Patrick Saint-Paul
C’est un rêve qui a tourné à l’obsession. Vladimir Poutine le sent enfin à sa portée. Pur produit du KGB, le nouveau tsar n’a jamais digéré la mort de l’empire soviétique. L’équilibre né de la fin de la guerre froide était un cauchemar dont il fallait se réveiller à tout prix. Poutine sait qu’il pourra mourir tranquille s’il ressuscite le partage de Yalta : il restera dans l’histoire celui qui aura rendu grandeur et fierté à la Russie après la dislocation de l’URSS.
Et il n’a pas choisi son moment au hasard ! Vladimir Poutine arrive aux discussions le revolver posé sur la table alors que les États-Unis donnent le sentiment d’avoir rendu les armes en se retirant d’Afghanistan. Du « pivot vers l’Asie » - contrer la Chine par tous les moyens, l’unique priorité de l’Administration Biden - il a tiré une conclusion : ailleurs, au Moyen- Orient, en Afrique, mais aussi en Europe, le champ est libre pour qui affiche sa détermination. Il a massé plus de 100 000 soldats aux portes de l’Ukraine, forçant ainsi sous la menace l’ouverture de négociations avec Washington, et exige la fin de l’élargissement de l’Otan. Ce nouveau Yalta chasserait les États-Unis de l’est de l’Europe. En échange d’une paix très hypothétique, la carte géopolitique du continent serait redessinée et permettrait à Moscou de reprendre le contrôle de son ancienne sphère d’influence. Joe Biden a menacé son homologue russe de sanctions « comme il n’en a jamais vu » si Moscou attaquait l’Ukraine. Mais il a peu d’atouts en main. Poutine sait que ni Washington ni ses alliés en Europe ne se battront pour l’Ukraine. Et les sanctions économiques ont peu de chances de le faire plier. Quant aux Européens, plus dépendants que jamais au gaz russe, ils peuvent bien crier « Nous ne sommes plus à l’heure de Yalta ! ». Minés par les divisions, faute de développer une autonomie stratégique crédible, ils semblent de moins en moins capables de prendre en main leur sécurité... ni même de peser sur le destin de leur continent.
Source : Le Figaro 10/01/2022