Le billet de Patrick Parment
C’est triste à dire, mais une fois de plus, les Européens se sont ridiculisés dans la partie à trois bandes qui se joue sans eux : l’Amérique, la Russie et la Chine. Pour ce qui nous concerne, c’est de l’Ukraine qu’il s’agit. Une fois de plus. La rencontre à Washington entre Donald Trump et Volodomir Zelensky accompagné de chefs d’Etat européens a tourné au fiasco, car il n’en est rien sorti. Ce que confirme Gérard Araud qui fut le représentant de la France à l’ONU de 2009 à 2014 et qui a passé une grande partie de sa vie dans ce pays. L’homme n’est pas notre tasse de thé, loin s’en faut. Mais c’est un bon connaisseur de l’Amérique. Il confirme : « Aucune décision n’a été prise. Ils sont donc tous repartis contents, mais sans rien ! « Et de poursuivre : « Ce ne sont que des conversations. Du bla-bla. De la même façon, Trump se targue de faire se rencontrer Poutine et Zelensky. On ne sait même pas si le président russe serait prêt à l’accepter. Moscou peut même crier victoire : Trump ne parle plus de cessez-le-feu ! »
Et de confirmer que Donald Trump est une girouette capable de jour au lendemain de dire tout et son contraire. En Alaska, Trump a surtout négocié un retour du business avec la Russie et Poutine la levée des sanctions qui le frappent. Concernant l’Europe, Trump négocie son soutien à l’Ukraine si les Européens achètent du matériel militaire américain qu’ils pourront alors leur refourguer. Un marché de dupe. Mais un fond de vérité. Les industriels européenne sont incapables de se substituer aux Américains en matière militaire. On pourrait même ajouter en matière financière. Les pays européens sont exsangues, tous endettés. Raison pour laquelle ils pleurnichent afin de bénéficier de la protection américaine via ce bazar qu’est l’Otan. Derrière ces mascarades, Donal Trump, pragmatique, poursuit un objectif : celui de désolidariser la Russie de la Chine. Et de reprendre le business avec la Russie notamment en matière d’hydrocarbures. Manière aussi de calmer les ardeurs des pays de l’Opep. Car la Chine a un talon d’Achille : elle n’a pas de pétrole au catalogue de ses ressources. L’Europe non plus d’ailleurs. Or, qu’on le veuille ou non malgré les cris d’orfraie des écolos, le pétrole demeure le nerf de la guerre en matière énergétique… avec les centrales nucléaires.
On comprend mieux la stratégie de Vladimir Poutine. Demeurer dans la partie à trois bandes. Donald Trump en Alaska vient de l’adouber comme partenaire incontournable. Trump se fout complètement de l’Ukraine, sauf à négocier ses terres rares. Donc d’accepter, ipso facto, les conditions de paix exigées par Poutine. Or, celles-ci, on les connait et Poutine n’en démordra pas : la naturalisation de l’annexion de la Crimée, cette plateforme de l’accès de la marine russe aux mers chaudes, Ensuite l’absorption complète et définitive des territoires conquis et eux aussi officiellement annexés, à savoir les oblasts ukrainiens de Donetsk, de Kherson, de Louhansk et de Zaporijjia, dessinant ainsi le gel de la ligne de front. Enfin, le retrait des troupes ukrainiennes en deçà de cette ligne, l’interdiction pour l’Ukraine d’adhérer à une quelconque alliance militaire par-delà l’Otan et la reconnaissance de l’autonomie culturelle des populations russophones ainsi que de la fraction pro-moscovite de l’Église orthodoxe afin de maintenir cette cinquième colonne au sein du territoire résiduel.
La bonne question est donc de savoir ce que peuvent faire les Européens dans ce marigot où ils ne sont qu’accessoirement partie prenante. Les peuples européens se foutent pas mal de l’Ukraine qui a toujours vécu dans l’orbite russe et dont elle a adopté quasi majoritairement la langue. L’Ukraine aujourd’hui est le Dantzig d’hier. On n’ira pas se battre.
Trump comme Poutine ne connaissent que les rapports de force. Quelle est la force de l’Europe ? Qu’a-t-elle à négocier ? Assurément ne plus voir la Russie comme le grand-Satan, nous désengager de l’emprise américaine. Arrêter de s’agenouiller comme le fait la présidente de la Commission, la nuisible Ursula von der Leyen. D’arrêter de voter des sanctions qui ne servent à rien mais se retournent contre nous. Instiller un peu de lucidité et de bon sens dans nos analyses autour de ce constat que la Russie n’a aucun intérêt immédiat d’envahir un quelconque pays européen.
Le drame de l’Europe, c’est bien la suspicion qu’entretiennent les européens entre eux. Chacun voit le monde à sa porte. Les ex-pays de l’Est et leur trouille légitime de l’ogre russe, les pays du Nord (Norvège, Suède, Finlande) dédaigneux du laxisme financier des pays du sud, les coups de pieds à l’âne dont les allemands nous gratifient – notamment sur le dossier nucléaire et leurs tarés d’écolos -, les Anglais es-maître zizanie, etc. Les pommes de discorde ne manquent pas. Les Européens devraient commencer par faire la paix avec eux-mêmes.