Entre les deux tours des élections régionales, s'est précisée la manœuvre tendant à présenter Xavier Bertrand pour le candidat naturel de la droite à l'élection considérée comme décisive de 2022.
Et c'est le 6 juillet, sur le plateau de TF1, que l'intéressé a indiqué se présenter à l'élection présidentielle 2022 rejetant toute idée de primaire. Comme nous l'indiquions dans notre chronique du 29 juin, Xavier Bertrand s'y croit déjà et se représente en réincarnation du fondateur de la Ve république. Le sens du ridicule ne l'étouffe pas. Et il se campe en même temps comme le plus à gauche des candidats puisqu'il est le seul à avoir soutenu, "contre l'hydre fasciste" naturellement, un candidat du PCF… à sa dimension, celle du second tour d'un scrutin départemental.
Ce même 6 juillet, à Paris, se réunissait autour d'un Christian Jacob, clairement hostile à l'opération Bertrand, le bureau politique des Républicains. Cette appellation actuelle de la droite classique. sonne mieux que son sigle officiel "LR", invention improbable remontant à 2015 supposée plus parlant que le "mouvement populaire" (UMP) succédant lui-même à "majorité présidentielle" inventé par Juppé lorsqu'en 2002 Chirac, surnommé Super menteur, avait été élu, sous prétexte, déjà, de vaincre la Bête Immonde… avec le soutien de toutes les gauches, parti communiste compris.
Ce que l'on doit retenir comme conséquence de cette attitude d'alors c'est que, de 2002 à 2007, les gouvernements Raffarin puis Villepin ne firent donc, évidemment, rien.
Or, après 20 ans de stagnation, 20 ans de médiocrité et 20 ans d'autoflagellation, bref : de Chiraquie, ladite droite classique française pourrait espérer prendre en 2022 une revanche sur plus misérables qu'elle : aussi bien sur la gauche sauce hollandaise que sur la soi-disant république en marche, durablement au point mort.
Mais, pour que la droite classique l'emporte, la condition nécessaire, et probablement suffisante, suppose le choix d'un candidat présentable à la présidence de la république.
On ne doit pas s'illusionner ici sur les habituelles expressions ronflantes et toutes faites, telles que "pouvoir suprême" et autres clichés courants. Cessons en effet de surestimer le régime plébiscitaire auquel renvoient de telles images d'Épinal. L'Apôtre disait : "quand j'étais enfant je pensais comme un enfant". Et, comme la plupart des petits garçons de ce pays l'auteur de ces lignes pensait que Napoléon était le plus génial des Français, jusqu'au jour où, adulte, la lecture de Bainville lui a fait comprendre que "sauf pour la gloire, sauf pour l'art, il eût probablement mieux valu qu'il n'eût pas existé."
Le drame de la constitution actuelle, répétons-le une fois de plus, est d'abord d'avoir été totalement déviée de son équilibre originel par la réforme de 1962 : originellement "capétienne en l'absence d'un roi", la constitution de 1958 est devenue bonapartiste. Cela se soigne sans doute. On est convenu de croire que "Dieu a fait les nations guérissables". Cette belle formule remonte à Lacordaire, à ceci près objectera-t-on que, depuis ce grand orateur dominicain du XIXe siècle, nous avons vu le mal empirer, mais pas la guérison.
Dans cette campagne des régionales qui a réveillé le sens civique des observateurs, sinon celui des abstentionnistes, on pouvait dès le premier tour évaluer le poids électoral respectif des têtes de listes présidents de régions : si Bertrand obtenait le 20 juin 550 000 voix, Wauquiez en rassemblait 750 000 et Pécresse 780 000. Le score d'Hervé Morin en Normandie ne doit pas être tenu pour ridicule non plus. Étiqueté centre droit, reconduit à la tête d'une région certes plus petite, il obtient 60 % des suffrages au second tour, après en avoir obtenu 330 000 au premier tour.
D'autres candidats plausibles se profilent, tel Michel Barnier dont a pu mesurer le travail dans la redoutable négociation du Brexit, ou Gérard Larcher, qui a l'avantage de représenter la réhabilitation du travail parlementaire et de pouvoir apparaître, in fine, en rassembleur.
Les études par sondages vont se multiplier, se contredire, et souvent chercher à désorienter le public, parfois de manière ridicule, comme celles de l'IFOP. Cet excellent organisme, le plus ancien dans le grade le plus élevé puisqu'il fut fondé en 1938, est parvenu à publier, à deux jours d'intervalle, dans le Journal du Dimanche du 4 juillet, puis dans Le Figaro le 5 juillet, deux évaluations totalement contradictoires. La seconde franchement ridicule, fait de Bertrand, troisième du premier tour, le vainqueur du second. Une autre cependant, réalisée par Harris Interactive tout en prévoyant un score honorable, de 17 % au premier tour pour le président des Hauts de France, lui accorde 0 % chez les jeunes de 18 à 24 ans. Après leur plantage des régionales, difficile de prendre les sondeurs au sérieux pensera-t-on légitimement.
Nous voici donc dans le vif de cette campagne si bien qu'on peut se demander si les déclarations d'Olivier Véran sur la quatrième vague du Covid ne cherchent pas opportunément à masquer les difficultés prévisibles de la Macronie.
JG Malliarakis