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Découverte inattendue d’un plafond à caissons gallo-romain d’exception à Chartres.

Intérieur du Panthéon de Rome au XVIII ème siècle, avec son décor d’origine, par Giovani Paolo Panini. 

La découverte n’est pas seulement rare. Elle est presque unique en son genre en Europe où, à une seule exception près (sur le site d’Herculanum – Campanie -), jamais encore n’avaient été exhumés les restes d’un de ces plafonds à caissons en bois, si souvent décrits ou représentés dans les ouvrages ou sur les fresques de l’Antiquité. Et quel plafond ! Une véritable œuvre d’art magnifiquement décorée, conçue pour couvrir, partiellement ou totalement, un prestigieux édifice à bassin attaché à l’un des plus grands complexes religieux de la Gaule romaine.

Chacun connaît certes les caissons du magnifique Panthéon de Rome qui fut construit sous Agrippa, au premier siècle avant Jésus-Christ, en béton de ciment :

« solivage », « poutres de caissons », « assemblage », « éléments de décoration en frise de rais-de-cœur et fers de lance ». Emmanuel Bouilly ne se lasse pas de détailler, en termes techniques de charpenterie et de menuiserie, la fonction des multiples pièces de bois, noircies et gorgées d’eau, qu’il est parvenu à identifier. Sans ses efforts de pédagogie et son enthousiasme communicatif, nul doute que nous aurions perdu le fil… Cela aurait été dommage, tant la découverte à laquelle a participé cet archéologue sur l’ancienne cité d’Autricum – l’actuelle ville de Chartres – mérite attention.

La mise au jour de cet ensemble d’un millier de poutres, poutrelles et planches, miraculeusement conservées durant presque deux millénaires, est une belle récompense pour la direction de l’archéologie de Chartres Métropole qui, depuis 2011, se consacre à l’étude du site de Saint-Martin-au-Val. Repéré, entre 1995 et 2006, dans le quartier Saint-Brice, dans le sud de l’agglomération, ce dernier a livré les vestiges de ce qui aurait été le sanctuaire de l’ancienne cité-territoire du peuple gaulois des Carnutes.

Site du sanctuaire de Saint-Martin-au-Val après sa construction

Construit entre les années 70 et 130 après J.-C., avant de devenir, au début du IIIe siècle, un lieu de récupération de matériaux et un dépôt de sépultures au moment des épidémies, il est constitué d’un ensemble de constructions réparties sur plus de 11 hectares où les pèlerins désireux d’honorer ou de remercier les dieux, ou souhaitant accomplir un vœu, venaient procéder à des sacrifices et déposer des offrandes. « Il comprenait un temple doté d’une cour intérieure entourée sur les quatre côtés d’un portique de 300 mètres de long et de 190 mètres de large, qui dissimulait une galerie couverte consacrée aux processions », raconte, en faisant visiter le bâtiment, Bruno Bazin, le responsable de l’opération archéologique. Des soubassements, des fondations, des restes d’égouts et des ouvrages de maçonnerie ont été dégagés sur la partie nord-est, laissant apparaître le tracé de ces anciens espaces de déambulation qui s’ouvraient sur de petites chapelles et un pavillon d’angle.

A cela s’ajoutaient d’autres éléments. Et notamment, à 75 mètres de là, un temple consacré à Diane et à Apollon. C’est là, juste en façade de ce lieu de culte, non loin du cours actuel de l’Eure, que les archéologues ont trouvé le plafond. En 2017, ils concentrent leurs efforts sur un luxueux édifice. Sol en calcaire blanc, base de mur en marbre coloré, élévations ornées de fresques et de colonnes richement décorées, il abrite aussi un bassin quadrangulaire de 30 mètres carrés à l’intérieur duquel ils découvrent un énorme amoncellement de pièces de bois. Partiellement calcinés, ces éléments de charpente et de menuiserie, auxquels s’ajoutent d’autres repérés en dehors du réceptacle, proviennent d’un plafond qui s’est effondré à la suite d’un incendie, et dont les débris sont tombés dans le plan d’eau. Par la suite, les crues successives de l’Eure et une remontée de la nappe phréatique sont venues ensevelir ces vestiges qui, maintenus à travers les siècles en milieu humide et à l’abri de l’air et de la lumière, ont été préservés.

Le bassin et les éléments de bois retrouvés

L’équipe réalise tout de suite l’importance de sa trouvaille. « Car si l’exhumation de bois antique est rare, celle d’un plafond à caissons, sculpté et peint, l’est plus encoreraconte Mathias Dupuis, le directeur de l’archéologie de l’agglomération Chartres Métropole. A vrai dire, on ne connaît qu’un seul autre exemple. Celui, en 2010, de la “maison au relief de Télèphe” sur le site d’Herculanum, près de Naples. »

Comment récupérer et conserver un matériel à ce point fragilisé ? Il faudra plusieurs mois pour établir un protocole et trouver les fonds nécessaires à une reprise des fouilles, lesquelles s’achèvent actuellement, au terme de leur troisième année. Désormais presque entièrement dégagé, le bassin y dévoile enfin sa magnificence. En marbre blanc, il contient en son centre une cuve étoilée, de 25 centimètres de profondeur, d’où devait à l’origine jaillir une source avant que, le niveau augmentant, toute la zone soit noyée sous 2,5 mètres d’eau, obligeant les archéologues à actionner en permanence des pompes.

La cuve étoilée au centre du bassin

Placées sous des arrosoirs, quelques poutrelles attendent encore d’être dégagées. « Une fois photographiées et cartographiées, elles seront déposées sur des plaques de polypropylène, emmaillotées dans du papier cellophane puis conservées dans une chambre froide ou en piscine », explique l’archéologue Sonia Papaïan, qui montre, au pied d’une margelle, l’emplacement d’un déversoir. Cela ne sera pas le cas des plus belles pièces, qui partiront pour Grenoble où elles seront restaurées au sein du laboratoire Arc-Nucléart, spécialisé dans le traitement du bois…

Caisson hexagonal et poutrelle de bois sculptée

Ce qui en vaut, assurément, la peine. En effet, constitué d’un ensemble de caissons en forme de losange séparés par d’autres hexagonaux de 1,6 mètre de large, ce plafond antique promet de donner du travail aux chercheurs pour des années. « Ses décors finement ciselés de feuilles d’acanthe, d’oves, de fers de lance, de rais-de-cœur et de perles et pirouettes, son assemblage ou même la manière dont il était fixé à la charpente, par des baguettes, ont fait appel à des techniques aujourd’hui disparues qu’il faudra redécouvrir », s’enthousiasme Emmanuel Bouilly, chargé de sa reconstitution. Même la provenance du matériau employé pour sa construction fera l’objet d’investigations. « On y trouve, outre du chêne et du tilleul, du sapin, un bois réputé importé à la période romaine », explique l’anthraco-entomologiste de l’université du Mans Magali Toriti, qui espère pouvoir interroger la véracité de cette théorie à partir des échantillons récoltés.

Beaucoup de pain sur la planche mais que du bon pain.

https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/10/14/decouverte-inattendue-dun-plafond-a-caissons-gallo-romain-dexception-a-chartres/

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