L’épidémie du coronavirus a gravement affecté l’économie. Les États ont donc mis en place, « quoi qu’il en coûte », des plans d’aide financière gigantesques.
Que l’on y songe ! Aux États-Unis, Trump décide, en mars 2020, d’un plan de 2.000 milliards de dollars ; en décembre, il y ajoute 900 milliards ; en mars 2021, un plan de 1.900 milliards est approuvé par Biden. Soit 5.000 milliards.
C’est comme s’il avait été envoyé, mensuellement, à chaque Américain, pendant une année, un chèque de 1.000 dollars. Le même calcul vaut pour la France (en incluant les transferts sociaux, que ne connaissent guère les États-Unis).
Distribuer ce « pognon de dingue » n’était pas forcément déraisonnable, pour éviter que la machine économique ne se grippe. Mais cette apparition mystérieuse d’un argent surabondant ne peut que laisser perplexe.
La question qui nous taraude est inédite. D’où vient cet argent qui surgit par magie dans des proportions absolument incroyables ? Qui le crée ? Qui le fait naître ?
D’autant que les États ne semblent pas se porter plus mal, ne paraissent pas avoir peur d’une catastrophe financière, ne donnent pas l’impression d’être en danger de faillite. Biden voudrait même ajouter encore un plan situé entre 2.000 et 4.000 milliards de dollars, pour rénover les infrastructures (qui en ont d’ailleurs bien besoin).
Même l’inflation n’a pas reparu à la suite de cette avalanche de liquidités. Il existe, d’ailleurs, une école économique, dite de la « théorie monétaire moderne », et représentée en particulier par l’Américaine Stéphanie Kelton, qui estime que les États pourraient continuer à faire surgir du néant autant d’argent qu’ils voudraient sans que cela n’entraîne de conséquences négatives.
La majorité des commentateurs assurent, toutefois, qu’il faudra rembourser cette dette (même si quelques-uns militent pour l’annuler purement et simplement) afin de ne pas la léguer à nos enfants. Mais il s’agit d’une aimable plaisanterie : par quel miracle des États qui n’ont pas présenté depuis plus de quarante ans un budget en équilibre pourraient-ils soudainement devenir tellement bénéficiaires qu’ils seraient en mesure de rembourser une dette colossale ?
Cette situation tend donc à nous faire douter du discours économique habituel. Depuis toujours, on nous a démontré par a + b que l’argent ne naît pas de rien, qu’il est seulement le symbole d’une valeur réelle, à savoir les richesses naturelles mises en œuvre par le travail humain. Il semblait normal de croire ce raisonnable discours, et c’est ce qui tendait à nous faire rejeter comme absurde et impossible l’idée du « revenu universel » ou « revenu d’existence » dont on parle depuis quelques années, à savoir une allocation (suffisante pour vivre) que l’État verserait à tout citoyen sans aucune contrepartie.
Le problème, c’est que ce qui était déclaré chimérique et inapplicable vient de se réaliser sous nos yeux. En fait, le « revenu universel » a été subrepticement mis en place à l’occasion de cette épidémie, chaque citoyen bénéficiant, directement ou indirectement, de l’équivalent du « revenu d’existence ».
Alors, l’argent est-il la contrepartie d’une réalité objective ou bien peut-on librement en créer à volonté, comme on l’a fait durant cette « année du coronavirus » ? Dans ce dernier cas, le fameux « revenu universel » ne deviendrait-il pas raisonnable et possible ?