Jusqu'à la semaine dernière, on imaginait Saint-Brevin-les-Pins, à moins d'une heure de Nantes, au sud de l'estuaire de Saint Nazaire, avec ses huit kilomètres de plages de sable fin et sa forêt classée au Conservatoire du littoral, comme un paradis pour vacanciers.
Une image de carte postale écornée depuis la validation du permis de construire et l'arrivée d'engins de chantier la semaine dernière, suite au rejet du recours du collectif Préservation de la Pierre Attelée
L'association de riverains et de parents d'élèves sont en effet « sous le choc » depuis qu'ils ont appris le projet de la mairie d'implanter un nouveau centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) sur un terrain résidentiel, à 100 mètres de la plage, entre camping et école primaire. Pour des raisons assez floues, l'ancien hébergement pour migrants implanté ailleurs datant de 2016 qui, à l'époque déjà, avait cristallisé les oppositions, devrait être détruit. Y sont actuellement logés « une vingtaine de jeunes hommes inoccupés qui font du foot toute la journée », selon des témoins.
Mais cette fois-ci, le projet est beaucoup plus ambitieux : il s'agit d'édifier un bâtiment d'hébergement pour une centaine de demandeurs d'asile « dont certains ont déjà eu une première demande refusée », nous précise un responsable du collectif joint par téléphone. Et c'est l'association Aurore, (à l'origine du premier centre d'hébergement) destinée à accompagner des « personnes en situation de précarité ou d'exclusion via l'hébergement, les soins et l'insertion » qui est chargée du projet : « 3,4 millions pour un immeuble abritant 60 logements pour des familles ». Le collectif conteste avant tout le choix de l'implantation, puisque la mairie a choisi un quartier résidentiel éloigné de tous commerces et transports, à la lisière d'une forêt protégée. « Les travaux nécessitent l'abattage d'arbres protégés et classés, c'est une aberration écologique ! », poursuit notre interlocuteur, qui nous laisse entendre que, pour parvenir à ses fins, « le maire est passé en force, faisant prévaloir le "Code social" sur les plus élémentaires lois du Code de l'urbanisme ». « Sans compter que l'acquisition du terrain au profit de la CISN de Saint-Nazaire (entreprise privée) s'est faite pour une bouchée de pain : 100 euros le mètre carré dans une zone où le prix moyen avoisine les 2 000 euros. »
Un commerce insupportable pour des Brévinois qui peinent à devenir propriétaires. Leur ville connaît un tel succès touristique (15.000 habitants à l'année, 35.000 l'été) que les prix de l'immobilier s'envolent. « Un affront pour ceux qui, comme moi, s'endettent pour trente ans pour devenir propriétaires, sans compter qu'à Saint-Brevin, bien des personnes âgées sont mal logées », proteste le responsable du collectif.
Depuis qu'ils savent que le CADA aura vue plongeante sur la cour des maternelles, les parents de la petite école craignent pour la sécurité de leurs enfants. Ils sont nombreux à avoir rejoint le collectif Préservation de la Pierre Attelée.
Une association, Aurore, qui implante de nombreux centres d'hébergements partout en France
Rodée à l'implantation de centres de demandeurs d'asile en région parisienne et un peu partout en France, l'association Aurore, gestionnaire du projet de Saint-Brevin, n'a pas attendu le discours d'Emmanuel Macron, ce 15 septembre, appelant à déplacer les migrants dans nos campagnes. Comme à Callac, où sa jumelle, l'association Horizon, s'ingénie à construire un centre d'asile depuis 2018, Aurore construit : à Batz sur Mer (35 migrants accueillis en 2018), à Saint-Flour (centre d'hébergement en 2018 pour 60 demandeurs d'asile), Aurillac, Vic-sur-Cère, Figeac (qui s'affiche « ville d'accueil exemplaire pour les migrants ») et ailleurs...
Des intérêts privés au profit de l'idéologie de la mixité
Pour trouver des financements, Aurore fait appel à des investisseurs privés : L'Oréal, les assurances AXA, la Société générale, Conforama... et d'autres mettent la main au pot. Parmi eux, on retrouve l'entreprise Bonpoint, fleuron de la famille Cohen, partenaire aussi du projet d'implantation d'hébergement de migrants à Callac, mais par le biais de l'association Horizon. Personne ne dépense en pure perte : les donateurs bénéficient de réductions fiscales attirantes (75 % de l'impôt sur le revenu, 60 % de l'impôt sur les sociétés). Un système idéal, donc, qui permet d'allier idéologie de bon aloi et intérêts privés.
Emmanuel Macron ne veut pas « perdre de temps avec les récalcitrants »
Et ce, quel que soit l'avis des Français. Qui, à 48 %, se disent opposés à l'accueil des étrangers en zone rurale (sondage CNews). Ceux-là ne comptent pas pour Emmanuel Macron qui, le 15 septembre, déclarait : « Les années qui viennent seront des années de transition démographique », muselant à l'avance les opposants : « Si on essaie d'avoir une solution unique et d'engager tout le monde, on va perdre un temps fou à essayer d'engager, et on le sait très bien, on perd beaucoup de temps sur les récalcitrants. Laisser les gens qui ne veulent pas faire, aider au maximum les gens qui veulent réussir et à réussir vite, là où ils ont des grandes difficultés auxquelles ils doivent répondre et qui ont vraiment besoin de moyens. Quand le voisin les verra changer, il voudra plonger dans la même méthode. »
Prêts à plonger, vraiment ? L'avenir seul le dira. En attendant, à Saint-Brevin comme à Callac, la résistance s'organise.
Note : la mairie de Saint-Brevin qui, à sept reprises, a refusé de recevoir le collectif Préservation de la Pierre Attelée, n'a, à ce jour, pas répondu aux sollicitations de Boulevard Voltaire.
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