Laurence de Charette
Sans doute Candide exprimerai-il sa surprise : quelle drôle de contrée ouvre à tout vent ses hôpitaux quand elle craint perpétuellement de manquer de lits et de bras pour soigner ses malades ?
L’an dernier, comme chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’étrangers venus des quatre coins du monde ont frappé à la porte du système de santé français, poussés par une bonne raison: il est l’un des plus généreux au monde. Le dernier rapport sur la procédure d’admission au séjour pour soins - un dispositif distinct de l’AME (aide médicale de l’État pour les clandestins) et unique en son genre puisqu’il suffit à un ressortissant étranger d’invoquer l’impossibilité d’être soigné dans son pays pour demander à être pris en charge gratuitement en France - souligne crûment la tension croissante entre l’immense besoin de santé des populations à travers le monde et l’affaiblissement des capacités hexagonales.
Il met en lumière deux dérives dont est victime la générosité française : le dévoiement des motifs de santé dans les dossiers d’immigration et le développement d’une forme de « tourisme médical » - pour effectuer une PMA par exemple.
Evidemment, ces chiffres font partie de ces réalités dont le simple énoncé suscite toutes sortes de remontrances voire d’anathèmes ; comme si l’opprobre jeté sur le messager avait le pouvoir de changer les faits invoqués. Ils provoqueront à n’en pas douter de nouveaux sermons sur le thème de l’« humanisme ». Mais les bonnes consciences évoqueront-elles les manques chroniques e l’hôpital ? Parleront-elles de la pression qu’exerce, aussi, sur les dépenses de santé dans un pays où la dette n’en finit pas de croître et de ces déserts médicaux qui s’étendent à travers le territoire ? La pandémie a, en même temps, révélé la fragilité de notre système de soins et le fait que la santé est devenue la valeur suprême de nos sociétés modernes. Dans un tel contexte, ce rap- port rappelle - si besoin était - que la question de l’immigration doit être traitée sans faux- semblant, avant que la brutalité ne s’empare du débat et ne le prive de toute intelligence. Car, pourrait aussi dire Candide, c’est « rage de soutenir que tout est bien quand on est mal »...
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Source : Le Figaro 13/12/2021