« Il y a plusieurs chapelles dans la maison du roi » : derrière la formule bien connue des royalistes, il y a une réalité politique qui n’est d’ailleurs pas réductible aux seuls cercles et mouvements royalistes, et qui montre la pluralité du royalisme français, au point de parler parfois « des » royalismes français : quoi de commun, en effet, entre des légitimistes attachés au drapeau blanc et qui dénoncent à longueur de colloques « le nationalisme », et des militants maurrassiens qui se définissent d’abord comme nationalistes ; entre des royalistes sociaux prônant une justice sociale dont la formule même a été « inventée » par le roi Louis XVI et ceux des monarchistes qui ne jurent que par la liberté économique défendue par son ministre Turgot ; entre des partisans de la décroissance inspirés par Bernanos et Tolkien, et des « e-royalistes » qui espèrent que la Monarchie sera technophile et moderniste, voire scientiste ? Une enquête jadis menée par le groupe Sylm et dont les résultats furent publiés en 2009 avait déjà montré la très grand diversité politique des royalistes et de leurs choix sociaux et idéologiques, au risque (heureux, d’ailleurs) d’en finir avec les préjugés et les raccourcis trop faciles pour être crédibles…
Cette pluralité est sans doute heureuse, et je la défends en tant que telle : je ne suis pas favorable, en effet, à un royalisme « un et indivisible » qui risquerait de fossiliser toute doctrine et toute réflexion royalistes, quand l’une et l’autre doivent, à mon sens, se nourrir l’une l’autre pour espérer croître et prospérer au-delà des petits cercles fleurdelysés. Qu’il y ait des mouvements royalistes avec une ligne claire et ferme est tout autant nécessaire, ne serait-ce que pour donner une visibilité au royalisme lui-même et pouvoir, autant que faire se peut, s’introduire ou s’inscrire dans les débats de la politique française, y compris électoraux : la Nouvelle Action Royaliste et l’Action Française, aussi différentes soient-elles, incarnent chacune un positionnement royaliste qui peut agir sur le champ politique, de manière fort différente et, parfois, antagonistes. Mais il y a, en France, de la place pour plusieurs mouvements royalistes qui, chacun, s’adressent à des sensibilités et à des publics différents. A leur manière, tous œuvrent à la « (re)fondation royale » dans notre pays. Si vouloir les unir dans une seule entité est illusoire et, sans doute, inapproprié, les soutenir au gré des événements et selon les circonstances paraît possible et utile, comme le Groupe d’Action Royaliste a tenté de le démontrer en une décennie militante en s’engageant dans les campagnes électorales de l’Alliance Royale ou en valorisant les héritages des Camelots du Roi et de l’Action Française, tout en ouvrant de nouveaux « fronts » et de nouveaux chantiers idéologiques pour le royalisme contemporain dans les domaines de l’écologie et de la question sociale.
C’est ce travail de réflexion et de prospective que, à ma modeste mesure et selon mon temps et mes moyens (parfois fort limités, surtout pour le premier), j’entends poursuivre dans les semaines et les mois qui viennent, profitant de la campagne électorale présidentielle pour faire entendre une petite voix éminemment royaliste : il ne s’agit pas d’imposer, mais de proposer. J’ai engagé ces jours derniers une réflexion et une discussion sur la décroissance, thème (et terme) qui ne fait pas peur au royaliste que je me flatte d’être depuis quelques décennies déjà, en reprenant le fil largement tressé dans les années 1970-80 par Jean-Charles Masson sur « l’écologisme intégral » dans les colonnes de la revue de l’Union Royaliste Provençale Je suis français. Mais il est aussi d’autres domaines que je souhaite aborder à nouveau ces temps prochains, en particulier sur la question sociale, sur l’histoire de la Révolution française, mais aussi sur le globalitarisme contemporain et, sur le plan des propositions institutionnelles, sur la « Monarchie active », formule qu’il me faudra, évidemment, préciser et valoriser. Sans oublier la question de la définition de la « nation française » dans une optique plus « fédérative et fédéraliste » que celle aujourd’hui pratiquée par la République…
Je n’ai pas vocation à être un doctrinaire, et mes petites notes politiques n’ont comme objectif que de susciter quelques discussions et, pourquoi pas, quelques engagements militants royalistes pour aujourd’hui et pour les générations qui montent et celles qui viennent. Si elles peuvent aider à « fonder » un nouveau projet royal français, tant mieux. Mais elles restent évidemment une initiative personnelle et n’engagent que moi-même : je ne puis affirmer que la Famille qui incarne l’histoire royale et sa promesse du lendemain soit lectrice et approbatrice de ces notes royalistes, ce qui n’enlève rien à ma fidélité à celle-ci. La Monarchie royale n’est pas une « grande chose morte » mais bien plutôt une « histoire en dormition », qu’il s’agit de préparer au réveil et au règne…