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Les Allemands sont-ils vraiment nos alliés ?

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Pascal Perri

Il n’y aura ni relocalisations ni reconquête industrielle de la France sans une parfaite maîtrise des flux énergétiques en matière de quantité et de prix. La guerre en Ukraine rebat les cartes de la géopolitique des sources d’énergie. Nous mesurons tous à quel point il est essentiel de sortir des préventions idéologiques et de cultiver notre indépendance énergétique. Sans énergie accessible, pas d’économie, pas d’industrie et pas de souveraineté alimentaire.

En Espagne, le secteur de la sidérurgie est en partie à l’arrêt en raison de l’envolée des prix du gaz et de l’électricité. L’Allemagne, très dépendante du gaz russe, s’inquiète, elle aussi, pour son industrie. Inquiétude en termes d’accès et de prix. Les mauvais choix de Gerhard Schröder et d’Angela Merkel ont créé une telle sujétion à la Russie, que le gouvernement du chancelier Olaf Scholz est désormais prisonnier des impasses des énergies renouvelables. L’Allemagne entraîne avec elle une partie de l’Europe et nous prive collectivement d’armes de défense pour mieux combattre la guerre du président Poutine chez son voisin ukrainien. Le 26 novembre 2021, Frans Timmermans, vice-président de la commission européenne chargé du Pacte vert déclarait, sur Euronews, « les jeux sont faits sur le sort du charbon. Et c’est le plus important ». Funeste erreur ! Malheureusement pour le climat, le charbon a encore de l’avenir devant lui. Non pas en Inde ou en Chine mais chez nos voisins allemands. Début mars, les ministres concernés par le dossier, dont l’écologiste Robert Habeck, ont annoncé qu’en dépit de la crise d’approvisionnement en gaz, les centrales nucléaires encore en état de marche ne seraient pas prolongées, et que l’Allemagne compterait sur le charbon comme filet de sécurité pour assurer sa sécurité énergétique ! Aux énergies intermittentes, non garanties et non pilotables, répond un entêtement idéologique et politique permanent de la gauche écologiste allemande et... française.

Yannick Jadot n’a pas peur du ridicule et déclare que « le projet écologiste est le projet qui évite la dépendance à Vladimir Poutine et au gaz russe ». Les émissions allemandes de gaz à effet de serre ont augmenté de 4,5 % en 2021 en raison du manque de vent pour alimenter les éoliennes, et 2022 s’annonce déplorable en termes de trajectoire climatique de l’autre côté du Rhin.

Le président Poutine vient de choisir pour ceux qui, en Europe, ont gardé la tête froide. Le signal russe est clair ; il nous renvoie à notre solitude énergétique et nous encourage à mieux choisir nos dépendances. Cet épisode tragique devrait nous inciter à lire entre les lignes la politi- que de l’Allemagne et le rapport de force qu’elle entend nous imposer. Les Allemands ne veulent pas de réindustrialisation en France. Ils ont objectivement tout fait pour s’y opposer. Ils ont lutté pour exclure le nucléaire, énergie sans CO2, de la taxonomie. Cette énergie est disponible et économique. Elle représente un avantage compétitif pour nos industries. Son maintien en l’état, puis son renforcement, constitue une base de reconquête industrielle.

L’Allemagne est notre voisin mais elle a ses préférences en matière de stratégie industrielle. La puissante industrie automobile allemande a d’abord besoin du grand marché américain qui assure une partie substantielle de ses débouchés. Une industrie française plus forte serait un danger pour sa volonté d’hégémonie dans ses secteurs d’excellence. Allemagne européenne ou Europe allemande ? L’option 2 semble bel et bien l’emporter !

Source : Les Echos, 21/3/2022

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