Michel Geoffroy livre une analyse de forme sur les styles très différents des deux meetings politiques qui ont animé le samedi passé : celui de Marine Le Pen à Reims et celui d’Éric Zemmour à Lille.
Comparaison formelle de deux meetings : celui d’Éric Zemmour à Lille et celui de Marine Le Pen à Reims le 5 février 2022
Les images fournies par les candidats
– La caméra montre Éric Zemmour mais très souvent aussi les participants et les soutiens au meeting, devant et derrière lui, en plan large. Peu de gros plans sur Zemmour. Une chorégraphie des militants bien organisée qui rythme le discours du candidat ; slogan de la campagne apparaissant visiblement en grand en fond, derrière l’orateur.
– Au contraire, Marine Le Pen est au centre des prises de vues, principalement en buste ; personne derrière elle ; peu de prises de vues de l’assistance ; agitation un peu désordonnée de drapeaux dans l’assistance. En fond, derrière Marine Le Pen, un grand M lumineux (qui peut passer aussi pour un V de victoire).
– Beaucoup plus de jeunes au meeting d’Éric Zemmour qu’à la réunion de Marine Le Pen, donnant une image plus dynamique du meeting mais pas nécessairement plus représentative de l’opinion ; plus de participants au meeting de Zemmour qu’à celui de Marine Le Pen qui n’était cependant pas un meeting au sens propre mais une convention.
Les discours
– Éric Zemmour parle sans donner l’impression de lire un texte, malgré les prompteurs ; forte conviction et tension dans son discours ; avec un crescendo à la fin (un peu couvert par les acclamations des participants cependant) entamant un dialogue rythmé avec les spectateurs (« C’est nous »).
Une approche originale et pédagogique autour du thème du pouvoir d’achat.
– Marine Le Pen ne cache pas qu’elle lit un texte ; elle donne en outre une impression de distance permanente par rapport à son propos (sourires, mouvement du corps, anecdote sur la présence d’une coccinelle sur son pupitre !). Un discours globalement assez plat sauf dans ses attaques d’ouverture contre Emmanuel Macron. À plusieurs reprises elle affirme qu’elle ne fléchira pas ou qu’elle fera preuve de fermeté : ce qui sous-entend évidemment en creux que justement on pourrait en douter ?
Pas de crescendo à la fin de son discours. Au contraire, Marine Le Pen a adopté un ton intimiste à la fin du meeting pour se présenter – sans lire de papier cette fois –, en donnant une image victimaire de sa personne (victime d’attentat, de discriminations, femme ayant élevé seule ses enfants), que les médias ont retenue. Cela semble traduire sa volonté d’apparaître moins clivante ou moins « extrémiste » qu’Éric Zemmour.
Conclusion évidente : deux styles différents. Zemmour plus combatif et plus collectif (nous allons gagner), Le Pen tenant un discours plus lissé et plus personnel (je vais gagner).