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Autorité liquide

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Vincent Trémolet de Villers

Tolérance zéro ! Le citoyen qui, entre deux doses de vaccin, viendra, en plein mois d’août, s’asseoir à la terrasse d’un café de village sera hors la loi. Quelle peine pour ce délinquant et le complice qui aurait choisi de le servir ? Pendant une semaine, le Parlement s’est enflammé sur des amendes mirobolantes, la prison en cas de récidive : dormez tranquille, l’État s’occupe de tout.

Mais comment dormir tranquille quand il est de plus en plus d’endroits en France où l’État ne contrôle plus rien ? Assez des coups de menton pour les coups de fourchette : prenons la mesure de la violence ordinaire qui se déploie dans les centres des grandes métropoles comme dans les petites villes de campagne. L’enquête chiffrée que nous publions aujourd’hui en fait le saisissant panorama. Aucune région de France n’est épargnée. L’agressivité comme pratique sociale, la disparition du civisme, la progression galopante du sentiment d’impunité se vérifient désormais à l’œil nu. Une minorité survoltée s’affranchit de toutes les règles, une majorité silencieuse oscille entre peur, résignation et colère froide face à cette intimidation.

Que fait la police ? Ce qu’elle peut pour protéger les règles qui fondent la vie en société. Prise en tenaille entre la surveillance vigilante des ligues de vertu et l’arrogance victimaire des petits délinquants, elle s’efforce d’incarner, dans ce chaos de basse intensité, la force du droit, la loi commune. Elle n’y parviendra jamais seule. L’effacement de toute fermeté au profit d’une autorité liquide caractérise ce moment adolescent. Quand parents, professeurs, gendarmes, magistrats, élus tentent, malgré tout, d’en faire usage, c’est à contre-courant d’un laisser-aller généralisé. Le ressenti plutôt que l’effort, l’excuse plus que le mérite, l’instinct plus que la culture, l’émotion plus que la raison, la violence plutôt que l’ordre. En retour, l’État faible se fait tatillon, arbitraire. Il s’abîme, de lois inapplicables en réglementations sanitaires à faire pâlir de jalousie et Kafka et Gogol. Au sentiment prégnant d’insécurité s’ajoute inévitablement celui d’une profonde iniquité.

Source : Le Figaro 29/07/2021

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