- Judith, la veuve vertueuse et belle qui tue Holopherne, général de Nabuchodonosor,
- Sara, femme d’Abraham, mère d’Isaac, mère du peuple d’Israël ;
- Rébecca, épouse d’Isaac, mère de Jacob
- Lia ou Léa, première épouse de Jacob
- Rachel, sa sœur, seconde épouse.
Si l’accent est mis surtout sur la fécondité dynastique — qui n’était pas un problème pour Blanche, qui a porté douze enfants — notons la référence à une veuve héroïque.
- Devant l’autel, benediction ante altare :
« Dieu, qui, seul, avez l’immortalité et qui habitez la lumière inaccessible, dont la providence ne faillit pas en ses desseins, qui faites les choses futures et appelez ce qui n’est pas comme ce qui est, qui rejetez les orgueilleux de la principauté par votre gouvernement équitable et élevez aux plus grands honneurs le humbles, nous supplions à genoux votre ineffable miséricorde : de même que la reine d’Israël Esther procura le salut en rompant les liens de la captivité et fit passer le salut des siens par la chambre du roi assyrien, ainsi, accordez à votre servante Blanche que voici, par notre humble bénédiction, de passer par votre miséricorde, en vue du salut du peuple chrétien, à la digne et noble union avec notre roi ; que demeurant sur le trône de son royal époux, elle mérite par sa pureté de recevoir la palme proche de la virginité ; qu’elle désire en tout et par-dessus tout vous plaire à vous, Dieu vivant et vrai, et que par votre inspiration, elle accomplisse de tout son cœur ce qui vous est agréable… »
Il manquait en effet une héroïne à l’appel, la pupille de Mardochée qui sauva les juifs en épousant Assuréus/Xerxès.
- Après l’ontion, in sacri olei unctione :
« Que la grâce du Saint-Esprit, par notre humble ministère, descende abondamment sur vous ; de même que par nos mains indignes vous êtes ointe d’une huile matérielle, qu’ainsi vous méritiez d’être imprégnée à l’intérieur de son onction spirituelle et que, pénétrée totalement et toujours de cette onction, vous ayez le discernement et la force de repousser le mal de tout votre cœur et de toute votre âme, de choisir les biens éternels et œuvrer pour eux. »
C’est bien le sens de l’onction, la grâce de l’Esprit qui change le cœur en imprégnant symboliquement le corps. Plus symboliquement que pour le roi, qui en reçoit neuf, puisque la reine n’a droit que deux onctions, sur la tête et sur la poitrine.
- Enfin la dernière oraison contenue dans ce manuscrit est récitée au moment du couronnement, ad coronae impositum :
« Recevez la couronne de l’excellence royale imposée sur votre tête par les mains indignes des évêques. De même que vous avez obtenu de vriller extérieurement par l’or et les pierres précieuses, cherchez à être intérieurement décorée de l’or et de la sagesse et des pierres précieuses des vertus jusqu’après la mort de ce monde, afin qu’avec les vierges prudentes vous méritiez d’entrer avec dignité et louange dans le royaume céleste auprès de l’époux éternel, notre Seigneur Jésus Christ. »
L’ordo de 1200 ne signale pas l’anneau ni les deux sceptres attestés dans l’ordo de saint Louis, mais seulement la couronne, que l’on sait avoir été de même modèle que celle du roi, mais en un peu plus petit.
Au sacre proprement dit succède la messe au cours de laquelle le roi et la reine participent de la même façon au rite de l’offrande et de la communion sous les deux espèces, à laquelle il ne faut pas accorder une importance exagérée puisque c’était l’usage pour tous les fidèles au moins jusqu’au XIIe siècle.
Les rites observés sont riches de sens et rendent compte tant de l’identité du roi et de la reine que de leurs différences. Si la reine est bien la première dame du royaume, la seule femme sacrée, tout comme son époux, elle n’est pas investie du pouvoir et reste soumise à l’autorité du roi. Son rôle est surtout d’être une mère et une femme exemplaire, promise au seul royaume qui vaille et qui n’est pas de ce monde.
La chroniqueur anglais Mathieu Paris a dit de Louis VIII qu’il était sous la coupe de sa femme, suivi par certains représentants de la noblesse, déçus d le voir garder l’équipe gouvernementale de son père, derrière l’évêque de Senlis Guérin, promu chancelier en titre[9]. Il était plus facile de critiquer la reine que le roi. Blanche a sans doute suivi de près la marche du règne, mais rien ne prouve qu’elle soit intervenue directement dans les cercles de pouvoir.
Jusqu’à ce que le destin en décidât autrement avec le décès prématuré du roi le 3 novembre 1226, suite à une dysenterie contractée au siège d’Avignon.
En ce début du XIIIe siècle, pouvait-on dire qu’il y avait une règle bien établie de la dévolution de la couronne de France ? Ce fut surtout au temps de Philippe le Bel et de ses successeurs que les légistes se mirent au travail ? La seule coutume jusqu’alors appliquée était la désignation par le détenteur de la couronne de celui qu’il choisissait comme héritier, en l’occurrence le fils aîné, les Capétiens ayant mis fin aux règnes conjoints. Désignation confortée par le sacre anticipé et l’obligation ipso facto pour les barons et les prélats de jurer fidélité.
Louis, le fils aîné, n’était pas sacré et n’avait que douze ans. Et Blanche se retrouvait bien seule pour défendre ses droits. Joinville souligne qu’elle n’avait ni parents ni amis dans le royaume de France[10]. La Castille était trop loin pour que Ferdinand IIII pût apporter une aide quelconque à sa tante. Elle n’avait en France aucun lignage la touchant d’assez près pour qu’elle pût compter sur son appui. Louis VIII avait un demi-frère Philippe Hurepel (autrement dit le hérissé), qui était dans la force de l’âge (vingt-cinq ans). Certes, fils de Philippe Auguste et d’Agnès de Méranie après que le roi ait renvoyé Ingebruge de Danemark à la suite d’une nuit de noces aussi mystérieuse que calamiteuse, il était le fruit d’une union condamnée par l’Église. Mais, bien apanagé, investi des comtés de Boulogne, Clermont, Domfort et Mortain, il pouvait difficilement passer pour un vulgaire bâtard. Certains barons qui avaient mal supporter de courber l’échine devant Philippe Auguste et Louis VIIII, qui désapprouvaient le maintien en détention depuis douze ans de deux des leurs, les vaincus de Bouvines Ferrand de Flandre et Renaud de Bourgogne, pouvaient en faire leur candidat.
Le 3 novembre, Louis VIII fait venir à son chevet les barons et certains hauts dignitaires qui l’accompagnaient à la croisade, en tout vingt-six hommes, leur faisant promettre, dès qu’il serait mort, de prêter en personne l’hommage et la foi à son fils Louis et de le faire au plus vite couronner. Hurepel était là et a juré. C’est la seule décision qui s’appuie sur un document irréfutable, mais rien ne concerne le gouvernement du royaume pendant la minorité du petit roi[11]. Là encore aucun texte ne le prévoyait explicitement ni aucune coutume bien ancrée. Les précédents récents concernaient la responsabilité du gouvernement en l’absence d’un roi parti en croisade :
- en 1147 Louis VII a prévu un triumvirat : l’abbé Suger (qui dans les faits s’est imposé) avec l’archevêque de Reims Samson de Mauvoisin et le comte de Nevers bientôt remplacé par le comte de Vermandois,
- en 1190 Philippe Auguste avait désigné sa mère Adèle de Champagne et son oncle Guillaume, archevêque de Reims, cardinal et légat.
Le seul cas de gouvernement pendant la minorité d’un roi, certes déjà sacré mais âgé de sept à huit ans, remontait au début du règne de Philippe Ier. Henri Ier avait confié la garde de son fils et de son royaume à son beau-frère Baudouin V, comte de Flandre, l’un des plus puissants « princes du palais royal » comme le désigne un texte contemporain. Un homme fort. L’archevêque de Reims Gervais lui était associé mais le rôle de la reine-mère Anne de Kiev, d’ailleurs très vite remariée, apparaît for discret.
Notons que les sources font état de la « garde et tutelle », pas de la régence, terme employé improprement car il n’est attesté qu’à partir du XIVe siècle. La veuve du défunt souverain ne pouvait se prévaloir d’un droit particulier.
C’est pourtant ce qui est arrivé et semble légitimé par un acte authentique mais non daté, versé au Trésor des Chartes après la mort de Louis VIII. L’archevêque de Sens, les évêques de Chartres et de Beauvais informent des destinataires non précisés (sans doute l’ensemble des prélats) que le roi sur son lit de mort a décidée de placer son fils et successeur, le royaume et ses autres enfants, sous les « bail et tutelle » de la reine Blanche jusqu’à ce qu’il parvînt à l’âge légal[12].
Il est étrange que Louis VIII ne l’ait pas indiqué dans sa déclaration solennelle aux grands et n’ait pris ensuite que trois témoins, trois des cinq évêques présents le 3 novembre Avec il est vrai l’archevêque de Sens Gautier Cornu qui, à défaut d’archevêque de Reims (Guillaume de Joinville, lui aussi atteint par l’épidémie) était le prélat royal par excellence. Les évêques ont pris soin de donner tous les signes de validité à ces dispositions en soulignant une décision souveraine (voluit et disposuit) après une mûre délibération (in bona deliberatione), alors qu’il était encore sain d’esprit (et sans mente), selon une formule proche d’un testament, pour lequel en droit canonique sont requis deux ou trois témoins. Mais il y eut par ailleurs un testament indiquant comme c’était l’usage, les legs destinés à assurer des prières pour les défunts, sans aborder les affaires du royaume.
À suivre