C’est la grande question qui nous agite tous, une question en forme d’étau qui se resserre sur cette minorité de récalcitrants irresponsables qui pourraient faire dérailler la stratégie parfaite de lutte contre le coronavirus. Qui sont les non-vaccinés ? Où se cachent-ils ?
Je dis tous car, en quelques jours, de nombreuses personnalités, notamment de droite, se sont ralliées au panache d’Olivier Véran et à sa fameuse thèse, son « Je dis juste que » du 2 juillet dernier : « Je dis juste que 20 % de Français non vaccinés ne pourraient pas contraindre 80 % à ne pouvoir accéder à des activités de la vie courante. » Un dogme à partir duquel on réduira drastiquement les libertés des non-vaccinés, tout en rappelant « en même temps » qu’on « refuse de diviser les Français entre vaccinés et non-vaccinés » (le même Véran, le même 2 juillet, dans la même phrase).
Donc, une bonne partie des responsables politiques et médiatiques de droite, que l’on aurait pu croire davantage attachés à la défense de certaines libertés, sont sur cette ligne de l’injonction vaccinale. Robert Ménard, dans ses interventions télé, par exemple, ou, dans Le Figaro, Mathieu Bock-Côté, avec un petit texte intitulé : « Les antivax ou l’esprit critique devenu fou » et qui se termine par cette phrase : « Je confesse un sincère émerveillement devant cet accomplissement scientifique qui a permis de trouver en moins d’un an un vaccin capable, selon toutes les indications disponibles, de dominer le virus, de vivre avec lui, en limitant sa circulation et en le rendant globalement inoffensif. » On peut être un ravi de la crèche et un ravi des « vaccinodromes ».
Étonnante euphorie pro-vaccinale. Peut-être l’effet des sondages. Et la peur de passer pour obscurantiste. Peut-être, aussi, leur analyse de la carte – j’allais dire « électorale » – des non-vaccinés. Ben oui, car elles sont drôlement parlantes, ces cartes.
Un reportage du Monde dans le monde parallèle de cette population à « l’esprit critique devenu fou » nous emmène sur le terrain, dans ces territoires perdus dominés par l’obscurantisme, « à la base de loisirs de Jablines-Annet et à Meaux, en Seine-et-Marne, le département de France métropolitaine où la couverture vaccinale est la plus faible ». Vous y découvrirez, en images et dans le texte, une France colorée, essentiellement d’origine immigrée, dont les réticences à la vaccination auraient une origine « communautaire » : « Henda Coulibaly, l’une des cinq blouses blanches des MLAC, est originaire du Mali, comme la famille Doumbia. Elle a une explication à cette réticence, qu’elle qualifie de “communautaire”. Une histoire qui, dit-elle, s’est propagée dans toute l’Afrique au début de l’épidémie. » En dehors de ces « rumeurs » africaines, les personnes interviewées dans ce reportage avancent des arguments de bon sens.
Ce qui est certain, c’est que la carte des non-vaccinés correspond à la carte des territoires où la population d’origine immigrée est la plus dense, et aussi où l’abstention fut la plus forte aux dernières élections : à Paris, comme en Île-de-France, où la division ouest-est est nette, et partout dans le pays. Par exemple, dans le Sud-Ouest, comme le montre l’article de La Dépêche intitulé « Vaccin contre le Covid-19 : quels sont les départements en avance ou en retard en Occitanie ? », les départements les plus vaccinés sont aussi les plus civiques, les plus historiquement « républicains » (de droite comme de gauche), comme les Hautes-Pyrénées, le Lot ou les Pyrénées-Atlantiques, et le moins vacciné est la Haute-Garonne, le plus peuplé, mais aussi celui comptant une forte population d’origine immigrée.
Certes, d’autres facteurs entrent en jeu, comme l’âge. Mais la réticence à la vaccination des « territoires perdus » de la République est une réalité incontestable. Et, bien sûr, totalement absente de la logorrhée gouvernementale. Quelque chose me dit d’ailleurs que dans la campagne de diabolisation des non-vaccinés, le gouvernement saura habilement contourner la Seine-Saint-Denis pour venir stigmatiser la Lozère.