Vincent Trémolet de Villers
Sont-ils les encombrants de la République ? Certains rêvent, en secret, de les jeter dans la déchetterie de ce que Hilary Clinton appelait le « panier de déplorables ». Avec leur diesel, leur clope, leur barbecue, leur apéro, leur rêve de maison individuelle, leur dimanche de chasse, leur zone commerciale, leur Michel Sardou, leur racisme inconscient, leur misogynie atavique, ils sont les enfants méprisés de Dupont Lajoie et des Deschiens, bizarreries anachroniques quand les centres urbains se font fluides, inclusifs, résilients, équitables, diversitaires, portés par les mobilités douces et les plaisirs végétalisés.
Hier gueules noires et ban- lieues rouges, aujourd’hui « gilets jaunes » et petits Blancs, ils composent une force électorale puissante et abandonnée depuis des années, par la gauche et la droite, à la famille Le Pen : les catégories populaires. Aujourd’hui, Éric Zemmour dispute, avec un certain succès, cet électorat au Rassemblement natio- nal, Emmanuel Macron, à force de milliards, parvient, çà et là, à surmonter la défiance, mais le plus fascinant est que le reste du personnel politique prendra plus soin de la plus minuscule minorité que de ce « bloc populaire » (Jérôme Sainte Marie). Un bloc fragmenté, certes, archipellisé, assurément, mais qui, du relâchement des gestes barrières aux nouveaux impératifs écologiques, en passant par l’incapacité à s’adapter aux charmes du QR Code, de l’économie ubérisée et du multiculturalisme, est systématiquement dénoncé comme indécrottablement « conservateur », « rabougri », « moisi », disait autrefois le progressisme raffiné.
La raison de cette indifférence ? Le cynisme qui consiste à s’effrayer publiquement de la montée de l’« extrême droite » en espérant, de toutes ses forces, l’affronter au second tour. Un poison qui a transformé la droite de gouvernement en parti de notables. LR ? Le Rotary, la charité en moins...
Petit rappel d’histoire immédiate aux cinq prétendants des Républicains qui débattront lundi soir : en 2007, Nicolas Sarkozy, après une campagne bonapartiste, avait réuni au premier tour plus de 30 % des Français ; depuis, la droite a perdu le peuple et ne gagne plus une élection présidentielle.
Source : Le Figaro 8/11/2021