Jean-Paul Belmondo est mort lundi à l’âge de 88 ans. Avec lui disparaît une certaine idée de la France, avec lui s’éteint un pan de l’histoire du cinéma…
Certains hommes paraissent immortels et Jean-Paul Belmondo était l’un d’entre eux. Né le 9 avril 1933 à Neuilly-sur-Seine, il se mit à rêver de théâtre et de cinéma à l’adolescence.
Hélas, son expérience au conservatoire de 1952 à 1956 n’est pas une totale réussite puisqu’il en sort sans le prix du jury.
Sa rencontre avec Jean-Luc Godard bouleversera sa vie. Le cinéaste lui offre le premier rôle dans un film qui, malgré un tournage parfois à la limite du professionnalisme, aboutira à un grand succès. Il s’agit bien sûr d’A bout de souffle (1960), symbole de la Nouvelle Vague et toujours pris en exemple dans les écoles de cinéma.
En 1962, Belmondo fait équipe avec le patriarche du cinéma français, Jean Gabin, pour Un singe en hiver. Jean Gabin dira de lui qu’il est « comme son fils », que ce garçon est à la fois « son passé » et « sa jeunesse ». Quand on lui dit qu’il est le nouveau Gabin, le jeune homme est flatté mais préfère « devenir lui-même ». Il y parvient parfaitement avec L’Homme de Rio et Cent mille dollars au soleil, qui sortent tous deux en 1964.
Aux yeux du public, Belmondo devient Bébel. Il séduit par sa gueule, sa jeunesse et son courage. L’acteur effectue en effet toutes ses cascades et repousse les limites à chaque film. Dans Peur sur la ville (1975), il voyage sur le toit d’un métro aérien de Paris lancé à 70 kilomètres heure. Dans L’Animal (1977), il passe d’une échelle d’un hélicoptère à l’aile d’un avion, en plein vol, bien entendu. Nul doute que, de nos jours, un tel exploit serait impossible, car interdit !
L’autre exploit de Jean-Paul Belmondo est d’avoir gagné le cœur des Français. Sa mort, survenue paisiblement selon son avocat, a ainsi touché les anciens, la génération de Bébel, mais aussi les plus jeunes. Certains ont d’ailleurs des histoires amusantes liées à l’acteur, comme Mathieu, 27 ans, marqué par La Chasse à l’homme (1964) pour une raison un peu particulière. « J’ai vu le film lors d’un premier rendez-vous. Belmondo m’a indirectement permis de conclure ! » Le charme de Bébel, qui l’a autant symbolisé que sa fougue, semble avoir fait des émules.
Aux yeux de Justin, 25 ans, Belmondo était « un acteur bien plus complet qu’il n’y paraît, capable de jouer des personnages poétiques et mélancoliques comme dans Un singe en hiver ». On ne le contredira pas !
A partir de 1987, la carrière de Jean-Paul Belmondo oscilla entre de longues périodes au théâtre et quelques tournages, notamment celui d’Itinéraire d’un enfant gâté (1988), qui lui vaudra son premier césar de meilleur comédien. Jusque-là, son travail était boudé, snobé par les élites bobos et méprisantes du cinéma français. On reprochait beaucoup à Bébel, mais surtout sa popularité.
Il avait toutefois fini par convaincre tout le monde, et, en apprenant sa mort, chacun le salua à sa façon, des personnalités du 7e art aux hommes de la Légion étrangère, en passant par les journalistes de L’Equipe – qu’il lisait assidûment entre deux bouquins de Céline –, sans oublier, évidemment, le peuple de France qui n’oubliera jamais son Bébel, son « as des as » magnifique et professionnel.
Louis Marceau
Article paru dans Présent daté du 7 septembre 2021