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Jean-Pierre Fabre-Bernadac la guerre civile n'est pas une fatalité

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«  Sonneur de tocsin «  Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier, a lancé le premier appel de militaires sur le risque de guerre civile. Il va de l’avant et, pour lui, la solution à cette crise n'est à chercher ni chez les politiques ni chez les militaires.

Entretien.  Propos recueillis par Richard Dalleau

Votre tribune et celle de camarades d'active ont recueilli des centaines de milliers de signatures. Selon un sondage Harris interactive, 58% des Français vous soutiennent. Cela suffira-t-il à ce que vous soyez écoutés des politiques ?

C'est à eux qu'il faut poser la question.

Le chef d'État-Major (CEMA, général Lecointre) vous a menacé de poursuites. Où en sont-elles ?

Pour l’instant, nous ne savons pas. J’ai appris que le général Lecointre avait demandé à discuter avec les associations de militaires, pas avec nous. Il est face à une situation complexe et il a deux solutions. La première est : « je ne punis pas ou peu », et alors nous allons encourager d'autres militaires, inquiets des sanctions, à signer. La seconde est de réprimer sévèrement les signataires et dans ce cas, nous serons plus incisifs, nous monterons au créneau avec nos avocats.

Parmi les nombreuses réactions qu'a suscitées votre lettre ouverte aux gouvernants, lesquelles vous ont agréablement surpris ?

Le fait que plus de 60 généraux aient signé m'a beaucoup touché. Même en réserve, ils sont habituellement réticents. J'ai parlé à plus de 40 généraux et je leur ai proposé de ne pas mettre leur nom, pour les préserver. Tous ont refusé sauf un, qui souhaitait protéger son fils, militaire d'active. L'un d'eux m'a dit « entre mon statut de 2S et la France, je choisis la France ! » Ceci dit, je suis fatigué que l’on désigne notre appel comme « la lettre des généraux ». Plus de 27 000 militaires l’ont signée, officiers, sous-officiers qui sont la cheville ouvrière de l’armée - et hommes du rang. C'est très significatif !

Alors, quand on vient nous traiter « de quarteron de généraux en Charentaises », vous comprenez que ça agace. D'ailleurs, un général a porté plainte contre Mme Panier-Runacher. Il sera peut-être suivi par d'autres.

Votre tribune été suivie d'un document diffusé aux groupes parlementaires, « Pour une stratégie globale contre l’islamisme et l’éclatement de la France ». Même constat que votre texte, mais ils proposent un plan d'action.

Nous sommes en lien étroit avec les signataires de cette étude. Ils proposent des pistes d'action qui sont pertinentes, mais trop formalistes. De notre coté, nous sommes en train de rédiger dix mesures que nous allons joindre à notre lettre ouverte pour transmettre le tout à Emmanuel Macron. Cela dit, nous ne voulons pas nous substituer au politique en faisant des propositions trop détaillées, nous soulevons des points simples, de bon sens, comme la question des engagés binationaux, une aberration sur le principe.

Elle a été aussi suivie d'une seconde tribune signée par des militaires d'active. « Nos ainés ont raison », disent-ils. Un cinglant démenti au CEMA ?

En effet. Si le danger que nous dénonçons n'était pas perçu par nos camarades d'active, pourquoi croyez-vous qu'il y aurait une réaction aussi vive de l’État ? Alors que nous avons appelé respectueusement le politique à agir, en nous mettant à son service, c'est l’État qui se montre insultant et ordurier. C'est incroyable ! Ils ont peur de l’effet boule de neige, que nos propos soient discutés dans les popotes, sur le terrain, et ont voulu rapidement étouffer l’affaire.

Les signataires de la seconde tribune risquent leur carrière. Vous avez déclaré « Nous ne laisserons pas l’Armée se casser, parce que 2 000 militaires que l’on punirait, c'est toute l’armée qui serait cassée ». Que voulez-vous dire ?

La notion de « frères d'armes » est fondamentale dans notre métier. La vie de chacun au combat dépend de cette fraternité. Si on casse ce lien en brisant la carrière des 2 000 militaires signataires, cela aura un impact fort sur toute P'institution. Même les soldats qui ne seraient pas d'accord avec notre tribune seront du coté de leurs camarades. Entre un CEMA loin dans son bureau parisien et l’adjudant avec qui vous partez en mission, vers qui croyez-vous que va aller la solidarité ?

Le CEMA est au courant, c'est pourquoi il hésite. Je lui reproche de ne plus défendre ses cadres, de ne plus défendre l’Armée, et donc d’avoir failli à sa mission. Le général Lecointre aurait simplement pu affirmer son désaccord avec notre texte et proposer de parler du problème que nous soulevions l’affaire en serait restée là. Mais c'est un politique qui obéit au politique, lequel n'a pas la notion de permanence. Il obéit a Macron, qui a appelé déconstruire l’histoire de France.

Un syndicat de police a appelé l’État à intervenir massivement dans les banlieues, souhaitant s'inspirer des modèles brésiliens et philippins. Est-ce un signe de la militarisation des forces de police et de la policiarisation des missions des militaires ?

Quand la situation devient grave, que l’on arrive au face-à-face que dénonçait Gérard Collomb, on se retrouve dans des situations ou il faut faire feu. La police n'est pas faite pour cela, elle n'a le droit que de répliquer. La tentation de faire appel à l’armée qui est formée pour ça - est alors grande. Je vous rappelle que selon le sondage que vous évoquiez tout à l’heure, 49 % des Français veulent que l’armée puisse intervenir sans qu'elle en reçoive l’ordre. C'est bien entendu méconnaitre totalement son fonctionnement, mais cela traduit une angoisse profonde.

Tous les jours, des policiers, pompiers, médecins... sont agressés dans des opérations de guérilla urbaine, sans parler de la violence quotidienne que subit la population ou du terrorisme islamiste. N'est-on pas déjà en guerre civile ?

Si l’on observe l’évolution de la délinquance en France depuis 20 ans, qui explose, on ne peut que se dire qu’à ce rythme, la guerre civile est pour dans 10 ans, cinq ans, peut-être même avant, si l’État ne fait rien. Gérard Collomb parlait en 2018 d'un face à face d'ici six ans, soit 2024. Y est-on déjà ? Je ne sais pas, mais on en est très proche. C'est pourquoi je suis un sonneur de tocsin. On sonne le tocsin quand le danger est à nos portes.

Or, nos élites ne sont plus capables de gérer les situations de crise. Elles vont être naturellement remplacées. Pour reprendre Machiavel, l’élite des « renards », celle des politiciens de droite molle qui font une politique de gauche et inversement, dont Macron est le summum avec son « en même temps », va laisser place à celle « des lions », celle qui est capable d'agir face au danger

Qu'est-ce qui différencie la situation actuelle en France d'une guerre civile ?

La guerre civile. c'est une explosion et une fracture. Actuellement, nous avons des faits graves, mais pas encore explosifs. Ce que je qualifie d'explosif, c'est un événement qui nous donnerait les émeutes de 2005 puissance 10.

La fracture n’a pas encore eu lieu. Les Français pacifiques, qu'ils soient de souche ou de branche, n'ont pas réagi violemment face aux agressions qu'ils subissent. Avec mes camarades, nous cherchons a ce qu'ils prennent conscience de la situation. Nous allons de l’avant, car nous avons peu de temps devant nous.

Justement, ce qui empêche aussi de parler de guerre civile, c'est qu'un seul camp attaque, l’autre est passif. Pourtant, à Stalingrad, des habitants commencent à prendre en main leur sécurité en luttant contre dealers et toxicos...

Oui et ce sont en plus des bobos ! Vous avez raison, il y a quelque chose qui démarre. La majorité silencieuse est en train de se lever, les gens arrêtent de se dire qu'ils ne peuvent rien faire.

Il faut qu'ils prennent conscience de la force de leur nombre. Nous agissons dans ce sens, dans un cadre associatif, non politique. Je suis en contact avec des syndicats, des policiers, des pompiers, des associations, des Gilets jaunes, les vrais, ceux des débuts, avec qui j'étais sur les ronds-points. Il faut que les gens se regroupent et s'organisent ! Avec notre expérience militaire, nous sommes capables d’apporter ce qui manquait au mouvement des Gilets jaunes : on va structurer tout cela. C'est dans ce sens que j'ai déjà évoqué les Gilets kaki.

Nous sommes en train de réfléchir à ce que l’on fera, on pourra descendre dans la rue, légalement, bien sûr ! Vous imaginez une manif avec au premier rang d'anciens militaires, béret sur la tête et décorations à la poitrine ? Ce serait psychologiquement difficile pour les forces de l’ordre de nous matraquer !

Si la guerre civile venait à se déclencher, serions-nous en mesure de la mener ? Nos ennemis potentiels sont nombreux, dispersés sur le territoire. En face, les forces de l’ordre manquent de moyens. De plus, sur le site place d'armes, le capitaine Juving-Brunet dénonce l’infiltration des forces armées par les islamistes.

Bien sûr, je suis d'accord avec le capitaine Juving-Brunet et les défis stratégiques et tactiques seraient nombreux. Pourtant vous manquez un facteur essentiel : le peuple.

Si la situation dégénère, je pense que le peuple réagira et sera en masse derrière l’armée et les forces de l’ordre. Il y aura des manifestations importantes pour exprimer le ras-le-bol de la majorité silencieuse. Il ne faut pas oublier que l’on est encore nettement majoritaires. La puissance de la masse est un facteur essentiel. Si 80 % de la population se lève, les racailles et autres islamistes s'écraseront, un peu comme la grande manifestation gaulliste a sonné la fin de la récré de Mai 68.

Tout va se jouer dans l’année ou les deux ans à venir. Est-ce que cette force silencieuse, celle qui est la France éternelle, qui sent qu'elle est au bord du gouffre, va se réveiller ? Je l’espère et dans ce cas, je ne crois pas à une guerre civile de type « Guerre d'Espagne », car la disproportion des forces sera trop grande et en notre faveur.

Le terme de guerre civile n'est-il pas impropre ? Ne peut-on plutôt parler de guerre de civilisation, voire de guerre à la civilisation ?

Oui, c'est une guerre a la civilisation et à la France. À tous ceux qui veulent une « nouvelle France », je dis que ce n'est pas possible. La France s'inscrit dans la longue durée et elle ne va pas se laisser abattre. Et c'est une réaction, un réveil des peuples - qui est générale, qui se produit dans bien d'autres pays.

Photo : Face à la populophobie du pouvoir en place, les manifestations de Gilets jaunes furent un immense et très sérieux avertissement. Prochain réveil derrière les Gilets kakis

Monde&Vie 4 juin 2021 n° 999

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