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Le retour des blocs

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Il y a une trentaine d'années, un groupe créatif bien connu dans lequel je comptais quelques amis avait organisé, l'hiver étant particulièrement rude cette année-là, une manifestation contre le froid au métro Glacière. C'est avec joie que je leur avais prêté mon porte-voix. C'était pour rire. Manifester contre le froid ne sert à rien.

Dois-je le dire, les gens qui protestaient hier contre la nouvelle guerre froide qu'on sentait venir, et ceux qui aujourd'hui s'indignent du retour des blocs, et de leurs logiques pourtant assez simples, me rappellent au souvenir de ce canular.

C'est un fait bien réel que la géopolitique du monde actuel tend à réaffirmer l'existence de pôles rivaux. Un certain Chirac se gargarisait, dans les années 1990, de la perspective d'un monde multipolaire et se flattait de militer pour cet avènement : ses admirateurs, et ça existe encore, devraient se frotter les mains. Le voilà son monde multipolaire...

Or, si, lors la Conférence de Potsdam de juillet 1945, Staline, Truman et Attlee ont confirmé les accords de Yalta aboutissant au partage du monde, les blocs ne sont vraiment nés qu'un peu plus tard, entre 1946 et 1949, année du pacte atlantique et de l'entrée à Pékin de Mao Tsé-toung aux côtés du maréchal Zhu De. Entre-temps : les élections intermédiaires américaines de 1946, les mises en garde de la déclaration Truman de 1947, etc. Jusque-là, l'esprit de ces accords était officiellement mondialiste.

Contrairement à une idée reçue, les blocs, encore en voie de consolidation, ne sont pas entièrement prédéterminés. Si, de son côté, la Chine communiste ne peut que tendre à s'opposer, et surtout à se séparer du destin et du commerce de la plupart des pays voisins, de l'Inde bien sûr, mais aussi du Japon, du Vietnam ou de la Corée du sud, rien n'assure ni que dans ces pays des changements révolutionnaires ne viendront pas perturber leurs choix, ni que d'autres pays de l'ASEAN ne viendront pas renforcer ce que nous devons concevoir comme l'alliance du monde libre.

D'autre part, dans la même logique, il apparaît que la chaîne des alliés sud-orientaux, que l'Empire du milieu, se pensant lui-même comme la roue du monde, tend à entraîner à sa suite le Pakistan, l'Iran et la Turquie principalement, trois pays islamistes, resteront dans leur dépendance actuelle, tant financière que stratégique, vis-à-vis de Pékin. L'échéance électorale turque de 2023 peut parfaitement occasionner une mauvaise surprise à Erdogan et à son parti. Le pouvoir des mollahs à Téhéran, celui d'Imran Khan à Islamabad peuvent, eux aussi, être renversés.

L'auteur de ces lignes a rédigé en 1981 un essai historique sur les accords de Yalta et la naissance des blocs, c'est-à-dire de ceux de la guerre froide, qui s'étaient trouvés redistribués à partir des années 1970 par les accords entre Nixon et Mao Tsé-toung. À part deux ou trois erreurs d'interprétation, que je reconnais pour "gaulliennes", ce livre à nouveau épuisé et en attente de réédition n'appelle plus, à mes yeux, qu'un seul rajout introductif, sur les nouveaux blocs en passe de reconstitution.

On ne doit se tromper ni sur la puissance relative de la Chine communiste, beaucoup plus grande qu'à l'époque de l'Union soviétique, ni sur les raisons perverses qui scellent cette alliance contre-nature. Très probablement, Pékin mise sur le pouvoir de l'actuelle kleptocratie moscovite, issue du stalinisme et de sa dégénérescence brejnévienne, pour manipuler la Russie en attendant de conquérir l'Asie centrale et d'envahir la Sibérie. Les gens qui veulent voir dans son président actuel un serviteur de la Sainte Russie, un continuateur de celle des poètes et des musiciens du XIXe siècle sont les mêmes qui confondent la cinquième république et le royaume des Lys.

Quoiqu'il en soit la France, comme les autres nations continentales européennes, se trouve impliquée dans le monde libre, et ne peut pas se soustraire à des obligations qui lui sont profitables, qu'il s'agisse de la sauvegarde et de la mise en valeur de son immense espace maritime ou de la lutte conjointe contre l'islamo-terrorisme en Afrique, mais aussi hélas sur notre sol. Les agents du bloc de l'est, Chine-Russie, n'hésitant pas à nous prendre pour des imbéciles, en quoi ils ont hélas parfois raison, nous considèrent comme une cible... Moult affaires d'espionnage sur notre sol nous le confirment.

La double claque reçue par Macron, piètre diplomate et piètre chef des Armées, devrait instruire tous ceux qui imaginent la France comme une puissance d'intermédiation. Elle doit ardemment se préoccuper de défendre sa peau et ce qui lui reste de sa liberté, renforcer son armée et ses services de renseignement, se montrer un allié digne de confiance, produire chez elle, y compris son électricité nucléaire, et cesser de sous-traiter chez les esclaves asiatiques. Le reste relève de l'illusion.

JG Malliarakis

https://www.insolent.fr/2022/02/le-retour-des-blocs.html

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