Marion Maréchal ne sera pas candidate aux législatives en raison de son accouchement prévu le 18 juin entre les deux tours. Cela ne l’empêche pas de s’engager dans la campagne auprès des 550 candidats Reconquêtes! le week-end dernier et dans cet entretien accordé à la version PACA de Valeurs actuelles :
Vous avez rejoint Éric Zemmour en mars dernier, estimant que Marine Le Pen ne pouvait pas gagner l’élection présidentielle. Sa défaite vous donne-t-elle finalement raison ?
Je ne me réjouis pas de cette défaite. Si le score a augmenté, le résultat reste malheureusement le même : cinq ans de plus avec Emmanuel Macron. Nous avions appelé à voter pour Marine Le Pen, sans hésitation et sans condition, dès le soir du premier tour. Dans nos institutions, il est compliqué de gagner seul et l’isolement du RN, en refusant toute alliance et n’ayant bénéficié d’aucun ralliement, a certainement joué dans cette défaite. Nous n’avons pas réussi durant cette campagne à éviter la redite du duel de 2017 qu’Éric Zemmour avait tenté de conjurer, cela devrait appeler à une grande remise en question au sein du camp national plutôt qu’à l’autosatisfaction.
Marine Le Pen s’est-elle trompée de stratégie durant cet entre-deux-tours ?
En faisant de la question des retraites le point central du clivage avec Emmanuel Macron, Marine Le Pen a cherché à parler quasi exclusivement aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, oubliant de s’adresser aux millions de Français qui avaient voté à droite sur l’identité, la sécurité ou les libertés économiques. Comme en 2017, cette triangulation n’a pas abouti aux résultats escomptés puisque seulement 13 à 17 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon se sont reportés sur elle. De l’autre côté, il y a eu une perte des reports de voix de l’électorat Reconquête ! vers Marine Le Pen ; idem parmi Les Républicains et même — de manière plus marginale — une partie de ses propres électeurs du premier tour. Nous voyons de nouveau les limites de cette stratégie d’“alliance des populismes de droite et de gauche”, que je remettais déjà en cause à l’époque où j’étais encore au FN.
Éric Zemmour voulait jouer le rôle de pivot entre Les Républicains et le Rassemblement national. Durant cette campagne, il s’est plutôt marginalisé, classé plus à droite encore que Marine Le Pen. Est-ce une erreur de stratégie ?
Je ne partage pas ce constat, car Éric Zemmour a offert une nouvelle maison commune aux électeurs des LR et du RN déçus de leur parti. Il a créé des passerelles entre les deux électorats. Au deuxième tour, il a même permis à des électeurs qui, jusqu’alors, n’avaient jamais voté pour le camp national, de voter pour elle à la suite de son appel en jouant le rôle de “sas”. On retrouve ce phénomène en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans des villes plutôt aisées où Marine Le Pen réalise des scores inédits. C’est le résultat du travail de Reconquête !. Je doute maintenant que ces Français apprécient beaucoup, et à juste titre, le refus catégorique du RN de construire des alliances aux législatives. Eux ont fait un pas…
Le reste a déjà été débriefé : un tiers des électeurs de Marine Le Pen ont opté pour le vote “utile” afin d’empêcher la qualification de Mélenchon et 47 % de ses électeurs ont hésité à voter Éric Zemmour. Il a vraiment bousculé le paysage politique. Ce jeune parti a beaucoup de perspectives de développement dans les mois et années à venir.
(…) Nous sommes dans la continuité de ce que nous disions durant la présidentielle. Nous souhaitons une grande coalition du camp national, réunissant Reconquête !, le RN, Debout la France et une partie des Républicains ne voulant pas des alliances avec Macron. Le Rassemblement national refuse obstinément, pourtant seule cette alliance permettrait de devenir le premier groupe d’opposition, voire d’obtenir une majorité relative, quand un bloc national divisé n’aboutira qu’à une opposition marginalisée, avec le risque majeur d’avoir une majorité macroniste et un premier groupe d’opposition composé du bloc islamogauchiste, emmené par Mélenchon.
Après les échanges d’amabilité entre Éric Zemmour et Marine Le Pen tout au long de la campagne présidentielle, est-il encore possible de compter sur une alliance ?
Nous devons prendre de la hauteur, sortir des propos d’estrade tenus par les uns et les autres — car Éric Zemmour a largement été pris pour cible aussi — pour nous concentrer sur notre objectif principal : défendre l’intérêt des millions de Français qui attendent que les idées nationales arrivent aux affaires. Nous avons une occasion historique de pouvoir changer l’histoire qui semble s’écrire : avec une coalition, ce serait au minimum 100 députés qui pourraient être élus à l’Assemblée. D’ailleurs, 94 % des électeurs de Reconquête ! et 74 % de ceux du RN soutiennent cette alliance (…)
Quelle opposition souhaitez-vous construire ?
Nous devons apporter ce qui manque aujourd’hui dans le paysage politique français à droite : une vraie boussole idéologique, une clarté doctrinale capable de s’emparer des sujets d’avenir, devenir un prescripteur d’opinion, construire des réseaux influents dans la société, être un incubateur pour toute la nouvelle génération politique. Cela passera aussi par une forme d’exemplarité. Puisque nous appelons à l’union, nous avons pris l’initiative de ne présenter aucun candidat face à Éric Ciotti, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan et ce, sans contrepartie.
Le Rassemblement national mise sur la constitution d’un “bloc populaire” face à un “bloc élitiste”, représenté par Emmanuel Macron. Vous inscrivez-vous dans cette logique ?
Je ne partage pas cette lecture politique. Nous ne pouvons pas dire : nous ne parlons pas aux 58 % des Français qui ont voté Macron car il s’agit du “bloc élitaire”. D’autant moins que cela est à relativiser, 36 % de ce bloc sont aussi des électeurs des classes populaires. Le clivage territorial et social que reflètent ces blocs est un fait sociologique, mais il ne doit pas être figé dans une opposition partisane. Le rôle d’un responsable politique n’est pas de dresser les Français les uns contre les autres en opposant notamment les “perdants” aux “gagnants” de la mondialisation, la campagne aux métropoles. Nous devons parler à tous et trouver une synthèse. Il faut éviter cet affrontement, d’autant plus qu’à ce jeu, c’est toujours le bloc dit élitaire qui gagne. Le rôle de Reconquête ! sera d’être un parti de concorde capable de nous sortir de cette impasse qui nous condamne à la réitération et à la défaite du camp national (…)
Comment imprimer la marque Reconquête ! afin que les électeurs puissent identifier les candidats d’Éric Zemmour aux prochaines élections locales ?
Le propre de la politique, c’est le temps long. Il faut être patient et apprendre à construire dans la durée. Nous avons manqué de temps et d’espace pour faire connaître ce jeune mouvement et son candidat à l’ensemble des Français durant la campagne. Nous avons plus d’un mois avant les élections législatives pour continuer le travail opéré pendant la présidentielle. Nous avons environ un tiers de nos candidats qui le sont pour la première fois, un tiers issus du RN et un tiers des Républicains. Cette diversité est une vraie force. Avec eux, nous allons réaliser notre première étape d’implantation locale qui perdurera dans les années à venir.
Reconquête ! récolte ses meilleurs scores en Paca. Comment expliquez-vous cette implantation ?
Déjà je tiens à rappeler que réunir 2,5 millions de voix, mobiliser près de 125 000 adhérents et constituer le premier mouvement de jeunes de France en quelques mois seulement est un tour de force inégalé dans l’histoire politique française. Rappelons qu’en septembre dernier, Éric Zemmour était encore simple journaliste et écrivain. Des fondations solides ont été posées pour la suite.
Quant à la Paca, les questions identitaires et sécuritaires sont essentielles dans cette région. Une partie significative des électeurs Républicains se sont tournés vers Reconquête !, déçus probablement par leur mouvement, son ambiguïté, ses alliances plus ou moins nébuleuses avec LREM (tous les grands barons LR de la région soutiennent désormais Macron), et de nombreux Français indépendants, artisans, commerçants qui votaient RN ont suivi le même chemin.