Par Jacques Chevalier
Le plan climat ou « green deal » de la Commission européenne fait grincer des dents, mais pas seulement les constructeurs poussés à une mutation vers l'électrique à marche forcée. Cette fois, c'est tout un pays qui se dresse contre la fin annoncée du moteur thermique en 2035, la trouvant sans objet. La Commission européenne entend en effet, dès cette date et au travers du plan « Fit for 55 » (Prêts pour 55) présenté le 14 juillet dernier, interdire la vente de voitures à carburants fossiles. Pour cela, elle impose une réduction de 55 % des gaz à effet de serre en 2030 comparé à 1990 (contre 37,5 % initialement prévus) et de... 100 % en 2035. Ce qui interdit, de fait, la vente de voitures thermiques.
Le but avoué est d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Bruxelles, tel un Don Quichotte vert, veut enfourcher avant tout le monde ce mauvais cheval qu'elle veut euthanasier. Mais qui dit que les autres continents vont suivre son exemple et s'imposer de la même manière une telle contrainte technologique et un défi économique ? L'Europe n'en a cure et fonce seule en menaçant les constructeurs récalcitrants d'amendes aussi disproportionnées que dissuasives. On écrase ainsi une mouche avec un marteau alors qu'ailleurs, derrière une façade propre comme veut l'afficher la Chine, on produit de l'électricité sale à partir de charbon.
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La messe est-elle dite pour autant ? Pas vraiment, car beaucoup d'Européens ne comprennent pas cette frénésie pro-électrique alors que cette solution de mobilité n'a pas fait la démonstration de son efficience et n'est en aucun cas accessible à toutes les bourses. Jusqu'à présent, ces critères ne semblaient pas effleurer les États membres de l'UE mais l'un d'entre eux, la petite Tchéquie, vient de se réveiller en affirmant, par la bouche de son Premier ministre, qu'il ne voyait pas du tout les choses de cette façon.
Présidence tournante de la Tchéquie
Andrej Babis, c'est lui, Premier ministre à tendance libérale de la République Tchèque et entrant bientôt en campagne électorale pour les élections législatives de l'an prochain, ne mâche pas ses mots. Dans une interview au journal iDnes, il a affirmé qu'il n'était « pas d'accord avec l'interdiction de vendre des voitures à carburants fossiles ». Et de préciser sa pensée avec une franchise rare : « Nous ne pouvons pas imposer ici ce que les fanatiques verts ont décidé au Parlement européen. » Cela promet de beaux débats, car la Tchéquie succédera à la France à la présidence tournante de l'Union européenne le 1er juillet 2022.
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Homme d'affaires recyclé en politique, Andrej Babis sait ce qu'entraîne une décision aussi radicale alors même qu'il héberge sur son territoire Skoda, le constructeur national, mais également les usines de Toyota et Hyundai. Cette fronde est beaucoup plus constituée que celle de Renault qui souhaite juste une échéance du plan reportée à 2040 ou celle de l'Italie qui négocie un statut spécial pour ses marques d'exception comme Ferrari, Lamborghini ou Maserati. Celles-ci instillent déjà de l'hybridation sur leurs derniers modèles mais perdraient toute leur aura en abandonnant V8 et V12 thermiques. Un raisonnement valable pour les autres constructeurs de véhicules d'exception dont l'impact sur la planète est négligeable compte tenu de leur nombre et de leur faible kilométrage annuel.
Dans ces conditions, la dissonance tchèque annonce une présidence de l'UE houleuse qui pourrait même rallier à sa cause quelques pays constructeurs d'automobiles. L'idée pour les Tchèques n'est pas d'entraver le développement de la voiture électrique, mais de ne pas condamner, au nom de cela, la propulsion thermique qui n'est en rien obsolète. Le bon sens commande au contraire de faire coexister les deux motorisations et de laisser la transition se faire naturellement, sans étrangler les automobilistes qui n'ont pas vocation à satisfaire les lubies vertes. Car, à la fin de l'histoire, c'est bien eux qui règlent la facture.