Une part considérable des rituels païens se réfère plus ou moins intensément à la force du soleil et à sa course dans le ciel. Les grands rituels festifs saisonniers au moment des solstices et le rituel de remerciement pour les récoltes sont très nettement des rituels solaires. Quant aux rituels qui ponctuent le cours de la vie, ils se réfèrent également, via la symbolique du feu, à des formes du culte solaire et de la vénération pour cet astre. La vénération de la lune et les formes rituelles du culte lunaire ne se retrouvent que sporadiquement dans les rituels solaires que nous venons d'évoquer. Nous nous concentrerons donc, ici, sur le savoir relatif au culte solaire dont nous disposons, mis à part les rituels solsticiaux, qui méritent une analyse plus spécifique.
Le rite solaire païen
Nous pouvons avec certitude avancer l'hypothèse que la vénération de la lune constitue un phénomène plus ancien que le culte de la force solaire. Cela se comprend aisément : les phases de la lune sont plus perceptibles que celles du soleil ; la lumière de la nuit est plus mystérieuse et plus magique. Chez la plupart des peuples indo-européens, même s'ils ont utilisé un calendrier lunaire lors des phases initiales de leur développement, la vénération religieuse a surtout mis l'accent sur le soleil et leur calendrier se base principalement sur la course du soleil. Tacite nous apprend que les Germains fixaient leurs fêtes, les assemblées de leur Thing et leurs cérémonies de sacrifice d'après la position de la lune mais organisaient des feux rituels en l'honneur de la puissance du soleil, assorti d'acte cultuels et hélio-magiques (faire rouler des roues de feu, des courses au flambeau, etc.). Ces rituels avaient lieu lors des 4 moments les plus saillants de la course du soleil, soit lors des solstices et des équinoxes. La vénération du soleil comme donateur de la fertilité et de la croissance a été conservée jusqu'à nous, dans la coutume d'allumer des feux de Pâques. Le feu de la Beltaine, feu de Bel, chez les Celtes, avait lieu le 1er mai et été consacré au dieu Belenos, dont le surnom Grannus (de l'irlandais grain : soleil) indique son caractère nettement solaire.
La tradition nordique nous rapporte que lors des actes rituels, le rapport à la direction de la course du soleil était important pour la réussite de l'invocation magique. « Toute magie malfaisante doit avoir lieu à l'opposé de la course du soleil (vieux-norrois : andsaelis, rangsaelis), tandis que tout acte bienfaisant, donc tout acte cultuel, doit être posé dans le sens du soleil, indicateur de l'heure (rem. : c'est-à-dire dans le sens de la course du soleil ; vieux-norrois, réttsaelis) » (1).
Pourtant, c'est un fait indubitable que, dans tout l'espace indo-européen, il n'y a apparemment jamais eu de dieu ou de déesse solaire au plein sens du terme, si l'on fait abstraction de la déesse Diana des Scythes. Les Indo-Européens n'ont pas connu de mythe solaire comparable à celui d'Osiris en Égypte. Leur culte solaire se réfère bien plutôt à la force donatrice de vie du soleil et de la lune, en tant qu'unité cosmique, comme nous pouvons le constater en étudiant la symbolique du char solaire de Trundholm. Le soleil y est représenté comme un disque d'or, fixé à un char tiré par des chevaux (rappelons qu'en 1384 avant notre ère le Roi d'Égypte Akhnaton avait fait représenter le dieu solaire Ré par un disque). La face arrière du disque solaire de Trundholm, en bronze, et la division de la face avant en 9 cercles intérieurs et 27 cercles extérieurs permet de formuler l'hypothèse que le char solaire peut être mis en rapport avec le culte lunaire. Ce qui n'est pas nécessairement une contradiction, car, comme nous allons le voir, soleil et lune entretiennent un rapport étroit d'ordre cultuel et cosmique et sont mis sur pied d'égalité. On admet généralement aujourd'hui que ce char solaire est la représentation en miniature d'un char cultuel que l'on promenait sur un parcours solaire-magique, comme nous l'indiquent les cultes de Nerthus (en Allemagne du Nord) et de Freyr (en Suède). Dans le Rig-Veda, c'est le cheval Etaza qui tire la roue solaire dans le ciel. Le parcours rituel était une représentation symbolique du couple sacré Soleil-Terre, où la différence entre les 2 astres est expliquée en termes sexués. Le soleil ou le fils du soleil donne sa semence sous la forme de rayons solaires et féconde la terre, qui, elle, reçoit cette semence et donne naissance à une vie nouvelle.
L'ancienneté et l'enracinement profond de ce culte solaire agrarien sont attestés par l'érection de pierres, coutumes encore pratiquées, comme dans la paroisse de Hafling au Tyrol, où le peuple dresse une Sonnenstein (une pierre solaire), sur laquelle figurent un bon-homme-soleil, un arbre de vie, un trèfle et plusieurs serpents symbolisant le cycle annuel. Dans les vallées tyroliennes ombragées, comme l'Ahrntal et le Vinschgau, existait encore la coutume populaire, au début des années 70, d'accourir, certains jours, au devant du soleil levant avec un récipient plein à ras bord de lait.
Le culte solaire archaïque a connu son apogée à l'Âge du Bronze, comme en témoignent les monuments de pierre des Externsteine, de Carnac et de Stonehenge. Ces 3 lieux de culte préhistoriques étaient (et sont encore) des lieux cultuels voués au soleil et, en même temps, des agencements très précis permettant l'observation des astres afin de déterminer la date des solstices et d'apprendre un maximum de choses sur la course du soleil.
Les Externsteine
L'âge des Externsteine, près de Horn, n'est pas déterminé avec précision. Il est toutefois indubitable que ces rochers naturels ont été transformés par des mains humaines, servies par des cerveaux qui savaient le cours des astres, et sont devenus ainsi un temple solaire ou un poste d'observation astronomique. Les ouvertures solaires dans le roc donnent sur le soleil levant au jour même du solstice d'été, soit sur le Nord-Est (plus précisément à 47° de déclinaison par rapport à l'Est). À côté de leur fonction astronomique, les Externsteine étaient un centre religieux d'initiation pour les prêtres. Au pied du rocher, on trouve un cercueil de pierre ; on l'utilisait dans le rituel de la mise en cercueil initiatique. Au-dessus de ce cercueil figure un arc solaire que l'on peut interpréter comme étant le plus petit arc du cycle annuel : c'est l'arc originel. Au cours de la mise en cercueil, le candidat initié meurt une mort symbolique et sa résurrection est le renaissance symbolique de l'initié. La cérémonie de la mise en cercueil se retrouve aujourd'hui encore dans certaines loges maçonniques, dans le rite du retour du maître.
À suivre