Interrogé, lors d’une émission télévisée, sur la surreprésentation des détenus étrangers (à ne pas confondre avec ceux « d’origine étrangère ») dans les prisons françaises, le garde des Sceaux, Eric Dupond Moretti, avait répondu : « Il n’y a pas de statistiques qui sont tenues en la matière ». Las, il démontrait là qu’il connaissait bien mal l’institution qu’il est censé cornaquer puisque ces statistiques existent bel et bien et qu’elles démontrent le poids accablant et exponentiel que font peser les criminels étrangers sur le système carcéral national.
En effet, selon le dernier décompte de l’administration pénitentiaire, sur une population pénale qui s’élève à 69 173 individus, la proportion des étrangers est de 25 % (17 198 individus). A titre de comparaison, ce chiffre était de 17,2 % dix ans auparavant, en 2011. Le coût de leur prise en charge par l’Etat français, et donc par le contribuable, s’élève à près de 700 millions d’euros par an (environ 110 euros par jour et par détenu).
Ces délinquants et criminels viennent d’Afrique pour plus de la moitié (56 %), les autres sont des ressortissants européens, plus marginalement des Asiatiques et des Sud-Américains. Une centaine de détenus seraient « apatrides » même s’il s’agit le plus souvent de tentatives de camouflage de la nationalité d’origine pour éviter l’expulsion. Car c’est bien ici que se situe le cœur du scandale : dans la tragique faiblesse du nombre de rapatriements dans les pays d’origine. Seule une infime partie de ces détenus étrangers – qui sont quasiment tous sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français – font l’objet d’une telle mesure, au maximum une quinzaine par an, un chiffre totalement dérisoire ! En cause, la complexité et la lourdeur des dispositifs légaux de rapatriement. C’est en effet à l’administration pénitentiaire de constituer un dossier, qu’elle transmet au parquet (déjà surchargé par les affaires courantes), puis le magistrat de liaison de l’ambassade de France, située dans le pays d’origine du détenu, doit organiser ce rapatriement avant que le service national des transfèrements, chargé de déplacer les détenus, y procède. Finalement, la quasi-totalité de ces détenus étrangers végètent dans les prisons françaises – ils sont exclus donc exclus des aménagements de peine ou des programmes de réinsertion et, ne parlant généralement pas français, de la plupart des activités pénitentiaires – et ne quittent leur cellule que pour rejoindre un centre de rétention administratif, avant bien souvent d’être relâchés sur le territoire français avec d’évidence une récidive presque assurée.
Ce sont donc des milliards d’euros qui, depuis des années, sont dépensés en pure perte. Une gabegie immense qui devra être prise en compte lors de la nécessaire grande réforme du système carcéral français, actuellement en faillite totale, devenu une gigantesque usine à produire des récidivistes et n’assurant plus aucune de ses missions, au premier rang desquelles on trouve « punir » et « protéger ».
Xavier Eman
Article paru dans Présent daté du 25 février 2022