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Face à la pénurie d’énergie, une seule solution : le nucléaire

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Patrice Cahart*

Europe vit une pénurie d’énergie. Les causes en sont multiples et, pour partie, extérieures. L’économie mondiale est brusquement repartie. La Chine méridionale a été privée d’hydroélectricité durant une période de sécheresse. Dans l’ensemble de la Chine, la production de charbon a reculé du fait d’un règlement de sécurité destiné à éviter les trop nombreux accidents. L’hiver européen de 2020- 2021, assez long, a fait baisser les stocks de gaz, que les industriels cherchent à reconstituer malgré des manipulations russes. En Grande-Bretagne et en Allemagne, une carence de vent, au premier semestre de cette année, a fait tomber la production éolienne. Quelle imprudence d’avoir misé massivement sur cette ressource aléatoire! Et pourtant, la France veut imiter cette erreur.

Chaque fois, la déficience d’une source d’énergie a provoqué un report de demande sur les autres. La spéculation s’en est mêlée. Sur le marché français au comptant, le mégawattheure d’électricité (soit mille kWh) a atteint 260 euros et oscille encore aux environs de 85 euros - à comparer aux 50 euros moyens de 2019, dernière année avant la pandémie. Par ses interconnexions avec ses voisins, dont il était si fier, notre pays est en proie aux mêmes difficultés qu’eux, alors que l’importance de son parc nucléaire devait lui assurer une meilleure situation

Parmi les facteurs de hausse de prix de l’électricité, certains cesseront de jouer, mais d’autres perdureront ou se répéteront. À terme, le développement du numérique, celui des véhicules électriques, la préférence donnée au chauffage électrique pour les logements neufs, la substitution de l’électricité au gaz ou au charbon comme combustible pour diverses productions industrielles vont continuer de tirer la demande vers le haut. RTE Réseau de transport d’électricité s’attend à une hausse de 40 % à 50 % de la consommation française d’ici à 2050. Certains experts estiment ces pourcentages trop faibles... Comment faire face?

Tout d’abord, il devrait être possible, au niveau européen, d’infléchir la tendance par des mesures de sagesse : interdiction des SUV, électriques ou thermiques, car la planète ne peut plus se permettre ce luxe; prohibition des bitcoins, cette dangereuse monnaie non régulée, gourmande en électricité. Au niveau national, il conviendrait de favoriser la récupération de chaleur, laquelle a sur l’électricité l’avantage de pouvoir se conserver durant plusieurs jours (pompes à chaleur, capteurs thermiques préférables aux capteurs photovoltaïques, récupération de la chaleur des centres de données et de celle des égouts).

Parmi les sources d’électricité, seules devraient être encouragées celles qui ne sont pas intermittentes, et ne nécessitent donc pas un complément gazier polluant. Quelques possibilités existent encore  du côté de l’hydroélectricité. La méthanisation des déchets agricoles bénéficie d’un engouement politique, mais doit être considérée avec prudence, en raison de son coût élevé et du risque que des quantités de maïs ou d’autres vivres n’y soient englouties.

La principale réponse au défi de la consommation électrique ne peut donc être trouvée que du côté du nucléaire, seule source capable de fournir des quantités de courant à la fois massives et régulières. Le stockage en profondeur offre une solution raisonnable au problème des déchets. Le président de la République nous laisse espérer, outre Flamanville 3, six nouveaux réacteurs de grande taille, plus des petits réacteurs modulaires.  Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, tient néanmoins le raisonnement suivant : même si ce programme encore incertain est lancé dès maintenant, les nouveaux réacteurs n’entreront pas en service avant une quinzaine d’années (ou plutôt une dizaine) ; d’ici là, il faut donc poursuivre à marche forcée, et malgré les protestations des habitants, les implantations d’éoliennes et de capteurs photovoltaïques.  Ce raisonnement est pernicieux.

Une éolienne terrestre ne fonctionne, en moyenne, dans notre pays, qu’à 24 % de sa puissance. Un capteur photovoltaïque, moitié moins. Où trouver le complément d’électricité nécessaire ? Nos voisins, qui veulent supprimer à la fois leurs réacteurs et leurs centrales à charbon, seront tous en difficulté. Peut- on alors admettre, comme certains le proposent, que le nucléaire devienne l’accessoire  des renouvelables, et que les réacteurs, équipements lourds, soient éteints et rallumés en fonction inverse du vent et du soleil ? Le besoin grandissant d’électricité rend cette idée absurde. Les réacteurs, anciens ou nouveaux, devront fonctionner de façon continue – sous réserve des pauses pour entretien et des visites de sécurité.

Pour compenser l’intermittence des renouvelables, il ne reste plus que le gaz, affecté de trois défauts : il est devenu coûteux pour une durée difficile  à prévoir, il est de plus en plus russe, ce qui nous mettrait dans la dépendance de Moscou, et il est polluant. Par conséquent, au lieu de bénéficier au climat, la prolifération des éoliennes et des capteurs photovoltaïques lui nuirait.  Si des raisons politiques la rendaient néanmoins inévitable, il faudrait la limiter de façon stricte : le photovoltaïque ne pourrait s’installer que sur les friches industrielles  (150 000 hectares) ; l’éolien terrestre ne pourrait se développer qu’en remplacement des engins anciens par d’autres plus puissants mais pas plus hauts, au même endroit.

S’ajoutant aux différentes solutions évoquées, les nouveaux réacteurs devraient normalement couvrir les besoins de la quinzaine d’années qui viennent. Mais à une condition : qu’ils s’ajoutent aux réacteurs en place, au lieu de s’y substituer. Barbara Pompili évoque l’arrivée de ceux-ci en fin de vie, et déjà les experts commencent  à discuter des modalités de leur démantèlement. Or, aux États-Unis, six réacteurs ont été autorisés à fonctionner jusqu’à leur quatre- vingtième anniversaire : deux en Floride, deux en Virginie, deux en Pennsylvanie. Leur technique est similaire à la nôtre. L’âge moyen de notre parc est inférieur à 40 ans. Cela lui laisse donc, logiquement, une espérance de vie d’une quarantaine d’années.

Les deux réacteurs de Fessenheim ont été arrêtés à l’âge de 43 ans, alors qu’ils fonctionnaient parfaitement. D’après l’exemple américain, trente- sept années supplémentaires étaient possibles. Sur cette durée, et en retenant un prix de vente modéré de 50 euros le mégawattheure, EDF aura perdu, du fait de la fermeture du site, la bagatelle de 22 milliards d’euros de recettes. Le début des opérations matérielles de démantèlement n’est prévu que pour 2025. Vite, rouvrons Fessenheim !

Les réacteurs à neutrons rapides, qui créent plus de combustible qu’ils n’en consomment, ont de bonnes chances de parvenir à un stade commercial nettement avant 2050. La France s’est mise hors jeu deux fois, en abandonnant Superphénix (1997) puis le projet Astrid (2019). Elle sera trop heureuse, le moment venu, d’acheter cette technique aux États-Unis, à la Russie ou à la Chine. Puis viendra sans doute la fusion nucléaire, qui résoudra presque tous les problèmes d’énergie.

(*) Ancien élève de l’ENA. Ancien directeur de la législation fiscale à la Direction générale des finances publiques du ministère des Finances. Vient de publier « La Peste éolienne » (Éditions Hugo, 2021)

Source : Le Figaro 25/10/2021

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