Ce 11 Septembre, on se souvient de la tragédie spectaculaire qui s’est déroulée à New-York, il y a vingt ans, faisant s’écrouler les deux tours jumelles qui étaient l’un des symboles de cette ville, présent dans des films qu’une bonne partie de l’humanité avaient vus. Deux avions de ligne, détournés par des terroristes islamistes les avaient percutées. 2753 personnes perdaient la vie souvent d’une manière atroce. Plus de deux-cents autres disparaissaient au Pentagone, quartier général de la Défense américaine, frappé lui-aussi par un avion, ou dans l’écrasement au sol du quatrième dont les passagers, de vrais héros, ceux-là, avaient eu le courage de s’opposer aux terroristes.
Au volant de ma voiture pour me rendre à une réunion, je recevais l’information à la radio, et abasourdi je l’annonçais aux autres participants qui crurent à une mauvaise plaisanterie, l’espace d’un instant. Ces moments restent gravés dans la mémoire. Ma sympathie pour les Etats-Unis et pour le nouveau président américain de l’époque me poussaient naturellement à souhaiter une réponse à la hauteur du crime.
En 2001, les Etats-Unis sont au sommet de leur puissance. Depuis dix ans, l’URSS s’est effondrée, disloquée, effacée du premier plan mondial. L’Amérique est maîtresse du monde. Certains y voient la fin de l’histoire et l’avènement de l’ère des démocraties sur l’ensemble de la planète. Brutalement touché de plein fouet au coeur même de sa puissance économique et militaire, le vainqueur de la guerre froide révèle ses fragilités et suscite la sympathie. Pour une fois une grande partie de l’humanité vibre au rythme de l’émotion américaine, salue un redressement immédiat et magistral en matière de sécurité, effectué avec courage et dignité. Les pompiers et les policiers de New-York aux côtés de leur excellent Maire, Rudy Giuliani, symbolisent cet héroïsme, anonyme et quotidien, qui s’appelle le civisme. Stallone peut aller se rhabiller. Lorsque l’heure westernienne de la vengeance sonne, lorsque la punition commence, ce n’est que justice : le géant frappe d’abord l’Afghanistan, chasse les Talibans qui avaient accueilli leurs “frères” islamistes d’Al-Qaïda mais ne capture pas le chef de cette organisation terroriste qui sera abattu bien plus tard au Pakistan. Une vaste coalition anti-terroriste se constitue. La traque est universelle, les méthodes employées transgressent allègrement le droit, les Etats qui participent à la curée ne sont pas toujours très recommandables, mais face à l’horreur et à la barbarie, tous les moyens sont bons…
Peu de commentateurs remarquent alors que le ver est dans le fruit. Qui sont donc les auteurs des attentats du 11/9 ? Ce sont les alliés islamistes des Américains dans leur lutte victorieuse contre les Soviétiques en Afghanistan, et saoudiens pour la plupart. L’argent du Golfe, le savoir-faire des services secrets pakistanais, les armes américaines avaient permis aux tribus guerrières renforcées par des militants islamistes venus de partout de vaincre l’une des armées les plus puissantes du monde. La démocratie modèle est, en effet, l’allié depuis1945 d’une monarchie absolue fondée sur une théocratie totalitaire, le royaume saoudien. Les discours moralisateurs de la première s’évanouissent face au pétrole de la seconde. Le plus grand ami de l’Amérique dans la région est le Pakistan pays défini par la discrimination systématique en faveur des musulmans. La nation phare de la liberté, accueillant les immigrés sans trop de souci des différences religieuses n’en a cure. Très rapidement, l’illusion va se dissiper : certes, Washington veut “construire” une démocratie afghane, chasse les Talibans du pouvoir et commet l’erreur de ne pas rétablir le vieux roi Zaher Shah, celui que les pro-soviétiques avaient détrôné et sous lequel la paix régnait. Mais sans s’impliquer à connaître le pays, menant une guerre de haut et de loin, avec des pertes limitées, 2500 hommes en 20 ans, les Américains vont saisir le prétexte du 11/9 pour tomber sur une proie beaucoup plus tentante, économiquement par son pétrole, politiquement et socialement avec une population que les “néo-cons” jugent adaptable à la démocratie. L’Irak, la dictature baasiste et militaire, de Saddam Hussein, proche de l’URSS dans le passé, assagie, mais surtout affaiblie par ses défaites et par les sanctions, amputée par le séparatisme kurde, minée par l’opposition des chiites majoritaires, est la cible. Après un succès initial, l’opération tourne au désastre. L’Amérique a réussi cet exploit de transformer une dictature laïque et domptée en un membre potentiel de l’axe chiite, un allié de l’Iran, le grand ennemi des Saoudiens et des Etats-Unis.
Aujourd’hui, la déconfiture semble encore plus totale en Afghanistan. Certes, le départ précipité des troupes américaines, les scènes de panique et les 13 soldats tués dans un attentat à l’entrée de l’aéroport de Kaboul ont fait s’écrouler le décor de la puissance américaine réduite, comme le dit le triste Biden, à mener à bien l’opération de retraite la plus difficile et la plus considérable de tous les temps. Mais derrière leur humiliation, grosse d’un surcroît d’ambitions chez les terroristes islamistes et plus généralement chez les ennemis de l’Occident, ce qui transparaît, c’est le vieux tropisme islamiste de la Maison Blanche. L’ennemi de l’oligarchie américaine, malgré les discours, n’a jamais été celui-là. Le Printemps arabe, soutenu par les Etats-Unis d’Obama, a tenté de déboulonner des dictatures laïques au profit des Frères Musulmans. L’ennemi principal est peut-être la Chine, mais celui qui est visé avec le plus d’animosité, c’est la Russie, et tout ce qui de près ou de loin lui ressemble. 20 ans après, alors que la guerre punitive menée en Afghanistan n’a servi a rien, sinon à renforcer le danger islamiste, on doit prendre conscience de la supercherie américaine : le terrorisme islamiste n’est pas leur ennemi prioritaire. C’est pourquoi la France a eu raison de ne pas intervenir en Irak et tort de soutenir Washington en Bosnie et au Kosovo, contre nos amis serbes, en Afghanistan où 90 soldats français sont morts pour rien, en Syrie, où Dieu merci, le régime a tenu bon grâce à la Russie sauvant des centaines de milliers de Chrétiens d’Orient du massacre et de l’exode.