Aujourd’hui ce courant réactionnaire n’existe plus en tant que tel. Il n’y a pas de mouvement politique souhaitant abolir la république pour revenir à une société gouvernée de façon traditionnelle. Sur le plan religieux, il existe un mouvement de réaction contre l’évolution progressiste de l’Eglise mais il n’y a pas de remise en cause de la laïcité, ni aucune volonté de revenir sur le renoncement de l’Eglise à jouer un rôle politique. Sur le plan culturel, le mouvement réactionnaire n’est pas totalement absent mais reste très marginal. Au total le camp réactionnaire est très faible. Il n’a pas d’existence politique : on le voit avec cette élection de 2022, le parti RN, qui pourrait en être le moins éloigné, récusant toute parenté.
Le courant réactionnaire n’a pas d’identité affirmée et n’est même pas conscient de son existence ni assuré de sa légitimité. L’absence d’intitulé clair montre bien la difficulté de se situer (réactionnaire, conservateur, traditionnaliste, identitaire, nationaliste, souverainiste…). Très rares sont ceux qui s’affirment favorables à une réaction, c’est-à-dire à un retour à une société plus proche de la société traditionnelle, ou du moins à une conservation de ce qui n’a pas encore été détruit.
Plusieurs événements cependant indiquent que ce mouvement réactionnaire n’est pas mort et a peut-être encore un avenir. En Pologne et en Hongrie, des gouvernements réactionnaires sur le plan sociétal sont soutenus par une majorité de leur population. En France la manif pour tous a permis au mouvement traditionnaliste de prendre conscience de son existence, de son identité et de sa force. La candidature d’Eric Zemmour constitue une deuxième étape, qui peut venir fortifier ce mouvement : pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, les idées réactionnaires ont été exprimées clairement dans le cadre d’une campagne présidentielle par l’un des candidats importants. Ce courant doit maintenant affirmer son identité et la conforter. Il doit quitter la position défensive, cesser de raser les murs, cesser de multiplier les concessions à la pensée progressiste. La première chose peut-être serait de choisir le nom qui le définit le mieux. Identitaire, réactionnaire, conservateur, traditionnaliste, chacune de ces dénominations a son avantage. Il faut selon-nous proscrire en revanche les vocables de nationalistes et de souverainistes, qui renvoient à des thématiques ambigües et de toute façon trop restreintes : c’est moins en effet les nations européennes qu’il s’agit de sauver que les peuples européens et la civilisation européenne elle-même.
- Le progressisme, cette religion sans dieu, est une impasse
Le progressisme est dans l’erreur pour une quadruple raison. Première erreur, la pensée des Lumières veut établir ex nihilo une société à l’architecture simple, claire et rationnelle. Or une telle vision des choses est fausse. Une société dépend de ses racines : elle est ancrée dans le passé, la tradition, les strates historiques, qui la déterminent. Une telle société, produit de l’histoire, comporte dès lors nécessairement une grande complexité, reflet de la complexité de l’âme humaine. Elle ne peut correspondre à un schéma en tout point rationnel. Pascal l’a depuis longtemps souligné. A la base de la civilisation européenne se trouve la Raison, certes, inventée par les Grecs. Mais il y a aussi la foi chrétienne, qui excède infiniment le pouvoir de la raison.
À suivre