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Croire que l’obligation vaccinale va nous sortir de la crise est un leurre

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Yves Coppietters *

Avant d’instaurer une obligation vaccinale, il convient de se poser plusieurs questions éthiques et pratiques. La proportionnalité de la mesure, son bien-fondé, la transparence des décisions et l’équilibre entre deux grands principes : l’autonomie individuelle versus la protection collective... Une obligation vaccinale serait- elle proportionnelle à la situation ? Elle le serait si elle garantissait une efficacité en termes de meilleur contrôle de la pandémie ou de sortie de crise. Or, je ne suis pas sûr de ce bien-fondé.

Car quel serait l’objectif, le bénéfice, d’une vaccination obligatoire ? Protéger les non-vaccinés des formes graves pour désengorger les soins intensifs ? L’argument n’est qu’à moitié convaincant, les personnes les plus à risque de forme grave étant déjà largement vaccinées. Est-ce alors d’empêcher de retomber malade ? L’obligation ne changerait rien, le vaccin n’empêchant pas la récidive. Enin, troisième objectif, donner un coup de frein à la circulation du virus ? Là, à nouveau, on voit que même avec une population largement vaccinée, cette circulation ne diminue pas, si l’on se fie au taux d’incidence actuel. En fait, le vaccin sert essentiellement à protéger des formes graves. Il n’est pleinement efficace que sur cette composante-là. Croire que l’obligation vaccinale va nous sortir de la crise serait donc un leurre. Ou du moins ne serait pas honnête scientiiquement.

Dès lors, le vaccin obligatoire deviendrait un choix plus politique que scientiique. Mais en santé publique, il faut un minimum d’adhésion de la population. Et ce que je crains, non en tant que scientifique, mais en tant que citoyen, c’est qu’une telle décision n’accentue les clivages. Instaurer une obligation va rajouter une couche de mécontentement, de frustration, chez une partie de la population déjà méfiante. Ce qu’il faudrait plutôt, c’est essayer d’aller chercher une partie – les plus extrêmes étant impossibles à convaincre – des 6 millions de Français pas encore vaccinés. Sinon, la frustration créée par l’obligation risque d’amener à une sorte de radicalisation et d’entraîner un relâchement de tout (les gestes barrières, le port du masque...). Et là ce serait une catastrophe, car le vaccin n’est qu’un des garde-fous de l’épidémie.

Et pratiquement, comment appliquer une obligation à l’ensemble d’une population ? Comment irait- on chercher les récalcitrants ? Comment les sanctionner ? S’il fallait vraiment une vaccination obligatoire, pourquoi ne pas imaginer qu’elle ne concerne que les personnes fragiles, les + de 65 ans n’ayant pas encore reçu d’injection, par exemple, ou celles avec comorbidité ? Mais si une vaccination « sectorielle » est plus facile à maîtriser, elle crée, néanmoins, de la discrimination.

Recueilli par Alice Le Dréau

(*) Médecin épidémiologiste, professeur de santé publique

Source : La Croix 6/12/2021

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