencée le 10 mai par le 40e anniversaire de l’arrivée de Mitterrand à l’Elysée, la Journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition (instituée par Jacques Chirac en 2006) a été dignement célébrée le même lundi en ce 20e anniversaire de la loi Taubira du 21 mai 2001 exigeant repentance pour les « plus de 11 millions d’hommes, de femmes et d’enfants capturés en Afrique, transportés à travers l’Atlantique et réduits en esclavage ».
Emu aux larmes, flanqué de pas moins de cinq ministres (Gérald Darmanin, Eric Dupond-Moretti, Jean-Michel Blanquer, Roselyne Bachelot et Elisabeth Moreno), Emmanuel Macron a écouté pieusement la comédienne guyanaise Yasmina Ho You Fat déclamer une partie du discours de Taubira à l’Assemblée nationale en 1999, puis une Marseillaise, interprétée par des Ultramarins uniquement, devant le monument aux martyrs de l’esclavage érigé dans les jardins du Luxembourg. Une journée s’achevant en feu d’artifice le soir avec Stéphane Bern consacrant ses Secrets d’histoire sur France 3 à l’affranchi Toussaint Louverture, « homme de génie » et père de la république de Haïti – qui, depuis lors, stagne dans la gabegie, la misère, la corruption et l’anarchie.
Crime contre l’humanité ?
La loi Taubira occulte délibérément le rôle essentiel des trafiquants arabes dans la capture de ces 11 millions de malheureux (chiffre démesurément grossi compte tenu de la faible capacité des navires d’alors), et la poursuite jusqu’à nos jours de l’esclavage, de la Mauritanie à la péninsule arabique, sous prétexte de « ne pas stigmatiser les musulmans ». A l’inverse, par cette loi, rappelle le site du ministère de l’Education nationale, « la République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part […] constituent un crime contre l’humanité ». De plus, la loi « prévoit qu’une place conséquente [sic] soit accordée à la traite négrière et à l’esclavage dans les programmes scolaires ainsi que dans les programmes de recherche en sciences humaines et en histoire [le législateur a, en ce domaine, été entendu au-delà de toute espérance]. Enfin, elle prévoit qu’une demande de reconnaissance comme crime contre l’humanité soit déposée auprès de différentes organisations internationales ».
Descendants d’esclaves mais esclavagistes
Toutefois, les choses ne sont jamais simples. On sait qu’à Gorée, la fameuse « maison des esclaves » construite au XVIIIe siècle, inscrite en 1978 par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité et où tous les touristes et les dirigeants occidentaux visitant le Sénégal doivent se recueillir, appartenait en fait à une riche mulâtresse, Anna Colas Pépin, et que n’y transitèrent pendant quelques décennies non pas des millions, mais environ 300 esclaves par an.
Mais, surtout, on peut consulter depuis le 7 mai sur le site Repairs.fr la base de données (https://esclavage-indemnites.fr/public/) établie par des chercheurs du CNRS et répertoriant tous les propriétaires d’esclaves français au XIXe siècle. Il en ressort qu’à la Martinique par exemple, au moins 30 % de ces propriétaires, dont entre 30 et 40 % de femmes, étaient eux-mêmes des descendants d’esclaves, qui furent dûment indemnisés quand, en 1848, fut aboli l’esclavage à l’initiative de Victor Schoelcher – dont, nonobstant, deux statues ont été abattues l’an dernier à la Martinique. Soit dit en passant, l’abolition avait été réclamée des lustres avant la révolution de 1789 et elle fut préconisée dès le 8 février 1815 par les négociateurs, tous issus de monarchies, du Congrès de Vienne statuant sur la nouvelle physionomie de l’Europe après la chute de Napoléon.
Justice pour Colbert !
Autant d’éléments négligés dans les programmes de l’Educ’ nat’, qui ne s’étend guère que pour le fustiger sur le Code noir élaboré par Colbert deux ans avant sa mort et promulgué en mars 1685. A l’époque, ce Code fut aussi critiqué, mais parce que, tout en ne remettant pas en cause l’esclavage, il accordait trop de droits aux esclaves.
Il exhortait ainsi à les faire baptiser (article 2), ce qui avait pour corollaire l’obligation pour leurs propriétaires de les traiter chrétiennement. Et d’abord en leur fournissant une nourriture suffisante « par chacune semaine » ainsi que « pour chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile » afin de se vêtir décemment (art. 22 et 25). La même règle devant s’appliquer aux « esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non » et que les maîtres devaient entretenir jusqu’à leur mort (art. 27).
Il leur était aussi interdit de « vendre séparément le mari, la femme et leurs enfants impubères » (art. 47). En revanche, « l’homme libre qui n’était point marié à une autre personne durant son concubinage avec son esclave, épousera dans les formes observées par l’Eglise ladite esclave, qui sera affranchie par ce moyen et les enfants rendus libres et légitimes » (art. 9). Tel le Guadeloupéen Joseph Bologne, autoproclamé chevalier de Saint-George (1745-1799), qui, selon une légende répandue à la fin du XIXe siècle, aurait mis tout Paris et la cour à ses pieds par sa maîtrise de l’escrime ou la qualité de ses compositions musicales – et en faveur duquel la rue Richepanse, anciennement dédiée à un général d’Empire près de la Madeleine, fut rebaptisée en 2002 à l’initiative du maire Delanoë. Inutile de préciser que ce « Mozart noir », et franc-mac comme le divin Amadeus, est devenu l’idole des « racisés », au point que Netflix va lui consacrer une série hagiographique alors que, de son vivant, il s’acharnait à faire oublier sa négritude.
Pas de pitié pour les mauvais maîtres !
Octroyant « aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres » (art. 59), le Code noir interdisait aussi formellement « les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves », lesquels pouvaient porter plainte : « Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l’avons ordonné par ces présentes, pourront en donner avis à notre procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office, si les avis viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais » (art. 26).
Certes, « l’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort » de même, « si le cas le requiert », que celui qui s’est rendu coupable d’un vol important de bétail ou celui arrêté à sa troisième tentative de fuite (art. 33, 34 et 36). Mais il s’agit ici de décisions de la justice royale car l’article 42 défend aux possesseurs d’esclaves criminels « de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membres, à peine de confiscation des esclaves et d’être procédé contre les maîtres extraordinairement », l’article 43 ordonnant même aux « officiers de poursuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave étant sous leur puissance ou sous leur direction et de punir le meurtre selon l’atrocité des circonstances ».
Et l’esclavage moderne ?
A l’époque, combien de nations et de civilisations, hors l’Europe, protégeaient ainsi les esclaves ? Loin de réclamer un Nuremberg pour le principal ministre de Louis XIV aujourd’hui taxé de négrophobie et de barbouiller ses statues, nos Blacks devaient lui rendre grâce. Et admettre que l’esclavage moderne, tel qu’il a été importé chez nous par les nababs des émirats ou la nomenklatura africaine, est parfois plus inhumain que celui codifié sous le Roi-Soleil. Tout comme « le trafic d’êtres humains organisé par les passeurs en Méditerranée et qu’encouragent sous couvert d’humanisme dévoyé des ONG financées par l’Union européenne » si justement dénoncé par Marine Le Pen le 10 mai.
https://www.tvlibertes.com/actus/repentance-a-la-chaine-present